Le logement en France

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Le logement demeure en 2012, un problème social grave pour plus de deux millions de Français. L’auteur, ancien directeur général d’une grande entreprise de promotion immobilière, analyse, dans cet ouvrage, les raisons pour lesquelles la France n’a jamais réussi à combler son retard, depuis 1945. Quelles ont été les contraintes politiques et budgétaires? Les illusions, les contradictions, l’état d’esprit des Français dans ce domaine? Si « gouverner, c’est choisir », quelles sont les raisons pour lesquelles le logement n’a jamais été considéré comme une priorité à long terme? L’histoire des politiques du logement depuis la fin de la deuxième guerre mondiale explique la situation dramatique dans laquelle se trouve la France aujourd’hui pour un trop grand nombre de Français. Cet ouvrage fournit des clés pour comprendre les chances de réussite du gouvernement dirigé par Jean-Marc Ayrault depuis le 16 mai 2012.


En mémoire de mon père, Gilbert Desmoulin,

ancien directeur départemental de la construction.

« Bâtissez-nous une politique

Nous vous bâtirons des villes. »

Raymond Lopez, architecte urbaniste 7 juin 1946

Michel Desmoulin

Le logement

en France

Un problème qui n’aurait pas de solution ?

2ème édition

Préface

       Le 1er février 2012, quand François Hollande, candidat socialiste à la présidence de la République, signe le « Contrat social pour une nouvelle politique du logement », que la Fondation Abbé Pierre pour le logement propose aux candidats, il n’ignore rien de la situation très préoccupante dans laquelle se trouvent dix millions de Français et, parmi eux, les 3,6 millions de personnes mal logées.

Il a également en mémoire le discours que Nicolas Sarkozy avait prononcé, sur ce sujet, le 11 décembre 2007 à Vandoeuvre-lès-Nancy. Ce jour là, le président de la République avait évoqué la crise du logement en termes extrêmement critiques et sévères. Cinq années ont passé, le constat que fait la Fondation Abbé Pierre pour le logement, au début de l’année 2012, est alarmant. La politique du logement n’est pas parvenue à réduire le nombre de mal logés et la part du logement dans le budget des ménages a continué à augmenter. La pénurie de logements demeure.

« Qui sait aujourd’hui, disait alors le chef de l’Etat, l’effort public réalisé pour le logement, que cet effort s’élève à 30 milliards d’euros chaque année ? Qui sait qu’un ménage français sur quatre bénéficie d’une aide au logement versée par l’Etat ? Qui sait que plus d’un logement neuf sur deux bénéficie d’une aide publique ? On se demande avec cet effort, pourquoi il y a une crise. Je ne dis pas que ces dépenses sont inutiles. Elles ont certainement permis de relancer fortement la construction au cours des dernières années. Mais en matière de logement, comme dans d’autres domaines, je voudrais dire que le véritable enjeu, c’est de mettre fin aux erreurs, je prends mes responsabilités, sur lesquelles se fondent nos politiques du logement depuis plus de trente ans.

         Depuis trente ans, on empile les aides et les dispositifs, sans ligne directrice et sans continuité. Depuis trente ans, une bonne partie de ces dépenses sert à alimenter la hausse des prix. Je ne veux pas que l’intervention de l’Etat serve à gérer la pénurie. Je veux la combattre. »

Pourquoi l’ancien président de la République avait-il été conduit à faire ce constat au début de son quinquennat ? Les débats, les discours, les promesses, les réglementations, les projets, les efforts budgétaires, ni même les bonnes intentions, n’ont pourtant pas manqué depuis la fin de la deuxième guerre mondiale. Dans son discours, le président Nicolas Sarkozy avait passé en revue tous les aspects d’un problème qui semble ne pas avoir de solution. En effet, le logement est – et demeure – non seulement un problème social de première importance, mais conserve, en raison de la pénurie récurrente, toutes les caractéristiques d’une situation de crise pour plus de trois millions de Français. La part des revenus des ménages consacrée au logement est anormalement élevée en raison de la pénurie de logements alors même que l’effort de l’Etat s’élève à 30 milliards d’euros par an qui seraient mal employés.

En plus d’un demi-siècle de prospérité économique, la France n’aurait donc pas été capable de fournir un toit décent à tous ses habitants. Certes, cinq Français sur six sont aujourd’hui logés à peu près convenablement. A peu près seulement, en raison d’un urbanisme incohérent qui rend trop souvent le logement éloigné et dépendant des transports. Est-ce au nom du réalisme politique qui nécessite, face aux événements, de couvrir les reniements d’un voile pudique ? Si « gouverner, c’est choisir », quelles sont les raisons pour lesquelles le logement n’a jamais été considéré comme une priorité à long terme ? Faut-il, avec cynisme, considérer qu’il y a des problèmes qui n’ont pas de solution ?

Parmi les raisons invoquées pour expliquer l’absence de véritable politique à long terme de l’habitat, il faut noter la longueur du processus de construction et la part croissante du foncier dans le coût du logement. En l’absence de politique de maîtrise des sols, cette évolution a créé en permanence des déséquilibres qui se sont avérés insurmontables. Aides à la pierre ou aides à la personne ? Des discussions sans fin, mais non sans intérêt, entre les acteurs de la construction et les experts du ministère des Finances, ont conduit à des solutions à moyen terme et à un saupoudrage constant.

Certes, le logement n’est pas un bien comme les autres qui pourrait répondre à la simple loi de l’offre et de la demande. C’est un bien qui répond à un besoin, à une nécessité vitale pour laquelle l’Etat doit avoir une politique. C’est la raison pour laquelle il y a un ministère du logement, alors qu’il ne viendrait à l’idée d’aucun chef de gouvernement d’avoir un ministère de l’automobile. Le chef de l’Etat le dit, le logement est une préoccupation de la vie quotidienne. Avoir un toit, c’est avoir une adresse, une identité. Pour être propriétaire de leur résidence principale – de préférence une maison individuelle -, de très nombreux ménages consacrent au logement la part la plus importante de leur budget familial. Il en est de même pour les locataires qui ne disposent pas d’un apport personnel suffisant. Dans ces conditions, peut-on parler de politique du logement ?

Pour tenter de comprendre les raisons pour lesquelles on en est arrivé là, il faut se remettre en mémoire les difficultés auxquelles la IVème République a été confrontée, dresser le bilan de ce qu’elle a réalisé dans le domaine du logement, recenser les erreurs commises et regarder dans quel esprit la Vème République, bien décidée à faire du logement « la priorité des priorités », a abordé ce dossier au cours des dix années pendant lesquelles le général de Gaulle était au pouvoir. Quelles ont été les contraintes politiques ? Quelle a été la part de responsabilité du ministère des Finances dans les politiques poursuivies et les choix budgétaires ? Quelle influence ont eu les partis politiques, les syndicats, les architectes, les urbanistes, les organismes HLM, les industriels du bâtiment, les acteurs de la construction ? Les illusions, les contradictions, les choix budgétaires, l’état d’esprit des Français dans ce domaine, expliquent en grande partie que c’est au cours de la période 1945-1975 que tout s’est joué. Par la suite les gouvernements successifs ont saupoudré, multiplié les dispositions particulières, complexifié les procédures, tenté de réguler le marché sans parvenir à augmenter l’offre de logements, condition nécessaire sinon suffisante pour que les prix et loyers n’augmentent pas plus que les revenus du travail.

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