Un samedi au Stade de France


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Un match de rugby dure quatre-vingts minutes. Pour l’avoir oublié, le XV de France a été à deux doigts de gâcher un après-midi qui avait pourtant bien commencé. La côte de bœuf saignante et le Médoc, consommés entre amis au Royal-Villiers, avaient été joyeux. Nous occupions la table de Robert Paparemborde, ce qui, dans le monde du rugby, équivaut à s’asseoir à la table de Guillaume Apollinaire à la Closerie des Lilas. A la table voisine, un ancien international accueillait ses amis par des : « Putain-con » qui sentaient plus le cassoulet de Castelnaudary que l’air de la Porte Champerret.
Au Stade de France, érigé au rang de cathédrale du sport depuis le 12 juillet 1998, jour de la finale du Mundial de football gagnée par la France, les bérets basques et les écharpes tricolores l’avaient déjà emporté sur les chapeaux verts de carnaval que les Irlandais s’acharnent à arborer une année sur deux quand ils viennent à Paris. Il faisait frais mais beau. Un temps idéal pour jouer au rugby. Humiliés en Ecosse, le samedi précédent, les « presque-champions du monde » ont commencé la partie comme à la parade. Les points s’additionnés d’autant plus vite que les Irlandais, très joueurs, attaquaient sans cesse mais perdaient souvent le ballon et donnaient l’occasion aux Français de briller par leurs interceptions et leurs longues passes qui réjouissaient le public. A 40 à 3 pour la France, mon voisin, un peu gêné, me dit : « Les Irlandais vont en prendre une valise ! » Il exprimait ce que tout le monde pensait, mais le rugby est un jeu et le ballon est ovale. C’était mal connaître les Irlandais….et les Français. A force de rendre le ballon aux Irlandais sur des coups de pied qui n’arrivaient pas en touche, le match a basculé. Soutenus par les chants de leurs supporters, les Irlandais, qui sentaient depuis le début que le score ne reflétait pas la physionomie de la partie, ont continué à produire du jeu et du beau jeu. Les Français épuisés physiquement, incapables de gérer leur avance au score, ont alors encaissé quatre essais en quinze minutes. C’est çà aussi le rugby !
Bernard Laporte, le sélectionneur français, ivre de colère à la fin du match, s’en prenait au public parisien qui ne comprend rien à ce sport et qui n’aurait jamais dû siffler la sortie du demi d’ouverture français. Il a raison, ce n’est pas Fréderic Michalak qui fallait siffler mais Bernard Laporte qui aurait dû prendre plus tôt la décision de le remplacer par un joueur frais. A la sortie du Stade, les commentaires de « ces bourgeois de parisiens qui ne connaissent rien au rugby » étaient sévères à l’égard du sélectionneur. Nous étions pressés de revoir le match à la télévision pour tenter de comprendre ce qui avait bien pu se passer. Sur place, nous avions vu plus d’esprit dans les jambes irlandaises que dans les têtes de nos jeunes français supposés faire rayonner le génie du rugby.


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