Je viens de perdre un ami très cher. Pierre Schwed, un de mes prédécesseurs à la présidence de l’Union des associations d’auditeurs de l’Institut des hautes études de défense nationale, est mort le 10 août, dans sa propriété de Marnes la Coquette. Depuis ce qu’il appelait « cette curieuse journée » du samedi 11 juillet 1998, qui lui avait réservé « deux surprises de taille », il savait que sa vie allait changer. Il avait reçu ce jour là une lettre personnelle du Président de la République lui apprenant sa promotion dans l’ordre de la Légion d’honneur et l’annonce d’une « méchante maladie » contre laquelle il n’a cessé de se battre avec l’aide d’Edel, son admirable épouse, dont il louait « la patience, l’efficacité, l’attention » dans les lettres qu’il adressait à ses amis. Le 31 juillet 1998, à l’Hôpital Saint-Antoine, Pierre Messmer, son ami, ancien Premier Ministre, lui avait remis les insignes de Grand-Officier de la Légion d’Honneur.
Pierre Schwed, le résistant.
Peu d’hommes ont voulu plus que lui, de sa jeunesse à sa mort, s’identifier à la défense de son pays. Né à Colmar, le 2 janvier 1923, le jeune Eclaireur de France ne tarda pas à s’engager comme agent de liaison de « la défense passive », en 1939, à l’âge de 16 ans. En 1941, il s’engage dans la résistance, dans les Forces Françaises combattantes, puis participe, à la fin de l’année suivante, à la création de l’Armée secrète dont il fut le chef de la 6ème compagnie du 3ème régiment. Il est arrêté en 1943 pour des actions qui lui vaudront la Croix de guerre avec citation à l’ordre du Corps d’armée. En 1944, il est libéré par la résistance et reprend du service dans les F.F.I. Médaillé de la Résistance, il retourne dans la vie civile, après la Libération, participe à la création d’un établissement financier, FINACOR, dont il deviendra le Président-directeur général jusqu’en 1984 et fait, à ce titre, partie de divers conseils d’administration.
Pierre Schwed, au service de la défense.
De 1948 à 1990, Pierre Schwed a mené en parallèle une carrière d’officier de réserve, qui le conduit, en 1972, au grade de colonel, et une intense activité au service de l’esprit de défense dans le cadre de l’Institut des hautes études de défense nationale. Auditeur de la 18ème session, dont il sera élu premier délégué, il participe dès l’année suivante, en 1966 à l’activité de l’association en qualité de trésorier adjoint. Déjà Chevalier de la Légion d’honneur, au titre de la Résistance, il est promu officier en 1967. En 1973, il est tout naturellement élu président de notre association. Après trois mandats successifs, qui ont marqué l’histoire de l’association, le directeur de l’Institut, le général d’armée Jean Paul Etcheverry lui rend hommage, en ces termes, dans le numéro 8 de la revue Défense de janvier 1977 : « Dans un style personnel fait d’un dynamisme, d’un enthousiasme et d’une efficacité qui n’excluent nullement le sens des nuances et la chaleur humaine, il a apporté à l’Association un lustre jamais égalé, lui donnant une audience exceptionnelle auprès des plus hautes autorités du pays comme auprès de l’opinion en général. La création de la revue Défense qui, née en 1974, compte déjà parmi les publications spécialisées du meilleur niveau, est une des réalisations marquantes à mettre à son crédit. Mais l’œuvre maîtresse de Pierre Schwed aura été sa contribution efficace à la mise sur pied de l’Union des associations de l’Institut des hautes études de défense nationale. …..Je suis très conscient de ce que l’IHEDN ne peut avoir sur les associations que la seule tutelle morale que celles-ci veulent bien lui reconnaître et que cette indépendance doit être maintenue en dehors de toute hiérarchie officielle. Avec le président Schwed, l’exercice de cette « tutelle » aura été pour moi une source permanente de satisfaction et d’enrichissement. Je me dois notamment de souligner la constance et la loyauté du concours qu’il n’a cessé d’apporter à l’Institut lorsque les circonstances ont fait que la « maison » devait être expliquée et parfois défendue, en particulier dans la presse : sous le signe de l’Association, puis de l’Union, il n’a jamais manqué d’intervenir avec courage et efficacité. » En 1975, il est promu au grade de Commandeur de la Légion d’Honneur.
Pierre Schwed, l’européen.
De 1984 à 1993, Pierre Schwed a activement milité pour la création d’un Institut européen des hautes études de défense et constitué, au sein d’un comité d’études pour un esprit de défense européen, un réseau à haut niveau, pour promouvoir l’identité européenne de défense et de sécurité. Il veut convaincre les dirigeants politiques que les questions de défense et de sécurité doivent être traitées au niveau européen. Il veut susciter la prise de conscience des valeurs partagées et des intérêts communs. Il y a mis, comme toujours, toute sa force de conviction et n’a pas ménagé sa peine. Il s’est souvent dit, comme son ami Edgar Faure, que « C’est un grand tort d’avoir raison trop tôt », mais ce meneur d’hommes savait mobiliser les énergies. Il était impossible de lui refuser quoique ce soit. Cinq cents pages, c’est que comporte le livre de souvenirs et de mémoires qu’il a publié à compte d’auteur et offert à ses amis en 2000, ne suffiraient pas à retracer la mission qu’il s’est assignée et le but qu’il a proposé à l’association EuroDéfense – France qu’il a fondée, avec quelques amis, le 9 février 1994. Aujourd’hui, il existe des associations EuroDéfense en Italie, en Allemagne, en Espagne, en Belgique, aux Pays-Bas, en Grande – Bretagne, au Portugal, en Autriche, au Luxembourg, en Grèce et en Hongrie qui militent pour « une Europe sûre dans un monde meilleur ».
Pierre Schwed, l’ami fidèle
Homme d’action et de réflexion, Pierre Schwed était aussi un homme de cœur, attentionné, attentif aux autres, toujours disponible pour jouer ce qu’il appelait son rôle de « vieux sage ». Tous ceux, nombreux, qui lui ont rendu visite à la Villa Saint Pierre, se souviendront avec émotion de cet homme grand, droit, élégant, souriant, qui ouvrait les bras pour accueillir ses visiteurs avec encore plus de chaleur. Pierre était un homme bon, à l’autorité souriante et au courage indéfectible.
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