Comment sortir de la situation dans laquelle nous sommes plongés ? Une situation bloquée, sur le plan politique et institutionnel, périlleuse, sur le plan international, pauvre, anormalement pauvre, en ressources humaines et qui se détériore au fil des mois. Les Français ont peur, convaincus que cette situation va mal finir !
Le chef de l’Etat applique le conseil de Catherine de Médicis ! Il prend son temps ! Je n’ai pas le souvenir que Catherine de Médicis ait recommandé d’accorder un entretien à Pif Gadget ou trouvé astucieux qu’une de ses ministres apparaisse en couverture de Play Boy ! L’opposition affirme qu’Emmanuel Macron a choisi la fuite en avant, organise le chaos, espère que, comme lors de la crise des Gilets Jaunes, du chaos sortira un réflexe d’ordre qui sauvera son pouvoir. La haine contre le chef de l’État s’exprime désormais librement et sans aucune nuance.
Ce n’est pas nouveau.
Déjà, le 27 janvier 2019, sous le titre : « Les nations ne meurent pas, mais elles peuvent se suicider », une citation de Charles de Gaulle, j’ai écrit que « la violence à l’égard d’Emmanuel Macron, n’était pas nouvelle. « Dès le début de sa première campagne présidentielle, à la fin de l’année 2016, le déchaînement contre sa personne atteignait des sommets. « Emmanuel Macron : une image virtuelle flottant dans le néant. » » Acteur de théâtre, de téléréalité, télévangéliste, prédicateur ». Il y avait les sceptiques qui prédisaient que derrière le spectacle de l’artiste, il faudra gouverner le sixième pays le plus puissant du monde. « Donne-t-on des allumettes à un enfant si près d’un dépôt d’essence ? » Il faut prendre le temps de relire ce qui se disait à l’époque. Ce n’est pas triste et aide à comprendre les insultes dont il est l’objet actuellement. « Emmanuel Macron, le gendre idéal, le Michel Drucker de la politique. C’est « Champs-Élysées » à chacune de ses apparitions. » Avec lui, la mondialisation sera heureuse. C’est un mystique, peut-être un saint… qui sait ? Ou un pervers susceptible d’embobiner à peu près n’importe qui avant de le trahir. » Aujourd’hui, dix-huit mois seulement après son entrée en fonction, les propos tenus sur les plateaux de télévision et les menaces proférées sur les réseaux sociaux, à l’égard du chef de l’État, n’ont plus de limites. Ils sont d’une extrême violence. »
A l’époque, si la violence physique n’était le fait que d’une petite minorité de Gilets jaunes, la violence verbale, les insultes, les menaces, avait déjà tendance à se banaliser et à se généraliser. Laurent Berger, le secrétaire général de la CFDT, mettait déjà en garde la population française : « Arrêtons d’être naïfs et irresponsables face à des gens qui veulent renverser la démocratie et qui sont des factieux ».
Quelques jours avant d’écrire cet article, j’ai le souvenir d’avoir dit à un de mes meilleurs amis, ancien ministre, que si l’ordre n’était pas rétabli dans un délai raisonnable, les Français ne tarderaient pas à réclamer un sauveur, un homme ou une femme providentielle capable de rétablir l’ordre, avec le risque, comme au Brésil, en Turquie, en Italie, d’en payer le prix avec des restrictions de libertés et la fin de la démocratie à la française. Il m’avait dit : Tu exagères ».
J’exagérais sans doute un peu, mais j’avais, dans mon article du 27 janvier 2019, suivi mon idée et écrit que « les Français, dans leur ensemble, souhaitent que le chef de l’État ait une certaine autorité….mais pas trop. « Déjà Napoléon perçait sous Bonaparte « , écrivait Victor Hugo. La crainte a souvent été exprimée de voir ce jeune homme, grisé par tant de pouvoirs, balayer les contre-pouvoirs au nom de l’efficacité. Nouveau venu en politique, Emmanuel Macron, avec son regard bleu, ambitieux, sans affects, sûr de lui, est un séducteur qui séduit plus qu’il n’aime. Il n’avait pas l’intention d’être un « président normal ». À trop refermer les grilles du palais, il s’est isolé. »
L’article 16 de la Constitution permet au président de la République agissant sous sa seule signature de cumuler l’intégralité des pouvoirs législatif et exécutif, et cela sans pouvoir faire l’objet d’aucun contrôle. Les conditions requises pour mettre en place ce régime d’exception sont certes destinées à éviter les risques d’abus ( » menace grave et immédiate sur les institutions de la République, sur l’intégrité du territoire ou l’exécution de nos engagements internationaux, interruption du fonctionnement régulier des pouvoirs publics constitutionnels. » Avec un président attaché à la démocratie, respectueux de l’esprit des institutions, le risque est relativement limité. Avec un président autoritaire tenter, pour sauver sa présidence, d’opter pour un régime antilibéral ou illibéral, comme en Hongrie et en Pologne, où dans la Russie de Poutine et la Turquie d’Erdogan, le risque existe. Un risque que ni le Parlement, ni le Conseil constitutionnel, ni les institutions judiciaires ne seraient en mesure d’endiguer.
Le conseil de Catherine de Médicis a fait ses preuves. Le temps apporte souvent la solution. Il ne faut cependant pas en abuser. Il arrive que le temps presse. Michel Serres, qui nous manque tant aujourd’hui, interrogé à la fin de l’année 2018, par Lionel Laparade, journaliste à la Dépêche, avait exprimé ses craintes en ces termes, peu de temps avant son décès en juin 2019 : « La sortie de crise aura fatalement lieu dans des circonstances que je ne vois pas et que, d’ailleurs, tout le monde ignore. » Je pense que le retour à l’ancien monde, à la reconstitution du modèle gauche droite, est impossible. Ce serait déjà fait. Sur l’autre sortie de crise, la tentation totalitaire, le philosophe pense que « c’est la pire des solutions. Macron est extrêmement fragile, parce qu’il est cerné par l’extrême gauche et l’extrême droite. Et l’histoire du XXe siècle a montré que les pires régimes se sont toujours construits sur une sorte de liaison secrète et explosive entre les deux extrêmes : le national-socialisme d’Hitler fut l’alliance de la dictature et du prolétariat ».
Si le président de la République continue à suivre à la lettre, le conseil de Catherine de Médicis, la situation en France pourrait devenir incontrôlable et se transformer en crise de régime.
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