Le nucléaire iranien ou l’impossible négociation


Publié

dans

par

Improbable serait sans doute un terme plus approprié pour qualifier les chances de réussite de cette négociation entamée il y a plus de dix ans. Si la « fenêtre d’opportunité » se referme, alors, les chances d’aboutir deviendront quasiment impossible. Pourquoi est-il si difficile, pour des hommes de bonne volonté, désireux de parvenir à un accord, de mettre au point un compromis acceptable ? Tout simplement parce que ce qu’il y a à négocier est d’une extrême complexité dans laquelle le diable peut facilement se cacher. Le nucléaire, par nature, se prête mal à la simplification, à la synthèse, à laquelle les diplomates sont rompus. Sous la pression des conservateurs iraniens, des néo conservateurs américains et du gouvernement israélien, renforcé hier par le retour du dur Avigdor Lieberman, les négociateurs, à Genève, réunis dans le plus grand secret, n’ont pu parvenir cette nuit à un accord même « intermédiaire ».

Mme Catherine Ashton et M. Mohammad Javad Zarif à Genève
Mme Catherine Ashton et M. Mohammad Javad Zarif à Genève

Ce matin, les langues se déliaient. La position de la délégation française était critiquée, sous couvert d’anonymat, par les diplomates et experts qui, depuis des mois, travaillaient avec acharnement pour qu’un accord soit trouvé. Que s’est-il passé, pour que le chef de la diplomatie française prenne le risque d’apparaître comme le responsable de l’échec des négociations. Y aurait-il eu une répartition des rôles, pour obtenir plus ? Les déclarations de Catherine Ashton, qui préside les discussions, celle de John Kerry, de Guido Westerwelle, le chef de la diplomatie allemande, affirmant que le groupe 5 + 1 est parfaitement uni, contrairement aux apparences, pourraient le laisser penser. Toujours est-il que Laurent Fabius, à une heure avancée de la nuit, s’est jeté le premier sur les micros pour annoncer l’absence d’accord et déclarer « qu’il restait beaucoup de chemin à parcourir ».

site nucléaireCertes, la porte n’est pas fermée. Mohammad Javad Zarif, le ministre des Affaires étrangères iranien, a habilement caché sa déception en déclarant : « nous allons être capables de parvenir à un accord quand nous nous rencontrerons à nouveau ». Toutes les délégations sont pressées de parvenir à un accord, mais les Français, qui connaissent particulièrement bien le sujet, exigent que le document ne révèle pas, comme c’est souvent le cas, son imprécision à la première occasion.

La lecture de la presse conservatrice iranienne  (« Kayhan » et Vatan-Emrooz » notamment), qui dénonce le « mirage de l’accord à Genève », laisse penser que le gouvernement d’Hassan Rohani ne dispose que de peu de temps pour obtenir l’accord dont il a besoin pour lever une partie des sanctions et relancer l’économie de son pays

Sur le terrain, malgré les très nombreuses visites des experts de l’AIEA, il est bien difficile de savoir où en est réellement l’Iran dans le domaine de l’enrichissement, condition préalable à la mise au point de l’arme nucléaire.

L’Iran affirme développer de l’uranium enrichi à 3,5% pour sa seule production électrique sur la centrale nucléaire de Bouchehr et de l’uranium enrichi à 20% pour son réacteur de recherche à Téhéran, sur les sites de Natanz et de Fordow. D’après l’AIEA, le stock enrichi à 20% était de 186,3 kg, fin août (240 kg sont nécessaires pour produire une arme nucléaire). Aucun inspecteur de l’AIEA n’a été autorisé à visiter le site de Parchin, une base militaire située à une trentaine de kilomètres au sud-est de Téhéran, depuis 2005. Or, tout laisse penser que, dans cette base, les recherches sont très avancées et les essais en cours pour parvenir à la maitrise de l’arme nucléaire. Les autorités iraniennes démentent mais refusent l’accès. Il en est de même du réacteur de recherche à eau lourde d’Arak, qui pourra produire jusqu’à 9 kg de plutonium par an sans aucun contrôle de l’AIEA.

Pour toutes ces raisons, les néo conservateurs pensent, comme le premier ministre israélien, que l’Iran est à la veille, si ce n’est déjà fait, d’atteindre la « ligne rouge ». Dès lors, on comprend la position française qui ne veut pas de concessions sur les sanctions économiques et financières imposées à l’Iran sans la stricte application par Téhéran des six résolutions du Conseil de sécurité qui réclament la suspension (mais pas l’interdiction) du programme d’enrichissement d’uranium.

Rendez-vous donc, dans quelques jours , le 20 novembre, pour reprendre et  poursuivre l’impossible négociation.

 

 

 

 

 

 

 


Publié

dans

par

Commentaires

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.