Il y a un an, le 10 août 2006, disparaissait mon ami Pierre Schwed.

Pour honorer sa mémoire, je ne peux rien faire de mieux que de mettre en ligne l’hommage que j’avais demandé à son ami Pierre Messmer, ancien Premier ministre, de bien vouloir rédiger pour la revue Défense que Pierre Schwed avait créée en 1975.

Pierre Schwed était un homme exceptionnel.
D’abord par le courage dont il a donné bien des preuves. Pendant la guerre, résistant et déporté ; après la guerre, créateur d’une entreprise originale qu’il développe en Europe et en Extrême-Orient, administrateur de grandes entreprises publiques et privées, Fichet, Air France, Aérospatiale, Plantations de Kratié, enfin, dans ces dernières années, souffrant d’un grave cancer, il a survécu au prix de traitements longs et douloureux qu’il acceptait comme un combat contre la mort. Par son courage, Pierre Schwed est un grand exemple.
Par son civisme, aussi. Comme tous ceux qui ont souffert de la guerre, il voulait la paix, mais il n’était pas de ces pacifistes qui pensent avoir fait leur devoir en prononçant des discours et en signant des motions, ces hommes qui, pour citer Vauvenargues « ont de grandes prétentions et de petits projets ». Dans le siècle où nous avons vécu, celui des dictatures inhumaines et des génocides, celui des guerres mondiales et de l’arme nucléaire, il fallait être armé pour maintenir la paix sans risquer la servitude, et il fallait être prêt à combattre.
Pierre Schwed l’avait bien compris et son civisme s’est exercé principalement dans le domaine de la défense. D’autres amis évoqueront mieux que moi son stage à l’IHEDN en 1965-1966 et son action parmi les anciens dont il a présidé l’association des auditeurs, la fondation de l’association EuroDéfense (France) dont il a été longtemps président.
Alsacien, l’influence r exerçait tenait à sa parfaite connaissance de la langue allemande et plus encore à son caractère. De la guerre, il n’avait gardé aucune haine de ses ennemis ; dans la paix, il traitait loyalement ses concurrents et ses adversaires. En politique, il avait ses opinions, ne les cachait pas mais n’a jamais été un homme de parti. Il a connu, fréquenté, reçu presque tous les ministres de la Défense de la Vème République, de droite comme de gauche, gaullistes ou antigaullistes ; j’ai eu parfois le sentiment qu’il retenait particulièrement l’attention de ceux qui n’étaient pas d’accord avec lui et sa capacité d’écoute n’enlevait rien à sa force de conviction.
Et il avait le génie de l’amitié, une amitié tous azimuts : très marqué par l’Extrême-Orient dont sa maison de Marnes-la-Coquette conserve de beaux souvenirs, il est venu en aide à ses amis cambodgiens persécutés et chassés par les Khmers rouges. Nos alliés de l’OTAN étaient accueillis chez lui, civils et militaires, avec une prédilection sensible pour les officiers de toutes armes et de toutes les armées.
Plusieurs fois par an, aidé par son épouse, il organisait des réunions où nous étions heureux de nous retrouver autour de lui. Et il a voulu nous réunir une dernière fois, au mois de juillet quelques jours avant sa mort qu’il savait proche et qu’il attendait sans peur.

Profondément européen, le NON au référendum sur le projet de traité constitutionnel lui avait fait beaucoup de peine. Un mois avant son décès, malgré la fatigue, il avait accepté de remettre les insignes de Chevalier de la Légion d’Honneur, à notre ami Jean Lévieux, vice-président de l’Union des associations de l’IHEDN. Ci-dessous, une photo le montre aux cotés de l’Amiral-directeur de l’Institut des hautes études de défense nationale, François Dupont, lors de cette cérémonie dans le Salon des Maréchaux de l’Ecole militaire. Quelques semaines après son décès, les anciens directeurs et anciens présidents de l’IHEDN et d’Eurodéfense-France, lui avaient rendu hommage dans le grand amphithéâtre Foch de l’Ecole militaire.
Pierre, nous pensons à toi.