« Plus jamais ça ».


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Renan disait des  nations qu’elles étaient « le souvenir des actions passées, les joies du présent et l’espérance de vivre ensemble dans l’avenir. » Protéger le présent, c’est protéger son mode de vie, et assurer l’avenir, c’est être, en toutes circonstances, capable de défendre toutes les valeurs qui constituent notre civilisation.

Ce mois de janvier 2015, tout le monde s’en souviendra !

Les Français, dans leur très grande majorité, ont trouvé les mots, l’attitude, le ton, pour exprimer fièrement qu’ils n’entendaient pas perdre un mode de vie auquel ils sont extrêmement attachés et qu’ils ne se laisseraient pas « terroriser » par ceux qui voudraient, au nom d’une religion qui n’est qu’un prétexte, leur imposer un autre mode de vie.

Le 11 janvier 2015, Place de la République
Le 11 janvier 2015, Place de la République

Dans la guerre que se livrent depuis des siècles, divers courants de la religion musulmane, une tendance entend imposer par la force, aux autres musulmans d’abord, mais aussi à tous ceux qui ne partagent pas leur conception de l’islam, la stricte application de la charia et d’un ensemble de règles de vie incompatibles avec la modernité, mais aussi, et surtout, avec la raison et l’intelligence auxquelles cette religion n’a jamais, jusqu’à maintenant, réussi à s’adapter. Critiquer leur conception de l’islam, c’est apostasier et, par là même s’exposer à perdre la vie. C’est la raison pour laquelle certains considèrent qu’il s’agit d’une guerre de civilisation.

Wolinski, pour son malheur, constituait le symbole de la conception française de la liberté. Anarchiste, bon vivant, provocateur, amateur de belles voitures, de cigares, de jolies femmes et de bons gueuletons, il a, pendant une cinquantaine d’années, laissé libre cours à son seul credo : se moquer, caricaturer, faire rire.

Dix-sept personnes ont ainsi été assassinées parce qu’elles étaient françaises et que les tueurs ne supportaient pas la conception que la France a de la liberté.

Qu’est-ce que la liberté à la française que des terroristes, en l’occurrence de l’intérieur, cherchent à réduire ou mieux, à faire disparaitre, au cri de « Allah akbar » ? C’est celle des Lumières. « Je ne suis pas d’accord avec ce que vous dites, mais je me battrai jusqu’à la mort pour que vous ayez le droit de le dire » écrivait Voltaire. C’est, « La Liberté guidant le peuple », qu’Eugène Delacroix peint en 1830, à la suite des « Trois Glorieuses ».

"La Liberté guidant le peuple" d'Eugène Delacroix
« La Liberté guidant le peuple » d’Eugène Delacroix

Pour bien comprendre en quoi consiste la menace à laquelle nous sommes confrontés, il faut lire le journal « Inspire », le magazine de propagande de l’État islamique en libre accès sur Internet. Les motivations de ce groupe terroriste, qui s’apparente plus à une secte qu’à un Etat, y sont clairement exprimées. Les buts de guerre, puisqu’il faut bien les appeler ainsi, sont définis. Ils consistent à islamiser le monde et à le gouverner par la charia.

Le «  printemps arabe », qui a suscité tant d’espoir dans le monde occidental, a libéré diverses entreprises d’islamisation, facilité l’entrisme dans les organes de pouvoir et ouvert des objectifs nouveaux tels que la reconquête d’anciennes terres d’islam comme l’Andalousie ou Israël. Les cibles aussi, qui, pour la France, concernent aussi bien la vallée de la Dordogne (Pourquoi ?) que le défilé du 14 Juillet ou le musée du Louvre, sont précisément définies ! Le but est d’islamiser la société française, d’y instaurer le Califat : « Le Coran est notre Constitution ». Le but a le mérite d’être clair !

Cette luxueuse revue explique à la fois comment fabriquer une bombe et comment saboter une autoroute. En mai 2013, c’est dans cette revue que « Charb », le directeur de Charlie Hebdo, était désigné comme un homme qui devait être « recherché mort ou vif ».

L’État islamique ne lésine pas sur les moyens. Sa communication est faite par des professionnels qui maitrisent parfaitement l’utilisation du Web et les réseaux sociaux. Ils publient aussi bien en anglais, qu’en français sous le nom de : Dar al-islam et sont particulièrement efficaces pour recruter de jeunes hommes et femmes, mal dans leur peau, prêts à abandonner leur mode de vie occidental, la société de consommation, la liberté sexuelle, la liberté de pratiquer ou d’écouter de la musique, de s’amuser, de faire la fête.

