La Blitzkrieg, en français, la « guerre éclair », est une stratégie militaire qui consiste à emporter le plus vite possible un avantage décisif sur un adversaire par un engagement total de toute sa puissance offensive. Le terme est entré dans le langage courant quand, le 25 septembre 1939, le Time Magazine relata l’invasion de la Pologne par l’Allemagne : « This is no war of occupation, but a war of quick penetration and obliteration – Blitzkrieg, lightning war » (« Ce n’est pas une guerre d’occupation, mais une guerre de pénétration rapide et de destruction — la Blitzkrieg, la guerre éclair »).
Il n’y a rien d’étonnant à ce que certains commentateurs aient, hier soir, employé ce terme militaire pour expliquer ce qui se passait sur la pelouse de l’Estadio Mineirao de Belo Horizonte, entre la 23e et la 29e minute du match Brésil-Allemagne. Six minutes qui ont du paraitre une éternité aux joueurs brésiliens incapables de résister et de repartir à l’assaut des buts allemands. Six minutes qui ont donné au peuple brésilien une idée de ce que peut être l’enfer. José Maria Marin, le président de la Confédération brésilienne de football avait dit, dès le début du Mondial : » Si nous gagnons, nous irons tous au paradis. Si nous perdons, nous irons tous en enfer « . Six minutes pendant lesquelles les joueurs allemands ont calmement, sans surexcitation, sans arrogance, sans se laisser distraire, développé leur diabolique jeu de passes consciencieusement répété à l’entrainement. Six minutes pendant lesquelles quatre buts décisifs écrasèrent une équipe et un peuple convaincus que cette Coupe du monde, chez eux, au Brésil, leur était promise.
Les prières, dont les Brésiliens ne sont pas avares, n’avaient donc pas été suffisantes. Dieu avait choisi son camp ? Gott mit Uns (« Dieu avec nous ») la devise militaire allemande du Saint-Empire romain germanique, réapparaissait dans les esprits, pendant que, sur les réseaux sociaux une image du Christ rédempteur en larmes faisait le tour du monde. Il faut dire que le célèbre Christ du Corcovado de Rio de Janeiro ne pouvait pas, hier soir, donner un « coup de pouce » aux joueurs brésiliens. Au début de l’année la foudre avait abîmé le pouce de sa main droite qui devait être réparé. La célèbre statue est régulièrement touchée par la colère du ciel. L’ouvrage de 38 mètres de haut est perché au sommet du mont Corcovado à 710 mètres au-dessus de la mer, au milieu de la forêt de Tijuca. Les photos prises pendant les quelque 40 000 éclairs enregistrés pendant les trois heures que dura le violent orage, sont impressionnantes.
« Incroyable », titrait ce matin le journal l’Equipe ». Qui aurait pu imaginer – et parier – que la rencontre, une demi-finale de Coupe du monde, se terminerait sur le score de 7 à 1 au bénéfice de l’Allemagne ? Ma femme fut témoin qu’en voyant les joueurs brésiliens pénétrer sur la pelouse à pas très lents, la tête basse, la main posée sur l’épaule du co-équipier qui précédait chaque joueur, je me suis exclamé : « On dirait qu’ils vont à l’abattoir ». Il était évident que cette équipe, submergée par l’émotion, avait peur et ne pouvait le cacher.
Vingt-cinq minutes plus tard, le match était terminé. Le public brésilien qui avait chanté l’hymne à pleins poumons ne pouvait plus rien pour sa Selecao. Bien sûr, Neymar, blessé, n’était pas là, Thiago Silva, suspendu, non plus, mais de là à sombrer pareillement et à ne pas pouvoir résister aux assauts allemands, c’était impensable. L’honneur du Brésil était en jeu. Comment le grand Brésil, le pays du futbol, pouvait-il être mené 5-0 après vingt-neuf minutes de jeu ? Non, ce n’était pas possible, c’était un mauvais cauchemar. Sur son banc, Thiago Silva était prostré, la tête entre les mains. Dans les tribunes, le bruit a peu à peu cessé, le cœur n’y était plus. Ceux qui n’avaient pas quitté leur place pleuraient. Au coup de sifflet final, David Luiz a prié le ciel avant de se mettre à pleurer. Les joueurs avaient conscience qu’ils ne reverraient pas le stade Maracana le jour de la finale. Leur rêve était brisé.
L’Allemagne a donné, hier soir, une leçon de football au monde entier. Avec un sens tactique, un esprit d’équipe, un jeu moderne, une discipline exemplaire, cette grande nation a donné une idée de ce que devrait être, dans un proche avenir, le comportement d’une équipe programmée pour gagner. Certes, la réussite n’a pas manqué. Tout ce que les joueurs allemands entreprenaient était couronné de succès. Ils « marchaient sur l’eau ». Mais, si la réussite était au rendez-vous, ce n’était pas par hasard. Le sélectionneur Joachim Lôw avait habilement changé son système de jeu à partir du quart de finale contre la France (1-0). Les observateurs avaient remarqué que dès le premier coup de pied arrêté, les Allemands faisaient en sorte de prendre l’avantage ; un avantage susceptible de changer le cours du match. C’est ce qui s’était produit contre la France, même si notre équipe nationale avait résisté le plus longtemps possible avant de s’incliner. Ce n’est sans doute pas la « blitzkrieg », mais c’est le « Blitz », spécialité allemande s’il en est.
Dimanche prochain, contre le vainqueur du match Pays-Bas – Argentine, il est peu probable que les Allemands aient en face d’eux autant de naïveté et parviennent à marquer aussi facilement quatre buts sur le même modèle en pénétrant aussi rapidement dans la défense adverse. Le retour du capitaine Philipp Lahm en défense à partir du quart de finale a été déterminant. Avec un gardien de but comme Manuel Neuer, qui se comporte de plus en plus comme un gardien de handball, la défense est très solide. Messi ou Roben auront besoin de tout leur talent pour priver l’Allemagne d’une quatrième étoile.
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