« Les promesses n’engagent que ceux qui les écoutent »


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Dans un peu plus d’un mois, les Français connaîtront le résultat du premier tour de l’élection présidentielle et pourront se faire une idée plus précise de la personnalité de celui (ou de celle) qui succédera à Jacques Chirac. Les promesses, les « boules puantes », les sous-entendus, les certitudes, les « je veux », nos concitoyens commencent à en avoir assez et se préparent, une nouvelle fois, à émettre un vote de protestation contre la classe politique qui feint de l’ignorer. Nous n’avons même plus notre dose d’humour qui aide si bien à reprendre son souffle. Les dîners en ville deviennent de plus en plus tendus, les familles se déchirent, les voisins ne se parlent plus, faute d’un humour minimum que le Canard enchaîné ne parvient pas à faire émerger.
Sous la IV ème République, il y avait Ferdinand Lop, qui n’a jamais fait plus de 151 voix aux législatives mais qui avait réussi à couper la France en deux (comme Coluche plus tard), entre les lopistes et les antilop. C’était un enseignant, poète, écrivain, candidat permanent aux diverses élections pour tourner la politique en dérision. Son programme était simple, clair et précis : il préconisait l’extinction du paupérisme après dix heures du soir, la prolongation du boulevard Saint Michel jusqu’à la mer, la rade de Brest jusqu’à Montmartre, la nationalisation des maisons-closes, l’octroi d’une pension à la femme du soldat inconnu et l’installation de Paris à la campagne pour que les habitants aient un peu d’air pur. Les campagnes électorales ne se déroulaient pas à la télévision mais dans les arrière-salles des bistrots. Le laconisme hautain de Ferdinand Lop amusait beaucoup et ses maximes se répandaient comme une traînée de poudre. Les plus connues étaient : « L’énigme aboutit parfois au mystère », « l’avion est un paradoxe : plus lourd que l’air, il peut, grâce à la vitesse, se maintenir en l’air » ( Jean-Luc Delarue aurait été mieux inspiré en relisant Ferdinand Lop), « Sans la création, le monde ne vivrait pas », « Pour dominer, il faut savoir se montrer fort ».
Un jour du mois de mai 1964, alors que les marronniers du boulevard Saint Germain étaient en fleurs, je me souviens qu’en sortant de mon bureau, qui était au 254, je tombais nez à nez sur Ferdinand Lop. « Bonjour Maître, comment allez-vous ? ». Il avait alors 73 ans et n’était déjà plus très connu. Son regard s’illuminait quand, dans la rue, quelqu’un le reconnaissait. Après avoir échangé quelques souvenirs, je lui proposais de monter quelques instants dans mon bureau et de rencontrer quelques admirateurs. J’avais à l’époque deux jeunes adjoints sortis récemment de HEC et encore très potaches. Nous avons passé l’heure du déjeuner à écouter Ferdinand Lop raconter ses souvenirs. J’ai le souvenir que nous avons ri aux larmes et que les secrétaires, qui ne connaissaient pas cet énergumène, n’appréciaient pas que nous nous moquiions de ce vieux monsieur.


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