Quand l’actualité commence à me taper sur les nerfs, j’évoque des souvenirs.
Quand je suis arrivé à Cahors, préfecture d’un des départements les plus pauvres de France, j’avais 17 ans. Il ne se passait pas grand-chose dans cette petite ville. Heureusement, il y avait la politique et les activités sportives, principaux sujets de conversation à la terrasse du Tivoli, le « Flore » de Cahors.
L’équipe de rugby connaissait ses heures de gloire. Le docteur Garnal, président de la section rugby du Stade Cadurcien avait réussi à convaincre un excellent joueur du Stade Toulousain, André Melet, de venir à Cahors pour entraîner l’équipe locale. Sous son impulsion, et ses incomparables qualités de meneur d’hommes, l’équipe avait décroché le titre tant convoité de champion de France en battant Hendaye par 14 à 0 le 9 mai 1952, au stade des Ponts-Jumeaux à Toulouse.
Avec cette équipe, renforcée par quelques joueurs brillants qui accomplissaient leur service militaire au CIT 58, le Centre d’instruction des transmissions, le Stade Cadurcien eut, pendant dix ans, d’excellents résultats. Les CAHORS – LOURDES (alors, la meilleure équipe de France) de 1957, 1958 et 1960 sont dans les mémoires et dans la légende locale. Deux joueurs de grande classe, Alfred Roques et Bernard Mommejat, étaient titulaires en équipe de France. Quelques autres, comme Roland Lavau, René Agasse, Pierre Bernatas, Jean-Pierre Mouysset, Jean Pezzeti, furent sélectionnables et sélectionnés dans diverses équipes de France, notamment universitaires.
Cahors avait également une honorable équipe de football. De 1923 à 1931, l’équipe, avec Cluzel, Bessou, Pitiot, Vidal, obtint de bons résultats. Elle prit pour nom « Aviron », de 1932 à 1938, et, avec Péré, Carrié, longtemps président, les frères Larnaudie, Philippon, Lagane, Bénévent, Bosc, Marmiès, Rigaudie, Vinel, Lagarde, Gramond, Valéry, Bravant, l’équipe acquit une certaine notoriété. L’Aviron prit en 1938 le nom de Stade Cadurcien et, sous ce nom, l’équipe fit parler d’elle pendant plusieurs saisons.
En 1940, le Stade Cadurcien fusionna avec une autre équipe locale : Les « Jeunes Cadourques ». L’équipe avait alors deux gardiens de but de grande classe : Fred Dambach, international B, et Pykadoroff, ancien gardien d’Angers et de l’équipe de l’Ouest. Dans l’effectif, Raab fut certainement le meilleur joueur que l’on ait vu à Cahors. Il porta l’équipe qui accéda, pendant la guerre, aux seizièmes de finale de la Coupe de France avec des joueurs locaux comme Ramon, Gau, Cutillé.
Le président Henri Vialla avait un rêve, accéder à la Division d’Honneur. Mais son équipe, décimée par les blessures, ne parvint pas à lui faire ce cadeau. En 1949, l’équipe type (photo ci-contre) était composée de Delfour, Bensiabini, Pailler (gardien de but) Cazal, Gau, Cutile (entraineur-joueur), Salien (gardien), les frères Rueda, Garcia, Vaissier, Mazzobel, Le Loch.
Quand je suis arrivé à Cahors, en 1953, l’équipe avait beaucoup changé. Elle ne jouait plus sous les couleurs du Stade Cadurcien, mais sous le nom d’Entente Jeunes Cadourques-Frégate Cadurcienne. De la glorieuse équipe des années quarante, il ne restait que Vaissier et Salien. Pierrot Delfour et Paillier jouaient à Prayssac, Donatien Le Loch était professionnel à Nîmes. Les dirigeants cadurciens, l’industriel M.Fenelon, les médecins Orliac et Fabre, M.Vinel, directeur de la Sécurité sociale, M. Grave, secrétaire général de la Chambre de Commerce, M. Fabre, le notaire, entretenaient le souvenir des années glorieuses avec l’ambition de reconstruire une équipe capable d’accéder aux premières places et aux divisions supérieures. Avec l’aide du président du Toulouse Football Club, M. Puntis, le ferrailleur milliardaire, ils recrutèrent un professionnel espagnol – Modol – comme entraineur-joueur.
Je venais d’Angoulême où, malgré mon jeune âge, je jouais dans une division supérieure. Mon intégration dans une équipe où plusieurs joueurs avaient le double de mon âge, se fit sans difficulté. L’état d’esprit était excellent et l’ambiance assez folklorique. J’ai le souvenir que j’avais un peu de mal, à 9 heures du matin, quand le car s’arrêtait dans un petit bourg, à ingurgiter, comme les autres, la soupe au pain, le vin rouge, pour « faire chabrot », et le « cabécou », posé sur l’assiette retournée. Cette pratique devint vite un réel plaisir, même si les jambes étaient un peu lourdes au moment de rentrer sur le terrain ! Dans cette région, manger trois fois de suite du foie gras et « faire chabrot » à 9 heures du matin, il faut être capable d’en prendre l’habitude.
En 1954, l’équipe avait la composition suivante sur la photo ci-contre (Léon Bouzerand) prise au stade Lucien Desprats le jour du match CAHORS-GRAMAT : debout, de gauche à droite, Philippe, Salien, Modol, Lecru, Lagane, Delfour, Pezet. Accroupis, de gauche à droite, Riffy, Ibarel, Vaissier, Soumah, Desmoulin.
L’année suivante, l’équipe fut Championne du Lot. Donatien Le Loch avait remplacé Modol, et le TFC continuait à soutenir l’équipe cadurcienne. Le 14 février, la réserve professionnelle du Toulouse Football Club, avec ses internationaux suédois Brodd et Rykberg, fit une démonstration de son talent au stade Lucien Desprats.
La section athlétisme du Stade Cadurcien présidé par M. Borredon et entraîné par mon ami Lucien Reutenauer, ancien champion de France universitaire du 400 mètres, obtint également de bons résultats en 1954, lors des championnats du Lot qui eurent lieu dans l’île de Cabessut.
Dans cette petite préfecture, berceau du radicalisme, avec la présence du président du Sénat Gaston Monnerville et de Maurice Faure, il y avait, au début des années cinquante, la politique… et le sport !
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