Dans les pas de la IIIe Armée du général Patton


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Loin de la canicule et de la foule, c’est à une escapade en Bretagne que j’ai convié mon épouse après le chassé-croisé du 15 août. Périodiquement, tous les dix ou vingt ans, j’éprouve le besoin de revoir mes lieux de mémoire pendant l’occupation allemande. Dans mes deux derniers articles, j’ai évoqué le bain de sang qu’a connu la Normandie en ruines dans les premières heures et les premiers jours qui suivirent le D-Day.

La reconstruction de Caen

En passant à proximité de Caen, Avranches, comment ne pas penser aux difficultés que les Alliés ont connues – et auxquelles ils ne s’attendaient pas – pour progresser dans le bocage normand qui favorisait les positions défensives allemandes. La « batailles des haies », qualifiée ainsi par les Alliés, a considérablement ralenti les troupes mécanisées qui ont piétiné pendant plusieurs semaines avant qu’un « tapis de bombes » soit rendu nécessaire pour avoir une chance de réussir la « percée d’Avranches ». La verte et belle Normandie que l’on traverse aujourd’hui, ne doit pas faire oublier que cette région a été l’une des plus éprouvées pendant la Seconde Guerre Mondiale. Le Havre, Caen, Saint-Lô étaient en ruines, de nombreux villages avaient été rasés. 50 000 victimes civiles, dont 20 000 dans le Calvados et 14 800 dans la Manche furent recensées, sans compter les blessés et les centaines de milliers de sans-abri qui ne retrouvèrent une vie normale que très longtemps après les épouvantables bombardements.

Saint-Lô après les bombardements

A Caen, deux bombardements, suivis d’une bataille de plusieurs semaines, avaient détruit 70% de la ville. Sur 14 000 immeubles, 8 000 furent entièrement détruits et 5 000 plus ou moins endommagés. La ville de Saint-Lô est une ancienne cité gallo-romaine située sur un éperon rocheux au confluent de trois vallées. C’était donc un objectif important de l’aviation alliée. La ville fut presque totalement détruite (1400 immeubles sur les 2103 qui existaient en 1944). Le bombardement de Saint-Hilaire-du-Harcouet, suivi d’un violent incendie, détruit totalement 350 immeubles et partiellement 400 sur les 1 410 que comptait la ville. Avranches, antique cité fortifiée, fut le siège, jusqu’au XVIIIe siècle, d’un évêché duquel dépendait l’Abbaye du Mont-Saint-Michel. La ville est située sur un éperon haut de cent mètres, qui surplombe l’embouchure de la Sée et la baie du Mont-Saint-Michel. La vue est incomparable. La reconstruction du centre, durement touché, fut confiée à l’architecte Henri Delaage. Le principal carrefour, au sud de la ville, porte le nom du libérateur de la cité : « place Patton ».

Après le mois de juin consacré au débarquement, à la noria des Liberty ships, à dégager des corridors pour progresser le plus vite possible, chaque jour du mois d’août 1944, une ville de Bretagne était libérée. Le 1er août, la 3earmée américaine de Patton était prête à fondre sur la Bretagne. En trois jours, 7 divisions empruntèrent la percée d’Avranches et se dirigèrent vers la Bretagne d’un côté et la Loire de l’autre. Les Allemands s’étaient repliés sur les ports fortifiés de Saint-Malo, Brest, Lorient et Saint-Nazaire. Les Alliés avaient le plus urgent besoin d’un port en eaux profondes.

Leur but était donc de conquérir Cherbourg le plus vite possible et, pour cela, de couper le Cotentin pour empêcher les Allemands de se renforcer. Conquis, le port se révéla inutilisable. Il ne fut à nouveau opérationnel qu’à la mi-août et devint alors le principal port d’approvisionnement du front de l’Ouest, même si le port artificiel d’Arromanches, qui a rendu de grands services, continuait à être utilisé.

Aujourd’hui, les autoroutes A 13 et A 84, empruntées à bonne allure, ne permettent pas de voir les villes tant éprouvées et plus ou moins bien reconstruites, que sont : Caen, Villers-Bocage, Villedieu-les-Poêles, Avranches. C’est en apercevant un panneau indiquant la direction de Saint-Méloir-des-Ondes, un peu avant Saint-Malo, que les premiers souvenirs de cette période troublée me revinrent. Fin septembre 1944, dès qu’il a été à nouveau possible de circuler, mon père, au volant de sa Rozengart, achetée d’occasion en 1934, forma le projet de se rendre dans le secteur de Saint-Malo et de l’embouchure de la Rance où les combats avaient été si durs. A proximité de Saint-Méloir-des-Ondes, il s’engagea dans un chemin vicinal sans issue,  barrée, assez étroit. Le déminage avait visiblement commencé, mais était-il terminé ? Sur le bord du chemin, de chaque côté, des mines étaient alignées. Les panneaux « achtung minen » étaient encore là, posés sur le sol. Il fallait faire demi-tour, l’exercice était délicat. Dans la voiture, ma mère sanglotait, je pleurais, mon père en avait vu d’autres, depuis quatre ans, mais il était tendu. Le coin était désert, seules quelques vaches paissaient dans les champs. En écrivant ces lignes, je pense à la colère du Rommel, au début de l’année 1944, lors de sa dernière tournée d’inspection. Comment espérait-on tromper l’ennemi avec des écriteaux portant la mention : « achtung minen » dans un champ où des vaches paissaient ? Le maréchal avait lui-même chassé les vaches !


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