Il n’était pas encore 16 heures à l’horloge de la mairie de Dinan, le 6 août 1944, quand le capitaine américain Melvin Voorhees et trois de ses hommes, franchirent la grille de l’Hôtel-de-Ville, encadrés de quelques Dinannais bien informés. Le drapeau tricolore n’avait pas encore été hissé à la fenêtre du premier étage. L’officier américain se rendait dans le bureau du maire qui l’attendait. Peu avant 17 heures, quand il ressortit, une foule en liesse, l’attendait. Le drapeau était en place. La veille, les Allemands avaient quitté la ville, après avoir fait sauter deux arches du viaduc. La ville de Dinan était libérée !
Ceux, et celles, qui étaient restés dans la ville, pendant le bombardement, racontaient ce qu’ils avaient vu. Il y avait à peu près autant de récits, que d’habitants. Il n’y avait rien d’anormal à cela, personne, pas même les autorités françaises, allemandes et américaines, ne pouvait avoir une connaissance globale, objective, de tout ce qui s’était passé pendant les quatre jours que dura la libération de la ville. Seuls les représentants de la défense passive, porteurs d’un brassard, étaient autorisés à se déplacer dans la ville qui venait d’être bombardée.
Ceux qui habitaient dans le Jerzual, une rue pavée, très en pente, qui remonte du port sur la Rance, vers le centre-ville, affirmaient, à bon droit, qu’ils étaient les premiers à avoir vu les soldats américains du 802e bataillon de la 83e Division d’infanterie, chargés, en colonne par un, longeant les façades, gravir les 75 mètres de dénivelé, bien avant 17 heures. Un rapport américain du commandant du détachement D4, compagnie A, du 2e régiment des affaires civiles européennes, dont M. Henri Aubry, maire de Dinan, était destinataire, en faisait état. Il contenait les précisions suivantes : « Nous traversâmes la rivière en bateau et arrivâmes à quai sous la colline. Il faisait très chaud. Comme nous commencions à gravir la colline, nous nous rendîmes tout de suite compte qu’une foule nombreuse de Français venait à notre rencontre. Nous conseillâmes qu’ils crient : « Les Américains arrivent », ce qui fut fait très volontiers. Plus tard, il y eut de nombreux signes évidents que les éléments ennemis avaient quitté la ville en grande hâte, croyant sans doute que le viaduc était réparé et que l’armée américaine entrait dans la ville. Confirmant cela, nous trouvâmes plus tard dans le Soldatenheim le cercle des officiers, au quartier général de la Gestapo : des lettres non achevées que des soldats écrivaient pour être envoyés en Allemagne : grande quantité de marchandises de toutes sortes, de la plupart desquelles les Allemands avaient le plus grand besoin, étaient abandonnées et une tentative de destruction de celles du monastère avait été interrompue. »
Le lendemain, le lundi 7 août, dès 7 heures 30 du matin, venant de Lanvallay, les camions, Jeeps et troupes américaines traversèrent la Rance sur le pont Bailey, qui remplaçait une arche du viaduc détruite, remontèrent la rue Michel, la rue Haute Voie et stationnèrent sur la place des Cordeliers. Une foule joyeuse entourait les véhicules, impatiente de témoigner sa reconnaissance aux libérateurs souriants qui offraient du chocolat et des bonbons, dont les enfants avaient tant besoin, après ces années de privation.
Les Dinannais, qui avaient quitté la ville avant le bombardement, ne furent autorisés à revenir qu’à partir du 15 août. Petit à petit les Dinannais furent autorisés à sortir de la ville, à aller voir les champs dans lesquels les soldats s’étaient battus. Des chars, des véhicules incendiés, avaient été abandonnés. La vocation tardive de certains combattants F.F.I. qui s’attribuaient des grades, provoqua des incidents. Armés, ils tiraient n’importe où, sur n’importe qui. Le désordre était grand. Les unités de résistants constituées, les vrais résistants, avaient des missions précises. C’est ainsi que le bataillon Corsaire et un escadron du 19e régiment de Dragons, rejoignirent la poche de Lorient en septembre et octobre 1944. La IIIe Armée du général Patton avait pour mission d’arriver à Brest le plus rapidement possible. Chaque jour, une ville de Bretagne était libérée. Seules quelques unités administratives et logistiques étaient restées à Dinan.
J’avais huit ans quand les Américains ont libéré Dinan. En 2012, en mémoire de mon père, qui occupait les fonctions de directeur des services techniques de cette ville, j’ai publié “La vie à Dinan sous l’Occupation”, une chronique des années noires dans cette ville des Côtes du Nord, dans laquelle vivaient mes parents, depuis 1937.
Cette année, à l’occasion du 80e anniversaire de la Libération, je publie « Heureux comme Dieu en France » aux Éditions Maïa. C’est un roman, le deuxième volume de la vie mouvementée et romanesque de la famille Pradel de la Bessonie. Les événements se déroulent dans les Côtes-du-Nord, pendant l’Occupation et dans les jours qui ont suivi la libération de la région par les Américains.
« La vie à Dinan sous l’Occupation » est en accès libre sur ce blog. La version papier peut-être commandée chez The BookEdition.com ou chez votre libraire, en lui indiquant le numéro ISBN : 9782959045707.
« Heureux comme Dieu en France » peut être commandé sur le site de l’Éditeur ou chez votre libraire, en lui indiquant le titre de l’ouvrage « Heureux comme Dieu en France », le nom de l’auteur – Michel Desmoulin – et l’ISBN : 9791042505868
Laisser un commentaire