Saint-Malo, dans les pas de la IIIe Armée du général Patton


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Il y avait un monde fou devant et derrière les remparts de Saint-Malo. Des voitures partout, qui n’avançaient qu’au pas. Au volant, je pensais à ma première glace, acheté à un marchand ambulant devant la porte Saint-Vincent derrière laquelle les ruines de la cité des corsaires, « résistante et martyr », fumaient encore. L’odeur qui se dégageait, me poursuit. Après le débarquement en Normandie, un colonel Allemand, Von Aulock avait été chargé de défendre – coûte que coûte – la position stratégique que constituait Saint-Malo.

La Porte Saint-Vincent après les bombardements

Les Allemands entreprirent de fortifier l’ancienne cité malouine, creusant dans le sous-sol un réseau de galeries et de casemates, surmontées de blockhaus et tourelles d’artillerie. L’objectif des Allemands était double. Il fallait interdire aux Alliés l’accès à la Rance et aux côtes et défendre Saint-Malo en cas d’attaque par voie terrestre. « Festung Saint-Malo », la « forteresse Saint-Malo » devint le centre de commandement des défenses de la zone, avec un ensemble de fortifications autour de la ville, sur l’île de Cézembre, la pointe de la Varde et les autres îles alentours. Entre 1942 et 1944, avaient été construits dans l’ancien fort, une batterie d’artillerie à 4 canons, des batteries de Flak, un GQG, des casernements et différents bunkers d’observation et de réglage de tir, de mitrailleuses et de mortiers.

La Porte Saint-Vincent aujourd’hui

La IIIe Armée  avait pénétré en Bretagne le 1er août. Le 4, les Alliés bloquaient tous les accès à la zone de Saint-Malo. La 83ème division d’infanterie américaine, renforcée par le 121ème régiment d’infanterie, reçut pour mission de libérer Saint-Malo et Dinard. Les forces  alliées estimaient qu’une seule division pouvait venir à bout de Saint-Malo. Patton était pressé d’arriver à Brest. Saint-Malo, comme la Bretagne dans son ensemble, n’était pas un objectif prioritaire. Le général Troy Middleton, commandant le 8eCorps d’armée pensait qu’il était risqué de laisser Saint-Malo aux Allemands qui pouvaient ainsi continuer à se renforcer. 12 000 hommes y étaient déjà rassemblés. Le siège débuta le 5 août 1944. Les Allemands, repliés dans la vieille ville, sur l’île de Cézembre et dans la forteresse d’Aleth, où d’importants bunkers protégeaient le commandement allemand, opposèrent une résistance farouche.

La reconstruction

Le colonel von Aulock ordonna l’évacuation de la population. Le dimanche 14 août, la ville, le château, l’île du Grand-Bé  et l’île de Cézembre subirent un intense bombardement aérien  – 150 bombardiers lourds Liberator – et naval avec, pour la première fois en France l’utilisation de bombes au napalm et au phosphore. Douze jours de combat intense furent nécessaires aux soldats du général Patton pour venir à bout de la forteresse défendue par les Allemands qui firent sauter les installations portuaires, les écluses et le môle des Noires. L’île de Cézembre tiendra même jusqu’au 2 septembre. La ville – intra muros – était en feu et en grande partie détruite. Saint-Malo et la cité d’Aleth résistèrent jusqu’au 17 août, date de leur libération.

Le plan-masse de Louis Arretche

Depuis les travaux de Vauban, qui avaient fixé des règles d’urbanisme et d’architecture, rien, ou presque, n’avait changé. L’architecte chargé de la reconstruction ne pouvait donc se contenter d’apporter dans sa serviette les plans de la nouvelle « Cité de ses rêves ». Dans un espace réduit – 12 hectares – il fallait reconstruire des immeubles, réinstaller les commerçants. Il y avait près de 600 propriétaires (ou leurs héritiers). La situation était compliquée. Parmi les contraintes, il y avait aussi le relief rocheux et des vents qui rendaient impossible un alignement rigoureux. L’implantation des voies anciennes fut donc conservée. Il fallait aussi reconstituer les façades de la vieille ville afin de lui rendre la silhouette qui avait fait sa renommée. M. Brillaud de Laujardière, l’architecte, fixa la hauteur de faîtage des immeubles pour l’ensemble de la ville. C’était la garantie d’une unité d’ensemble. L’importance des destructions a permis de supprimer les ruelles trop étroites et d’aménager des espaces libres. Aujourd’hui, la ville, grâce à l’unité des matériaux, aux grands toits d’ardoise, a conservé son caractère de grand vaisseau de pierre entouré de remparts. L’architecte en chef, le grand prix de Rome, Louis Arretche, a facilité les compromis, surmonté les très nombreuses difficultés rencontrées et su allier le caractère traditionnel et l’esthétique de toute novation en apportant à l’ensemble la lumière, l’air, l’espace, sans trahir le passé.


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