Le président polonais, pendant son discours à Auschwitz
Le président polonais, pendant son discours à Auschwitz

Abou Moussab Al-Souri, le théoricien du djihadisme, a tiré les leçons de l’échec politique d’Al-Qaida. Avec le développement rapide des réseaux sociaux et la baisse des tarifs des compagnies aériennes low cost, il a mis la conquête djihadiste à la portée de toutes les bourses. Se rendre sur le champ de bataille par la Turquie est simple et sans risque. La persécution des yézidis d’Irak, quand les hommes, considérés comme des impies, ont été massacrés et les femmes transformées en esclaves sexuelles, a suscité une certaine émotion dans le monde musulman, Daech a aussitôt rédigé un argumentaire juridique pour légitimer l’islamité de pareilles pratiques.

Ismail Kadaré, le célèbre écrivain albanais qui aurait mérité le prix Nobel de Littérature, écrivait, il y a quelques jours, « J’appartiens à l’un des peuples des Balkans, le peuple albanais, qui a perdu l’Europe deux fois : au XVe siècle, durant l’occupation ottomane, puis au XXe siècle, durant la période communiste. Je pense que les peuples qui ont subi un tel destin ont une approche particulière, très sensible, ou disons très en empathie, avec le drame qui vient d’avoir lieu (…) L’Europe a non seulement le droit mais aussi le devoir de se protéger. Pour elle-même et pour tous les autres. »

Ce mois de janvier 2015, oui, tout le monde s’en souviendra !

Auschwitz-Birkenau
Auschwitz-Birkenau

Le mardi 27 janvier, en présence de survivants du camp d’Auschwitz-Birkenau, où ont péri plus d’un million de personnes, et de nombreux chefs d’Etat, le président polonais Bronislaw Komorowski a rappelé dans son discours d’ouverture de la commémoration des 70 ans de la libération du camp d’extermination nazi, ce qu’écrivait Primo Levi : « Oublier le passé, c’est se condamner à le revivre ».

L’adhésion d’un tiers des Allemands a été suffisante pour amener Hitler au pouvoir ? La passivité des autres, qui représentaient la majorité, n’a pas été un obstacle à l’accession au pouvoir d’une petite minorité, au moins au début, qui faisait régner la terreur avec des idées simplistes et des discours de haine qui résonnent encore dans nos oreilles. Voilà comment l’Histoire peut devenir tragique ; comment des hommes et des femmes ordinaires, dans tous les milieux sociaux, connus pour être de « braves gens », peuvent devenir, par un engrenage complexe d’événements divers, des complices, des bourreaux. Les crises économiques, le mauvais sort fait à des minorités, peuvent suffire à ébranler une société qui se croyait à l’abri derrière ses institutions.

La commémoration d’Auschwitz-Birkenau avait également pour but de rappeler qu’une menace sur notre civilisation et notre mode de vie, quand on la laisse prospérer en toute innocence, peut devenir aussi grave et lourde de conséquences que l’a été le nazisme il y a soixante-quinze ans.

Une mobilisation d’une telle ampleur à Paris, dans les grandes villes, mais aussi dans les plus petits bourgs et villages, a fait du 11 janvier 2015, un événement extrêmement rare.

Le 1er juin 1885, deux millions de personnes avaient suivi la dépouille mortelle de Victor Hugo. Ce fut un événement inoubliable, mais qui n’avait pas le même caractère (encore que…) et ne constituait pas un sursaut, un cri de colère.

Ismail Kadare
Ismail Kadare

Les rassemblements à la fin de la Restauration, après le renversement de la monarchie de Juillet, Mai 1968 et le rassemblement des gaullistes sur les Champs-Elysées, la défense de l’« école libre » ou les manifestations contre « le mariage pour tous » en 2013, étaient d’une toute autre nature.

Pour que les Français de toutes religions, de toutes tendances politiques, de toutes origines, marchent au coude-à-coude avec un tel sentiment de fraternité, il faut que la menace soit sérieuse et que l’accumulation des problèmes ait atteint un niveau élevé de préoccupation. Le sociologue Michel Wieviorka, prudent, pense que ce n’est qu’un moment d’« illusion groupale », qu’une émotion qui ne pourra que très difficilement être transformée en action. L’attente exprimée ce jour-là est considérable. Elle ne pourra pas être satisfaite ; trop de problèmes d’une extrême complexité coexistent et se mélangent : le terrorisme, l’islamisme, la nécessaire adaptation de l’islam à la modernité, la laïcité, l’école, l’immigration, les prisons, la politique du logement, les banlieues, le communautarisme, les « oubliés » etc. C’est trop pour un gouvernement qui n’a pas assez de marges de manœuvre pour restaurer le modèle républicain. La tâche est immense. Elle suppose l’effort de chacun, au quotidien, un peu moins d’individualisme, beaucoup plus de collectif, pour redonner du sens au « vivre ensemble ». « La France d’en bas », chère à Jean-Pierre Raffarin, donne souvent l’exemple. C’est cette « France profonde », expression que je préfère, qui, dans les plus petits villages, reste fidèle à la pensée de Renan.

 


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