Les enjeux stratégiques de la Conférence de Copenhague.


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La presse parle beaucoup de la grippe, à juste titre ; elle revient sans cesse sur les bonus des traders, on peut le comprendre, mais personne, ou presque, ne parle de ce qui va se passer à Copenhague au mois de décembre et de ce qui se passe déjà en coulisses avant le sommet.
Cette conférence est pourtant capitale sur le plan géostratégique. De ce sommet naitront de nouvelles solidarités, de nouvelles fractures entre pays développés et en voie de développement. Il s’agit, ni plus ni moins, que de débattre des nouveaux enjeux de la sécurité dans le monde sous toutes ses formes, y compris énergétiques et alimentaires. Pour l’Europe, et pour la France en particulier, il s’agit d’enjeux critiques. Chinois et Américains, le G2 dont on ne parle qu’à mots couverts, négocient un nouveau partage du monde.
Au Sommet de l’ONU sur le climat, les dirigeants du monde entier parviendront-ils à surmonter leurs divergences d’intérêts à court terme pour faire prévaloir l’intérêt général, l’avenir climatique de l’humanité, et se mettre d’accord sur un projet politique mondial à la hauteur des enjeux que nous allons devoir affronter dans les décennies à venir ? L’ultimatum climatique auquel l’humanité est confrontée est sérieux, personne ne le conteste plus. Le réchauffement de la planète est réel. L’activité humaine en est probablement en grande partie la cause si l’on en croit le constat de 2 500 scientifiques du monde entier qui ont reçu collectivement le Prix Nobel de la Paix en 2007 pour leurs travaux sur le phénomène des changements climatiques. Ecosystèmes déséquilibrés, hausse du niveau des océans, sont les premiers signes mais, sur le plan humain, la sécurité alimentaire, l’accès à l’eau mettent en péril des centaines de millions de personnes qui n’auront d’autres solutions que l’exode, la migration, qui ne pourront aboutir qu’à des conflits, à des guerres, à un accroissement de la misère, de la pauvreté et à des souffrances humaines comparables à ce que le vingtième siècle a connu pour d’autres raisons. Est-il possible de stopper la croissance des émissions mondiales de gaz à effet de serre d’ici à 2015 avant de les faire décroitre ? Pour cela, les pays industrialisés auront-ils la volonté politique de s’engager collectivement à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre d’au moins 40% d’ici à 2020 par rapport à 1990 ? Les pays en développement pourront-ils mettre en place des politiques industrielles, énergétiques et agricoles capables de limiter la croissance de leurs émissions avant de les réduire, sans compromettre leur légitime aspiration au développement économique et social ? Les pays riches accepteront-ils d’aider financièrement les pays les plus pauvres ?
La responsabilité morale des pays les plus industrialisés est considérable. En 2012, le protocole de Kyoto arrivera à son terme. Pour prolonger et renforcer ce processus, un nouvel accord est indispensable. A la conférence de Copenhague, qui se tiendra du 7 au 18 décembre 2009, les chefs d’Etat et de gouvernement négocieront pour renouveler cet accord international sur le climat. Il s’agira pour la communauté internationale de s’entendre sur un nouveau «global deal ». C’est un rendez-vous vital pour la planète et pour l’avenir de l’humanité. Ces dirigeants en sont conscients et convaincus, ce qui n’était pas le cas à Kyoto. Le laisser-faire aurait de graves conséquences pour la vie sur la terre.
Pour que Copenhague soit un succès, il faudrait que la réduction des émissions mondiales de gaz à effet de serre atteigne 80 % en 2050. Concrètement cela signifie que les pays de l’Union européenne et les autres pays industrialisés doivent stopper totalement d’émettre des gaz à effet de serre pour 2050. Est-ce possible ? C’est peu probable car les experts ne sont pas tous d’accord sur l’importance des mesures à mettre en œuvre, sur leur répartition entre le monde développé et le monde en développement, sur le financement des réductions des émissions dans les pays en développement et sur l’organisation de ces réductions au niveau mondial. Certains pensent qu’au-delà d’un certain “point de bascule” qui reste à déterminer, le réchauffement climatique pourrait échapper à tout contrôle en raison des effets liés aux rétroactions.
