Le jour de Noel, Armel Le Cléac’h est pointé en tête. Quand, le lendemain, on lui demande s’il va passer au Nord ou au Sud de la dépression, il ne lâche pas le morceau, pas fou le « chacal ». Il file vers le cap Horn et les icebergs, dernier cap de ce Vendée Globe. Les deux copains, inséparables, se chambrent : « Fais gaffe Armel, ça serait dommage de faire un remake de Titanic ». Armel Le Cléac’h a décidé de contourner une zone de dépression qui le ralentirait fortement en plein milieu du Pacifique Sud. François Gabart, située à une dizaine de milles derrière, fait le même choix. Les deux hommes se succèdent en tête du Vendée Globe depuis leur entrée dans le Pacifique. Le courage, la détermination, l’équilibre dont il faut faire preuve dans le dépassement de soi, sont des vertus dont n’ont sans doute pas conscience ceux qui votent, chaque année, pour la personnalité préférée des Français. Comment ne pas être sidéré – et inquiet – en prenant connaissance du classement publié le 30 décembre par le JDD. Bon, passons !
Le 31 décembre, François Hollande, qui occupe la 45e place dans le fameux classement, entre Didier Deschamps et Vanessa Paradis, prononça les premiers vœux de son quinquennat. L’expression «contre vents et marées», qu’il employa pour exprimer sa confiance dans la capacité de notre pays à se redresser, pouvait être entendue comme un clin d’œil à nos skippers qui traçaient à toute allure dans l’Atlantique Sud, maintenant que le Cap Horn était passé. Boucler la course en moins de 80 jours devenait possible. Les glaces, vents violents et mers déchaînées, qui ont secoués les hommes autant que les bateaux, étaient maintenant derrière.
C’est un Le Cléac’h barbu, la bouteille de champagne à la main, qui apparaît sur les écrans. Il raconte qu’un navire qui fait des recherches scientifiques lui a demandé de « faire gaffe à sa trajectoire ». Il était à moins de quinze milles. Le temps est pourri, les dépressions se succèdent. Le 3 janvier, François Gabart est en tête.
Les gesticulations de Gérard Depardieu, demandant la nationalité russe, et de Brigitte Bardot qui voulait sauver deux éléphantes, ont sans doute donné à nos skippers une petite idée de ce qui les attendait aux Sables d’Olonne ! C’était drôle, mais pas très gai.
C’est le 5 janvier que tout s’est joué. François Gabart et Armel Le Cléac’h venaient de passer des semaines à quelques milles l’un de l’autre, Les spécialistes pensaient qu’il en serait ainsi jusqu’au bout. François Gabart prit alors la décision de filer vers l’Est et de remonter le Brésil tandis que Le Cléac’h poursuivait vers le Nord, convaincu que les vents seraient plus favorables. C’était un pari qui s’avéra assez vite gagnant pour François Gabart qui accentuait son avance. Le 9, Armel Le Cléac’h apparaît rasé et « en mode printemps/été 2013 », mais « ne rigole pas ». Son copain creuse l’écart.
En France aussi, c’est le calme plat. Depuis des mois, les partenaires sociaux négocient dans l’espoir de parvenir à un accord sur la réforme du marché du travail. Il y a dans ce domaine une certaine comparaison à faire avec le Vendée Globe. L’ancien ministre du Travail, Michel Durafour, m’avait dit un jour : « Le bon ministre du Travail, c’est celui qui est capable de dormir moins que les autres ».
J’en connais qui ne vont pas beaucoup dormir dans les semaines qui viennent. Le Président de la République, le 11 janvier, annonce que les forces armées françaises sont intervenues au Mali, à la demande du président de ce pays, pour stopper l’avancée de groupes armés « terroristes » qui menacent l’existence même du Mali. Les qualités, les vertus, dont doit faire preuve le pilote d’un Rafale ou un membre des forces spéciales, sont comparables à celles du skipper « balayé par les vagues à l’intérieur de son aquarium ».
François Gabart, toujours en tête de la course, est encore à 4.425,5 milles de l’arrivée, mais il a maintenant 250 milles (465 km) d’avance et commence à croire que son rêve peut se réaliser. Avant cela, il faudra passer l’Equateur et se sortir du Pot au Noir, le prochain piège météo sur la route des Sables-d’Olonne.
800.000 personnes, selon les organisateurs, ont manifesté le 13 janvier contre le « Mariage pour tous ». «François, ta loi, on n’en veut pas!», hurlaient les marcheurs qui convergeaient vers le Champ de Mars. Le lendemain, la région parisienne, comme 37 départements, étaient sous la neige.
Sur le Vendée Globe, Le Cléac’h ne se décourage pas, mais il se confirme que François Gabart a de bonnes chances de remporter l’épreuve. Certes, il faut encore passer les Açores et le golfe de Gascogne, mais le « gamin » ne commet apparemment aucune faute et fait preuve, malgré son jeune âge, d’une maturité hors du commun. La « Bataille de l’Atlantique » entre le benjamin de la course et «le chacal» (le surnom de Le Cléac’h), promet d’être passionnante.
En franchissant l’Equateur le mardi 15 à 14h41, 66 jours et deux heures après son départ des Sables d’Olonne, François Gabart commence à y croire : « Avant j’en doutais, mais aujourd’hui je pense que ma victoire est le scénario le plus probable, je vais tout faire pour.» (…) «Il y a plein de choses qui pourraient m’empêcher de gagner, je préfère être à ma place mais il faut rester prudent».
Pendant ce temps, il s’en passe des choses en France, au Mali et en Algérie, où un groupe terroriste a attaqué un site pétrolier et retient un nombre important d’otages. Le monde entier commence à prendre conscience de la menace que constituent ces groupes lourdement armés et fanatisés.
Ça y est, les concurrents du Vendée Globe ont de nouveau retrouvé le N sur le GPS et sont dans le Pot au noir, cette zone de convergence intertropicale où s’amassent de très gros nuages et où le manque de vent nécessite de faire preuve d’un sens tactique qui n’est pas donné à tout le monde. La course peut encore se jouer dans les heures qui viennent. François Gabart fait preuve d’une grande lucidité et ne se laisse pas griser par les records qu’il vient de pulvériser. « C’est à la fin du bal qu’on compte la recette » !
Le 22 janvier, c’est sans joie que Français et Allemands célèbrent le cinquantenaire du traité de l’Elysée. L’état de l’Union européenne et la personnalité des deux dirigeants ne se prêtent à aucun coup d’éclat. Le service est dans le symbole, mais il est minimum. Au fond, faute de contenu, ce n’est peut-être pas plus mal !
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