Les responsables des « Restos du cœur » de Vitry-sur-Seine, qui recevaient la visite du président de la Républiquele 22 décembre dernier, ont entendu le chef de l’Etat s’excuser : « Je ne prétends pas qu’on a tout bien fait. (…) Il faut refonder notre politique du logement, ça ne va pas ! »
A Vandœuvre-lès-Nancy, le 11 décembre 2007, le président s’était engagé à « remédier à l’insuffisance de l’offre », « à combler le déficit », à « parvenir à un rythme de construction d’environ 500 000 logements neufs chaque année ». Ces engagements n’ont été que très partiellement tenus. 400 000 logements, dont 130 000 logements sociaux, ont pourtant été construits en 2011. Ce n’est pas rien. Mais les logements sociaux, à ses yeux, ne sont pas occupés par ceux qui auraient vocation à y résider. Le système serait bloqué. Certains occupants s’y maintiennent alors que leurs ressources ne le justifient pas. Dans le même temps, 1,2 million de candidats à un logement social attendent une attribution, souvent depuis plusieurs années. L’Union social pour l’habitat livre ses propres statistiques : 11% seulement des occupants seraient en dépassement des plafonds de ressources ; 5% dépasseraient le plafond de 20% et 0,3% de plus de 100%.
Dans les 4,2 millions de logements HLM, une majorité est occupée par des salariés du privé ou du public qui n’auraient pas les moyens d’accéder à la propriété ou de payer des loyers du secteur libre trop élevés. 17% des occupants sont demandeurs d’emploi et 25% préretraités ou retraités, c’est-à-dire à la veille d’une diminution de revenus. Si le système est en situation « d’embolie totale », comme le pense le chef de l’Etat, c’est en réalité toute la chaine du logement qui ne répond plus aux besoins. Le gouvernement et le mouvement HLM n’ont pas la même conception de la vocation des bailleurs sociaux. L’un considère que ceux-ci ont le devoir de loger les ménages les plus modestes et les autres privilégient la mixité sociale. Ce n’est pas nouveau ! Un sondage réalisé en avril 2011 par TNS Sofres pour l’Union sociale pour l’habitat révélait le sentiment d’inquiétude que suscite le poids des dépenses liées au logement. Pour une immense majorité de Français (82%), trouver un logement est difficile. Si la difficulté à se loger arrive en troisième position dans l’ordre des problèmes auxquels sont confrontés les Français, après l’emploi et le pouvoir d’achat, ce problème est plus préoccupant que l’environnement, la sécurité et la santé. 84% des personnes interrogées considèrent que les responsables politiques ne s’occupent pas suffisamment des problèmes de logement. Plus d’un Français sur deux craint d’avoir un jour besoin d’un logement social.
Il n’est pas étonnant dans ces conditions que la France demeure championne du monde du pessimisme économique. Les Nigérians et les Irakiens seraient plus optimistes que les Français ! Huit Français sur dix, selon l’institut Gallup International, déclarent s’attendre à une année économiquement difficile.
Une convention UMP sur le logement s’est tenue le 15 novembre 2011. Les idées émises tournaient autour d’un même objectif : Puisque l’Etat n’a plus les moyens de ses ambitions, il faut innover et financer le logement autrement. Donner un « Droit à l’achat » aux locataires de logements sociaux, par exemple, concilierait à la fois l’objectif de faciliter l’accession à la propriété et allégerait l’effort de l’Etat dans la mesure où le produit de la vente serait affecté à la construction de nouveaux logements sociaux. La vente de logements HLM aux locataires n’est pas une idée neuve, mais elle n’a pas eu beaucoup de succès. 5000 ventes par an, c’est-à-dire 0,1% du parc, alors que 40 000 ventes étaient espérées. C’est peu, il faut dire que les bailleurs sociaux n’ont pas fait preuve de beaucoup d’enthousiasme dans ce domaine. Les membres de l’UMP cherchent donc à contourner ce qu’ils estiment être de l’obstruction, en donnant au locataire un « droit » assorti d’un avantage financier substantiel sous forme d’une décote de l’ordre de 35% du prix du marché et une majoration du prêt à taux zéro. Cette proposition peut-elle être de nature à provoquer un « choc de l’offre » face à une politique de soutien de la demande que prônerait l’opposition socialiste ? L’avenir le dira !
Les socialistes s’engagent, quant à eux, à construire 300 000 logements sociaux par an pendant la durée du prochain quinquennat. Pour la Fondation AbbéPierre, la priorité reste le logement social, l’application du droit au logement opposable et l’hébergement d’urgence. Il manquerait 800 000 logements en France pour appliquer le DALO. Dans la 16ème édition de son rapport annuel,la Fondation avait lancé un cri d’alarme sur le nombre croissant de Français en situation de mal logement ou de fragilité et de précarité. Le rapport estime à au moins dix millions le nombre de personnes qui subissent les conséquences de la crise du logement et précise que cette population a tendance à s’élargir à des jeunes, des femmes seules avec enfants, qui ne parviennent plus à accéder à un logement et à s’y maintenir.La Fondation reproche au gouvernement de se désengager de l’investissement public sur le logement pour des raisons à la fois de rigueur budgétaire, mais aussi d’idéologie en ne favorisant que l’accession à la propriété qui, trop souvent, fragilise encore un peu plus les ménages les plus vulnérables.
Nul doute que le logement figurera en bonne place dans les programmes des candidats à la prochaine élection présidentielle. Mais attention, l’heure n’est plus aux promesses qui ne pourront être tenues !
Le temps, d’abord, fait mentir en ceci qu’il est « l’organe du démenti » écrivait le philosophe Vladimir Jankélévitch dans « Le mensonge ».
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