Au mois de septembre 1990, j’avais été invité par Gaz de France à visiter une plate-forme pétrolière en mer du Nord, au large de la côte Ouest de la Norvège. Après avoir visité les installations de la compagnie Statoil, à Stavanger, nous nous étions rendus à Bergen d’où partent les énormes hélicoptères russes Sikorski vers le champ de Gullfaks sur le plateau continental norvégien. J’avais retiré de cette expédition le sentiment que l’approvisionnement en gaz, comme en pétrole, allait être un enjeu de pouvoir considérable dans les années à venir. Ce n’est pas une mince affaire, dans un environnement aussi hostile avec des vents qui soufflent souvent à plus de 100km à l’heure, une mer démontée et des températures basses, que de poser un hélicoptère de cette taille sur une plate-forme en pleine mer posée à 150 m au dessus de l’eau. Les combinaisons de survie, qui doublent à peu près le poids de la personne, le bruit assourdissant des moteurs, les nombreuses tentatives du pilote qui parfois doit renoncer, donnent la mesure des conditions dans lesquelles travaillent ces hommes – et ces femmes – au large de la mer de Norvège.
Quinze ans après, nos impressions de voyage se sont traduites dans les faits : les coûts de production ont augmenté, les cours du baril aussi, la première guerre en Irak, après l’envahissement du Koweït, a été suivie d’une seconde qui n’en finit pas de se terminer et les besoins de l’Europe sont de plus en plus importants. La Norvège a des ressources naturelles considérables qui lui assurent un niveau de vie élevé et enviable. Ce pays cultive habilement son indépendance. Il n’est pas membre de l’Union européenne pas plus que de l’OPEP mais il est membre de l’OTAN qui assure sa sécurité. La politique industrielle conduite est donnée en exemple par l’Agence internationale de l’Energie. Des actions sont entreprises en permanence pour explorer davantage et atteindre une production maxima.
Cependant, les événements se précipitent. Le conflit entre l’Ukraine et la Russie sur le prix du gaz, la fusion, de toute urgence, de Gaz de France et de Suez, l’aggravation de la situation au Proche Orient, mettent en évidence la vulnérabilité de l’Union européenne dans ce domaine vital. Faute de politique commune, c’est le « chacun pour soi ». En arriver là, cinquante ans après les premières initiatives européennes ( CECA et EURATOM), qui témoignaient de la lucidité des pères fondateurs, Jean Monnet et Robert Schuman, qu’il fallait unir ses efforts pour échapper à la dépendance et au conflit, est bien regrettable. Le nucléaire a en partie atténué la dépendance énergétique mais pour le pétrole, qui a pris une importance considérable, aucune solution européenne concertée n’a pu être trouvée. Faute de diplomatie commune, les compagnies pétrolières régulent tant bien que mal l’approvisionnement et les cours, les Etats membres traitent directement avec les pays producteurs et l’Europe découvre qu’elle est vulnérable.
La grande variable, c’est la croissance économique. Les besoins de la Chine augmentent mais il ne faut pas oublier que les Etats-Unis « pompent » chaque jour 12,5 millions de barils alors que la Chine n’en est encore qu’à 2,5 millions. L’histoire du pétrole n’est pas terminée ; elle est marquée par des guerres et des millions de morts auxquels il faut ajouter le risque terroriste de plus en plus préoccupant. Enfin, en ce qui concerne la France, son taux de dépendance énergétique est d’environ 50%. En 2004, le bilan était de : 40% d’énergie nucléaire, 34% de pétrole, 15% de gaz, 7% d’énergie renouvelables et 5% de charbon. Notre pays est un grand importateur de pétrole ; le second en Europe après l’Allemagne. Le gaz naturel a doublé en trente ans et l’électricité nucléaire a été multipliée par vingt. La mer du Nord est devenue notre première zone d’approvisionnement, ce qui est récent, et la Russie monte en puissance pour des raisons de diversification.
Les Français découvrent que la guerre de l’énergie ne se déroule pas seulement au Proche Orient mais sur l’ensemble de la planète.
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