« Tenez bon, nous arrivons »…


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Je ne résiste pas au plaisir de remettre en ligne l’article que j’avais consacré à l’anniversaire de la Libération de Paris, le 23 août 2014.

L’objectif des généraux américains Eisenhower et Bradley était d’atteindre le plus vite possible le bassin de la Ruhr, où était concentrée l’industrie lourde allemande et les ports du nord de l’Europe. Les ports d’Arromanches et Cherbourg n’étant pas suffisants pour alimenter les 36 divisions alliées engagées. La libération de Paris, jugée inutile du point de vue stratégique, aurait ralenti la progression déjà compliquée pour des raisons logistiques. Dans ses mémoires, le général Bradley a écrit, à propos de Paris : « La ville n’avait plus aucune signification tactique ». Sa libération pouvait donc attendre la fin du mois d’octobre. L’histoire ne dit pas si le grand quartier général ignorait – ou connaissait – l’ordre qu’Hitler avait donné de détruire Paris pour obliger les forces alliées à défendre la ville et, ce faisant, perdre du temps.

La Libération de Paris

 

Pour le général de Gaulle, la libération de Paris, par une unité française, était indispensable. Elle avait une importance symbolique considérable et renforcerait son pouvoir et son poids face aux alliés et au puissant parti communiste. Le général Eisenhower, à Alger, en décembre 1943, l’avait compris. Il avait promis au général de Gaulle, que la libération de Paris serait, le moment venu, confiée à une unité française.

L'avancée des forces alliées - infographie Le Monde
L’avancée des forces alliées – infographie Le Monde

 

 

Depuis le 10 août, la résistance parisienne, sous la direction de Rol-Tanguy, le responsable des FFI pour l’Île-de-France, avait entrepris de libérer la capitale. Pressé par les événements, Le général de Gaulle a demandé au général Leclerc d’exiger des Américains que la 2e division blindée marche sur Paris. Le général américain Gerow, supérieur hiérarchique du général Leclerc, ne voulait pas en entendre parler. Il avait reçu des ordres qu’il entendait appliquer à la lettre. Les relations étaient tendues entre le général Leclerc et son supérieur hiérarchique. Excédé, invoquant  « l’insubordination de Leclerc », le général Gerow finit par accepter de donner l’ordre à la 4e division d’infanterie américaine d’accompagner la 2e DB. Le 22 août, le général Leclerc, encore à 250 km de Paris, reçut le feu vert du général Bradley et lança les 15.000 hommes et 400 chars et blindés de sa 2e DB vers Paris. Le 23 août à 18h, il signait l’ordre d’opérations suivant:

:

ORDRE D’OPERATIONS POUR LA JOURNEE DU 24 AOUT 1944

I – Mission
1- 1°) s’emparer de Paris
2- 2°) Tenir Paris en occupant les routes entre Ivry sur Seine et Neuilly sur Marne
– en poussant des éléments dans la région nord est de Paris
– en maintenant un élément réservé sur Paris

II- Renseignements
L’ennemi dispose d’un certain nombre de points d’appui sans liaison les uns avec les autres. Ces points d’appui sont plus denses dans la région sud-ouest de Paris

III- Dispositif
Mission principale
Groupement tactique « V » 
a) pousser sur l’axe Arpajon-Sceaux, Paris où se fera l’effort principal en utilisant les petites routes et évitant les grands axes
b) Pénétrer dans Paris en direction du Panthéon, puis franchir la Seine et sortir par la Région Vincennes, Charenton et tenir les ponts de la Marne entre Ivry sur Seine (inclus)  et Neuilly sur Marne (inclus)
c) S’éclairer ensuite à distance utile
PC en fin de mission : Porte de Vincennes

Mission secondaire de diversion
Groupement tactique « L »
a) Pousser sur l’axe Dampierre, Chevreuse, Chateaufort, Toussus le Noble, Les Loges, Jouy en Josas, Villacoublay, Bois de Meudon, Pont de Sèvres.
b) Tenir Sèvres et pousser deux sous-groupement sur Versailles et en direction de Paris
c) En fin d’opérations et après relève par éléments reservés à Versailles, pousser l’ensemble de son groupement au centre de Paris (Place de la Concorde) en réserve mobile
PC : initialement, Pont de Sèvres ; ultérieurement Hôtel Crillon à Paris

Groupement tactique « D »
a) Mettre le 3ème R.A.C à disposition du G.T.V, prêt :
Soit à appuyer ce groupement de tous ses moyens
Soit à appuyer le GTL en poussant un sous-groupement en direction du pont de Sèvres
b) Nettoyer le centre de Paris
c) En cas de réussite immédiate des différentes opérations des groupements tactiques « V » et « L », pousser des éléments vers Pantin, au nord de Paris.
PC : Mairie de Pantin

Eléments Morel-Deville : se maintenir à leurs emplacement actuels et faire le maximum de volume pour simuler une attaque directe en direction de Saint Cyr. En fin de journée, en réserve aux ordres du colonel Rémy.