Pour éviter cela, il est impératif de mettre en œuvre des politiques de l’environnement rigoureuses. Toutefois, ces politiques de l’environnement posent de sérieux problèmes d’équité. Le but de la Conférence de Copenhague consistera précisément à trouver des solutions. Ce sera très difficile tant les intérêts particuliers sont divergents. Les États-Unis ont un mode de vie gourmand en énergie. Barack Obama a probablement la volonté d’infléchir la politique américaine d’émissions de GES, mais l’opposition républicaine, on le voit pour la santé, sera vigoureuse. L’adoption d’un accord à Copenhague en décembre demanderait l’aval des deux tiers de la Chambre Haute. La barre est haute ! La Chine, devenue le premier émetteur mondial de gaz à effet de serre (GES) en 2007 observe l’attitude américaine avec beaucoup d’attention. Les émissions chinoises, qui représentent aujourd’hui un quart de celles de la planète pourraient doubler d’ici à 2030. Consciente de la nécessité de réorienter en profondeur son modèle énergétique, la Chine a entrepris de réels efforts afin d’asseoir son développement économique sur des bases durables. Ses premières initiatives ont cependant été en partie entravées par une croissance extraordinaire, qui a déjoué les prévisions et les objectifs fixés, et par la complexité d’un pouvoir centralisé. Pékin a l’intention de prendre une part active aux négociations mais avec la volonté de préserver sa croissance économique. La Chine a le souci de ne pas apparaitre comme le responsable dans l’éventualité où le sommet se terminerait par un échec. Si les propositions chinoise, américaine et européenne sont connues, des pays comme l’Inde, les pays de l’OPEP, la Russie, le Canada et le Brésil défendront des positions qui devront également être prises en compte. Pour les pays producteurs de pétrole, l’enjeu aussi est considérable. Il en est de même pour le Canada. La déforestation et les intérêts agricoles du Brésil seront au cœur des discussions, comme ils l’ont déjà été à Bonn lors des conversations préparatoires.
« Le temps presse », a prévenu Yvon de Boer, le secrétaire exécutif de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC) dans la salle de conférence dominée par une horloge géante marquant le nombre de jours qui nous séparent du grand rendez-vous dans la capitale danoise. Le projet de texte comporte encore 200 pages ; c’est beaucoup trop, à Bangkok, le 28 septembre, et à Barcelone, le 2 novembre, il faudra parvenir à un projet beaucoup plus court. Les spécialistes considèrent comme « hautement improbable » que le Congrès américain donne son accord sur les objectifs qui figurent dans le texte en discussion.
L’ombre d’un échec plane donc sur la conférence de Copenhague. Les positions divergentes entre les pays pauvres et les pays les plus industrialisés constituent pour l’instant des obstacles insurmontables et le risque qu’aucun accord ne soit signé à Copenhague est réel. Les pays les plus riches estiment que chaque nation, y compris les pays en développement, doit s’engager à réduire les émissions de gaz à effet de serre et partager le fardeau. Or, les pays en développement réclament des aides pour qu’ils puissent s’adapter aux changements nécessaires pour réduire leurs émissions. Le sommet du G-20 en septembre à Pittsburgh (Etats-Unis) va également, sur ce point, être de la plus haute importance, de même que l’Assemblée Générale de l’ONU, le Forum des Economies Majeures qui parleront tous du climat.
« Conclure à Copenhague est indispensable, chacun devra assumer ses responsabilités. C’est simple, tout retard dans l’action sera irrattrapable. Il n’y a pas de cession de rattrapage. Ce sera Copenhague en décembre, ou ça ne sera pas. Que ceux qui s’y opposent assument là aussi leurs responsabilités », a déclaré le Président de la République dans son discours du 26 août dernier devant les Ambassadeurs réunis à l’Elysée. On ne peut être plus clair !


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