L’agenda commence à se préciser.
En ce qui concerne notre pays, le nouveau chef de l’Etat a écrit à monsieur Jean-Claude Mallet, Conseiller d’Etat, ancien Secrétaire général de la défense nationale, le 31 juillet dernier, qu’il souhaitait disposer d’un nouveau Livre blanc au début du mois de mars 2008. Dans la lettre de mission, très précise, qu’il lui a adressée, il lui demande « d’engager une réflexion approfondie sur notre politique générale de défense » et de s’appuyer sur une Commission dont la composition a fait l’objet d’un communiqué de la Présidence de la République daté également du 31 juillet. Ce Livre blanc devra porter sur les domaines de la défense et de la sécurité pendant une quinzaine d’années. Encore faut-il définir ces deux concepts de plus en plus souvent associés alors qu’ils n’ont pas le même sens. Si la défense consiste à sauvegarder l’intégrité du territoire, son indépendance,, ses intérêts vitaux, ses valeurs, et si, comme le précisait le projet de traité constitutionnel pour l’Europe, la sécurité a pour objet de préserver la paix, prévenir les conflits, alors il faut le dire. S’il s’agit d’associer la défense contre un ennemi extérieur et la sécurité intérieure, c’est à dire essentiellement la menace terroriste, il faut le préciser. Après avoir évalué les risques et menaces pour nos ressortissants de Métropole et de l’étranger, ce document devra répondre à la question de s’avoir comment garantir l’indépendance de notre pays et la préservation de nos intérêts stratégiques. Il devra évoquer « l’évolution de nos alliances, de nos accords de défense, des conditions d’emploi de nos armées en opérations extérieures, de notre contribution à la dimension européenne de notre politique de défense et de sécurité et de notre contribution à la sécurité de l’Alliance atlantique. » Le Livre blanc devra examiner la crédibilité de notre force de dissuasion, préciser le format de nos armées, l’organisation de la défense civile et de la défense économique et se préoccuper de savoir comment renforcer le lien entre la Nation et ses armées. C’est donc bien à l’ensemble des problèmes que la Commission devra répondre avec le souci de s’inscrire dans un effort budgétaire qui ne dépasse pas 2% du PIB et dans le respect de la révision générale des politiques publiques mise en chantier. Enfin, le Chef de l’Etat, qui fait de l’Europe de la défense une priorité, invite la Commission à « échanger » avec nos principaux partenaires européens. Un rapport d’étape, à la fin de l’année 2007, fournira déjà des informations sur les grandes orientations proposées sur ce très vaste sujet. Il faut rappeler que le précédent Livre blanc date de 1994 et que depuis, les armées ont connu de profondes mutations avec la professionnalisation, la suspension de la conscription, la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) et l’évolution du statut des militaires. Un nouveau Livre blanc s’impose si l’on veut donner plus de cohérence aux lois de programmation militaire (la dernière se terminera en 2008) et mettre fin à une dérive du coût des équipements qui fait prendre en permanence une année de retard sur les objectifs, sans parler du respect des standards OTAN.
Sur le plan européen, l’absence de constitution n’a pas empêché la PESD de progresser sur la base du traité de Nice pourtant si décrié par ailleurs. Un plan de développement des capacités clarifie les ressources des membres de l’UE et l’Agence européenne de défense progresse dans le domaine de la recherche et des réalisations communes. « Le verre n’est pas à moitié vide » ! Bref, les pays membres, certains au moins, se concertent, signent des accords, éditent des règles communes, adoptent des concepts, approuvent des plans. Il faut maintenant passer aux actes, c’est-à-dire budgéter, financer, ce que certains Etats membres n’ont pas l’intention de faire. Il faut donc, pour cela, que la conférence intergouvernementale (CIG), chargée de la rédaction du « traité modificatif », crée des « coopérations structurées permanentes » ouvertes et définisse clairement une politique commune de défense. Si la « clause d’assistance mutuelle en cas d’agression », qui figurait dans le texte de 2004, et » la clause de solidarité » face à la menace terroriste, n’étaient pas conservées ou rédigées de manière ambiguë, une nouvelle occasion serait manquée de faire avancer l’Europe de la défense. Il faut bien admettre que certains Etats ne peuvent, et ne veulent, financer des efforts supplémentaires en matière de défense et de sécurité. Ces deux concepts étant d’ailleurs encore mal définis. Il faut en tenir compte et que le texte prévoit qu’ils pourront dans l’avenir entrer dans le cercle de la « coopération structurée permanente » qui ne sera pas définitivement fermé. L’Europe de la défense n’est pas la défense de l’Europe. Au sommet d’Helsinki, les Etats membres s’étaient donnés comme premier objectif de pouvoir projeter, en 2003, 60 000 hommes, en moins de deux mois, sur un théâtre extérieur. Depuis, treize Groupements tactiques interarmées de 1500 hommes ont été opérationnels dans un concept qui a évolué. La feuille de route reste « les missions de Petersberg, c’est-à-dire des missions humanitaires, d’évacuation de ressortissants, de maintien de la paix et des missions de combat dans la gestion des crises. L’Union européenne se dote petit à petit d’institutions politiques et militaires et « d’une vision à long terme » qui pourrait prendre un jour prochain le caractère d’un Livre blanc européen.
Il reste que pour la défense de l’Europe, très exigeante en ressources, c’est « Berlin plus », c’est-à-dire la mise à disposition des moyens de l’OTAN qui interviendraient sous commandement américain. Dans ce domaine très sensible, il faudra bien également clarifier l’évolution de l’OTAN, les contributions, le financement, les missions. La Commission Mallet a « du pain sur la planche » avant de pouvoir fournir au Chef de l’Etat une vision la plus claire possible de ce que devra être son angle de marche dans ce domaine. Il a dit, dans son discours prononcé à l’Ile Longue, le 13 juillet, qu’il était très conscient de sa responsabilité et qu’il ne parlerait pas « seulement avec des éléments de langage » quand il s’agit de « la sécurité de notre pays, sa priorité absolue »
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