F.T.A : les batteries suivront  initialement la progression des groupements auxquelles elles sont affectées, prêtes à s’organiser en D.C.A au centre de Paris, dès la chute de Paris

Génie : les éléments réservés du Génie, sous les ordres du chef de Bataillon, commandant le Génie divisionnaire, resteront initialement à Rambouillet et se tiendront prêts à déminer l’axe Rambouillet, Versailles, Paris en fin de journée, sur nouvel ordre.

Groupement Rémy et éléments réservés : sous les ordres du colonel Rémy, pousseront sur Versailles dès sa libération et déminage des axes, prêts à recevoir toute mission de contre-attaque. Pousseront ultérieurement sur Paris (Longchamp)

IV – Différents PC
– PC avancé : derrière GTV puis hôtel Crillon, Paris
– PC principal : Rambouillet, Versailles (Lycée hoche), Longchamp.
– Base : Rambouillet

V – Circulation
– un D.C.R à disposition du GTV
– un D.C.R à disposition du GTL
En fin d’opération, deux D.C.R à disposition du Général, Place de la Concorde

VI – Air Support
– Détachement principal avec GTV
– Détachement secondaire avec GTL

VII – Heure du début des opérations : 7 heures

PC Rambouillet, 23 août 1944, 18 heures
Signé : le Général Leclerc, commandant la 2e D.B

Libération de Paris - barricades
Une barricade dans Paris

La suite est connue. Les premiers éléments de la 2e DB sont entrés dans Paris le 24 août par la porte d’Orléans et la 4e division d’infanterie américaine, le 25 août, par la porte d’Italie. Les Américains ont laissé l’armée française entrer les premiers dans la capitale. C’est ce que voulait le général de Gaulle afin d’acter la place de la France parmi les forces alliées et de figurer dans le camp des vainqueurs, le moment venu.

Yvon Morandat a pris possession de l’Hôtel de Matignon au nom du Gouvernement provisoire dans des conditions rocambolesques assez bien relatées dans le film « Paris, brule-t-il ? ». Bien préparée par la résistance, la libération de Paris, le 25 août 1944, s’est faite en quelques heures, après une semaine de soulèvement et l’arrivée de la 2e DB. Le 25 août, peu avant 15H00, le général Von Choltitz fut fait prisonnier à l’hôtel Meurice, siège du commandement du Gross Paris, conduit à la préfecture de police et contraint de signer, devant le général Leclerc et Rol-Tanguy, l’acte de capitulation à la gare Montparnasse.

Dans « La France dans la guerre. 1940-1945, jour après jour », publié chez Plon en 1990, mon ami le préfet Pierre Lefranc, ancien chef de cabinet du général de Gaulle a raconté la chronologie de la Libération de Paris

Le Préfet Pierre Lefranc

Un épisode est moins connu.

Le 24 août 1944, le général Leclerc voulait faire savoir à Chaban-Delmas qu’il ne fallait pas signer de trêve avec les Allemands. Les résistants auraient mis trois jours pour acheminer le message et les avions alliés n’étaient pas disponibles pour cette mission. Il ne restait que les « piper-cubs », mais ils n’étaient pas autorisés à survoler l’ennemi. Le Capitaine Jean Callet, qui commandait l’escadrille de la 2ème DB, décida d’y aller lui-même avec le lieutenant Mantoux qui s’est porté volontaire comme observateur. Jean Callet a raconté, pour la revue »Défense », les conditions dans lesquelles il avait parachuté le message de Leclerc: « Tenez bon, nous arrivons ». « Par chance, l’aller s’est déroulé sans anicroche, au-dessus d’un beau paysage, sous un soleil jouant avec les nuages. Message lancé dans la cour de la préfecture de police, le retour a été bien plus animé sous le feu des mitrailleuses ennemies. L’appareil, criblé d’éclats, le train d’atterrissage arraché, il nous a fallu chance et savoir-faire pour regagner le PC de Leclerc. Le lendemain, Paris était libéré. »

Auditeur de la 20ème session de l’Institut des hautes études de défense nationale, Jean Callet en devint le directeur de 1972 à 1974, en qualité de général de corps d’armée. A la fin d’une session de cet institut, il avait dit aux auditeurs : « Si chaque jour, vous savez trouver le temps de vous recueillir, de réfléchir, de méditer, si chaque jour vous savez dégager quelques minutes pour faire votre examen de conscience, en fermant vos oreilles aux bruits de la terre et vos yeux au mouvement qui l’agitent, alors, vous ferez de grands progrès, en distinguant dans le silence de votre âme, « l’essentiel de l’accessoire ». Cet « homme de Leclerc » avait appris à donner l’exemple. « Ne pas se contenter d’ordonner « en avant », mais « en avant, suivez-moi » et partir en tête.


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