Toi Vladimir Illitch, est-ce qu’au moins tu frissonnes
En voyant les tiroirs de la bureaucratie
Remplis de tous ces noms de gens qu’on emprisonne
Ou qu’on envoie mourir aux confins du pays
Toi Vladimir Illitch, au soleil d’outre-tombe
Combien d’années faut-il pour gagner quatre sous
Quand on connaît le prix qu’on met dans une bombe
Lénine relève-toi ils sont devenus fous
Les nouvelles qui nous parviennent chaque jour, de Russie, d’Ukraine, laissent pantois. Comment, au XXIe siècle, des hommes, car il s’agit essentiellement d’eux, peuvent-ils encore faire preuve de tant de sauvagerie, de tant de bêtise, de tant d’erreurs de comportement, de tant de mauvaise foi. C’est assez sidérant et pourrait faire douter de la nature humaine.
Recueilli dans la presse quotidienne, voici quelques exemples d’informations qui illustrent ce bien triste constat.
Quand le patriarche Kirill, chef de l’Église orthodoxe de Russie, affirme que la guerre russo-ukrainienne est une guerre « métaphysique » et non « physique », parce qu’elle oppose la conception russe du patriotisme, du patriarcat autoritaire, hiérarchique, à des valeurs occidentales décadentes, l’égalité à la hiérarchie, la tolérance sexuelle à la primauté hétérosexuelle (souvent homophobe), le droit, à l’autorité, la guerre, à la paix, il y a de quoi être troublé. Ancien du KGB, ce grand esprit conseille aux mères russes de faire des enfants pour remplacer ceux qui meurent au combat, pour la plus grande gloire de la Russie !
Quand le sinistre Ramzan Akhmadovitch Kadyrov, président de la République tchétchène sous administration russe, appelle les musulmans à la guerre sainte contre l’Occident, il n’y a de quoi s’interroger sur la nature terroriste de son combat au service de Poutine, qui, lui-même, s’inspire de Ben Laden, comme l’écrit Luc de Barochez dans son édito du 8 novembre pour Le Point. En effet, écrit-il, « Comme Oussama ben Laden ou l’imam Khomeiny avant lui, Vladimir Poutine est en guerre contre le diable. Il a échoué à « dénazifier » l’Ukraine ; il va la « désataniser ». Le glissement n’est pas que sémantique. Le recours à un discours apocalyptique pourrait annoncer des crimes encore plus abjects que ceux que Moscou a perpétrés depuis neuf mois. La guerre russo-ukrainienne est désormais assimilée par les propagandistes du Kremlin à une lutte entre le Bien et le Mal, entre l’archange Michel, en la personne du président russe, et l’Antéchrist, incarné par l’Occident. »
L’éditorialiste poursuit : « Ses diatribes ressemblent à s’y méprendre à celles que lançait en son temps le fondateur d’Al-Qaïda. Dans sa « Lettre au peuple américain », longue autojustification diffusée sur Internet un an après les attentats du 11 septembre 2001 aux États-Unis, Oussama ben Laden jugeait que la civilisation occidentale était « la pire de toute l’histoire de l’humanité ». Il voyait dans le sida « une invention américaine satanique ». Comme le chef djihadiste il y a vingt ans, Poutine décrit l’Occident comme la source de tous les maux contemporains. Comme lui, il prétend que la démocratie libérale n’est qu’une immense hypocrisie qui s’accompagne de l’oppression et de la colonisation du reste de la planète. Comme lui, il présente ses propres forfaits comme de simples répliques à des agressions venues de l’Ouest. « Pourquoi luttons-nous contre vous ? Parce que vous nous attaquez », écrivait Ben Laden. « La Russie ne fait que défendre son droit à exister », soutient Poutine. Pour justifier son invasion de l’Ukraine, il a même l’impudence d’invoquer l’article 51 de la charte de l’ONU, qui garantit le droit à l’autodéfense d’une nation agressée. »
De là à penser que ce qui s’est passé le 11 septembre à New York, se poursuit sous des formes différentes depuis le début du siècle, il n’y a qu’un pas !
Quand des mères, femmes, compagnes, des soldats russes récemment incorporés, appellent au secours ; quand un soldat russe raconte à sa mère ce qu’est son quotidien sur la ligne de front, avec un armement qui date de 1985, quand ce n’est pas de la deuxième guerre mondiale, un paquetage inadapté, une hiérarchie inexistante ou incompétente, des rations alimentaires qui ont, depuis longtemps, dépassées la date limite de consommation, pendant que Vladimir Poutine affirme que l’Opération spéciale se déroule comme prévu ! Comment est-il possible que la mentalité soviétique ait pareillement survécu à l’effondrement de l’URSS ?
