Réformer les institutions, vite, vite, le temps presse !


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Quand des lois sont votées, conformément aux dispositions de la Constitution, mais ne sont pas acceptées par le peuple, dans sa grande majorité, c’est qu’il y a un problème qu’il convient de corriger.

Si le président de la République se contente de tenter d’atténuer la colère, sans s’attaquer aux causes de celle-ci, il manquera à son devoir.

Ce qui vient de se passer était prévisible et inévitable. Pierre Mazeaud, ancien président du Conseil constitutionnel, au cours d’un entretien qu’il avait accordé à Florent Barraco, journaliste au Point, le 30 octobre 2021, avait prédit la situation dans laquelle nous nous trouvons aujourd’hui : « Emmanuel Macron sera réélu d’extrême justesse avec une grande abstention. Mais il ne pourra rien faire, car il aura une Assemblée contraire. Il y aura une sorte d’alliance entre la gauche et la droite qui veulent la revanche et ne voteront aucun texte. »

Prévisible et inévitable, parce que la Ve République porte en germe, depuis 1958 et 1962, des dispositions contestées et contestables qui ne l’ont pas empêché de fonctionner depuis 65 ans mais qui entretiennent un climat de défiance et de contestation, apparu dès le mois de mai 1968, qui fracture la Société française et nuit à la cohésion nationale.

Nous ne sommes plus en 1958 !

Le baromètre de la confiance politique, que présente, chaque année, l’institut OpinionWay pour le Centre de recherches politiques de Sciences Po (Cevipof), vient de révéler – et de confirmer – la « baisse générale du niveau de confiance dans les institutions. » Cette méfiance généralisée, donne le sentiment d’une société malade et fracturée.

En utilisant un projet de loi de financement de la Sécurité sociale rectificatif (PLFSSR) pour faire passer son projet de réforme des retraites, le gouvernement a limité la durée des débats et bridé la représentation nationale. Il a ensuite activé le vote bloqué au Sénat. Utiliser l’article 47-1, le 44-3, puis, au final, le 49-3, est habile, conforme à la Constitution, mais alimente le climat de défiance que constate l’institut OpinionWay.

Dans une tribune au « Monde », Patrick Weil, historien, politologue, directeur de recherche au CNRS, université Paris-I-Panthéon-Sorbonne, le 11 janvier 2023, déplorait « les effets néfastes de la réduction du mandat présidentiel à cinq ans et sommait les parlementaires, de tout mettre en œuvre pour « rééquilibrer et séparer les pouvoirs ». « La Ve République est en crise, et ceux qui ont le pouvoir et la possibilité de résoudre cette crise regardent ailleurs. »

Il faut, écrivait-il, ce jour-là, rééquilibrer et séparer les pouvoirs. « Une tâche nécessaire que seuls les députés – et les sénateurs – sont habilités à accomplir. Quand il s’agit de réviser la Constitution, le Parlement en a le pouvoir, indépendamment du président de la République et du gouvernement. Pas de 49.3 dans ce cas : si l’accord du Sénat et de l’Assemblée nationale se fait sur une proposition de révision, le président de la République n’a d’autre choix que de la soumettre à ratification en convoquant le peuple pour un référendum, ou l’ensemble des parlementaires pour un congrès à Versailles. Accorder les parlementaires de tout bord et des deux assemblées, est-ce possible ? C’est plus que possible, c’est nécessaire. C’est avec ses adversaires que l’on fait des institutions républicaines et démocratiques, pas seulement avec son camp. »

Le 16 mars 2023, à l Assemblee nationale, les deputes LFI brandissent des pancartes “64 ans c est non !” et chantent la Marseillaise.

« Il faut arrêter le bricolage. Le moment est venu de changer de Constitution », écrit, de son côté, Dominique Rousseau, Professeur de droit public, dans Le Monde daté du 13 mars. « Une simple révision de la loi fondamentale serait insuffisante, il faut repenser le texte en s’appuyant largement sur la société civile. La France, le monde, ne sont plus ce qu’ils étaient en 1958 ! La Constitution est, aujourd’hui, périmée. Le professeur appelle de ses vœux la réunion d’une assemblée constituante « à froid », dans le calme, pas dans une période de crise prérévolutionnaire.

Le professeur fait des propositions. Il se réfère au décret n° 92-1247 du 2 décembre 1992, pris par le président Mitterrand sur le rapport du garde des sceaux et le Conseil des ministres entendus, créant le comité consultatif pour la révision de la Constitution, « le président pourrait, devrait, selon la même procédure, créer un comité pour la réécriture de la Constitution. Ce comité comprendrait vingt membres dont une moitié serait des citoyens tirés au sort et l’autre moitié des professeurs d’université et des personnalités expérimentées nommés par décret en Conseil des ministres. Au terme d’un « processus constituant délibératif », qui pourrait s’étendre sur une ou deux années, les Français seraient appelés à se prononcer par la voie d’un référendum. Dans l’hypothèse d’un vote positif, la Constitution réécrite entrerait en vigueur dans l’année suivant son adoption. »

Moins d’un an, après l’élection présidentielle, ce que Pierre Mazeaud avait prévu, s’est réalisé. L’heure n’est plus à la recherche des responsabilités, mais à la constatation de la cause de cette situation et aux remèdes. La dissolution ne résoudrait rien. Le changement de Premier ministre non plus, un référendum, encore moins, sauf sur une réforme des institutions qui rééquilibrerait les pouvoirs.

Enfin, pour mémoire, au cours de l’entretien que Pierre Mazeaud avait accordé au Point, le 30 octobre 2021, l’ancien président du Conseil constitutionnel avait dit : « Ce qui me frappe, c’est la chute du niveau du personnel politique et le manque criant d’hommes d’État. Il n’y a plus d’homme politique de valeur dans le monde. »

Vaste sujet !

 


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