Si vous aimez Venise ; si vous n’avez pas regardé, samedi ou aujourd’hui sur France 5, « Venise vue par Jean D’Ormesson », alors je vous conseille de vous procurer le DVD qui est en vente.
En marchant, ou à bord d’un vaporetto, Jean d’Ormesson parcoure la lagune en expliquant sa passion pour la cité des Doges. Pour se défendre de son enthousiasme, il concède qu’il y a beaucoup de choses qu’il n’aime pas ; les masques, la verroterie et le carnaval « qu’il déteste ». Sur un fond de musique admirable que personne ne parvient à référencer, il explique que « Venise est un lieu ou règne la beauté ».
Il confie qu’il aime particulièrement y arriver, il est alors envahi par « quelque chose qui ressemble à l’amour ». Il aime écrire et se promener dans « son royaume personnel », une partie de la ville, loin du tourisme et de la place Saint Marc. Ici, dit-il, « je suis chez moi ». Il nous fait partager ses promenades. Il nous montre un campo qu’il aime plus que tout autre et la petite maison rouge dans laquelle il a écrit le « Rapport Gabriel ». Il se laisse aller à parler de lui, de ses souvenirs, mais prévient que s’il parle beaucoup, « ce n’est pas pour dire des choses, mais pour en cacher ».
Si vous craignez le choc des civilisations, vous découvrirez que Venise est le symbole de la défense contre les menaces. L’Orient et l’Occident n’ont cessé de s’y affronter dans la passion et le sang. Avant de commenter l’art qui fait de cette ville, le plus beau musée du monde, Jean d’Ormesson explique que « l’art du roman, c’est inventer avec des souvenirs. Venise, par le calme qui peut y régner, favorise cette chimie ».
Philosophe, il rappelle que l’homme n’est pas là pour toujours, le soleil non plus. Ce merveilleux conteur assure ses transitions par quelques anecdotes délicieuses. Sur la fin du monde, il raconte qu’un jour une jeune fille qui assistait à une conférence sur le sujet s’est évanouie en entendant le conférencier affirmer que le soleil n’en avait plus que pour 5 milliards d’années. On s’affaire, elle reprend ses esprits, explique que cette perspective, dans 5 millions d’années, l’a effrayée. On la rassure, ce n’est pas dans 5 millions d’années mais dans 5 milliards. Ah, bon, j’avais entendu 5 millions !
Jean d’Ormesson donne quelques conseils. « Il ne faut pas s’épuiser à tout voir ; il faut laisser le bonheur venir à soi. » « Il y a une multitude d’églises, presque autant que de ponts. Dieu est aussi présent que l’art. Venise symbolise l’ordre du monde ; un ordre du monde ouvert aux influences de ceux qu’elle combattait ». « Dieu règne sur la tolérance, c’est la raison pour laquelle Venise m’est si chère ! » Le commentaire qu’il fait des innombrables œuvres réunies dans la ville est très intéressant. Il décrit admirablement les tableaux qu’il aime. Dans l’église de la Madonna dell’ Orto que j’avais visitée au mois de septembre dernier, il aide le visiteur à comprendre chaque tableau, chaque détail. Il s’attarde sur le petit chien éclairé par un rai de lumière dans le tableau qui représente Saint Jérôme, le patron des traducteurs.
Arrivé au terme de la visite, Jean d’Ormesson nous dit : « Venise nous apprend que la mort n’a pas le dernier mot. Ce qui a le dernier mot, c’est le souvenir, la création, le rêve, l’espérance. » Conscient que sa vie est maintenant en grande partie derrière lui, il termine en disant : « Venise, c’était bien et ce que j’ai connu de ce monde, c’était bien. » Je vous conseille de voir et revoir ces 52 minutes de bonheur. C’était bien.
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