Quand Poutine se rêve en Koutouzov et fait croire aux Russes que quitter Kherson, « ville russe pour toujours », est aussi habile que laisser la Grande Armée de Napoléon aller jusqu’à Moscou avant de livrer la bataille décisive de la Moskowa, alors que la traversée du Dniepr par les troupes russes, ces jours derniers, ressemblait étrangement au passage de la Bérézina, est assez pathétique.
La télévision russe ressemble certains soirs à la propagande de Daech, avec les mêmes éléments de langage et souvent les mêmes mensonges. Une propagande, mise au point par la communication du Kremlin, qui consiste à inverser systématiquement les faits et à fabriquer une réalité parallèle. Le peuple russe regarde cette émission de télé réalité, mais ne cherche pas à comprendre ce qui se passe en Ukraine. Cependant, le mimétisme opère ; le Russe moyen répète ce qu’il entend, pour faire comme les autres et avoir la paix. C’est ce que rapportent les Occidentaux qui peuvent encore recueillir les opinions exprimées.
Les spécialistes relativisent. Ce n’est pas pire qu’en Corée du Nord où sur Fox News, aux États-Unis. L’inimitable Vladimir Soloviev, qui anime les soirées télé, ne fait pas autre chose que ce que fait notre Cyril Hanouna, sur C8 ! Le président Poutine et son ami Soloviev, sous sanctions occidentales, sa villa du lac de Côme a été saisie par les autorités italiennes, ont réussi à convaincre les téléspectateurs que la Russie est encerclée par l’Occident et son armée de l’OTAN, dans le but de l’anéantir. Le régime de Kiev, avec l’aide des Américains et des Européens, est l’avant-garde de l’action entreprise contre la Russie. L’attaque de bâtiments de la marine russe dans la baie de Sébastopol et le sabotage de Nord Stream en mer Baltique, en sont la preuve ! Mais, c’est bien sûr !
Les faits rapportés sont systématiquement retournés comme des chaussettes. Médiapart a publié un certain nombre de réflexions entendues sur cette chaîne de télévision. (Quelques heures en apnée dans la télé poutinienne Antoine Perraud Médiapart 7 novembre 2022 ). Elles valent le détour. « Ce sont les Ukrainiens, surarmés par les Occidentaux, violents, cruels, qui commettent des crimes de guerre et agressent les valeureux soldats russes sur la défensive. » « L’Amérique et l’Europe défient toutes les règles de la guerre. Ces pays exercent un chantage nucléaire, alors qu’ils savent que l’Ukraine prépare une bombe sale tout en encourageant ses alliés à procéder à une frappe préventive », peut-on entendre ; « Selon le ministre de la défense russe, Sergueï Choïgou, il y a trente mille soldats de l’Otan sur le front ukrainien. Mais comme l’a déjà déclaré le président Vladimir Vladimirovitch Poutine, notre pays développe des armes nucléaires bien plus modernes que celles de l’Occident. »
L’émission quotidienne de Soloviev est une sorte de café du commerce dans lequel on mélange tout. « La Troisième Guerre mondiale a commencé, mais l’Ouest n’en parle pas pour éviter d’affoler les populations » ; « La France et l’Italie, pour être autonomes, devront traverser une catastrophe, connaître l’effondrement d’un mode de vie et de pensée élaboré pendant des siècles. Ceux qui survivront devront reconstruire, mais ce sera difficile. » « L’État américain s’est effondré aux deux tiers. Ne reste qu’une société d’élites aux intérêts divergents. On n’aurait pas eu besoin de l’opération spéciale militaire s’il y avait eu Trump. Il était pragmatique. »
Vladimir Soloviev a l’art de la synthèse : « L’agenda international est dicté par des fanatiques religieux. La guerre contre la Russie est irrationnelle. Ils sont prêts à tout, même à une attaque nucléaire, qui semble de plus en plus inéluctable. »
Ce serait drôle, si ce n’était pas tragique ! Tacite disait de l’impérialisme romain : »Ils dévastent toute la terre pour la rendre inhabitable et ils appellent cela la paix ».
Bon, allez, assez pour aujourd’hui !
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