Il y a des années à nulle autre pareille. L’année 2000 est de celles-là. Comme les années de guerre, 1870, 1914, 1939, et de révolution, 1789, 1848, 1917, l’année 2020, occupera une place particulière dans la mémoire collective en raison du fait qu’un coronavirus inconnu a donné le vertige dans le monde entier. À chaud, sous le coup de l’émotion, le magazine américain Time a fait de 2020, la pire année de l’Histoire pour les 7 milliards d’individus en vie aujourd’hui. Le magazine Time justifie son choix en énumérant les conflits, les désastres écologiques, la folle élection américaine et la pandémie qui s’accompagne d’une situation économique dont les conséquences sont encore inconnues. C’est sans doute exagéré. Franz-Olivier Giesbert, qui fait rarement dans la nuance, s’est empressé de voir dans cette « Une » du Time, une preuve supplémentaire que « l’Amérique est en train de devenir folle à lier. Sur quasiment tous les plans, intellectuel, journalistique, politique. »
2020, année de la peur !
C’est sous l’empire de la peur, pour ne pas dire de la panique, que la plupart des pays, notamment les plus avancés de la planète, ont pris des décisions lourdes de conséquences sur leurs économies et les libertés ; décisions que l’on croyait réservées aux régimes totalitaires. La peur devant les risques et les menaces n’est pas nouvelle. La théorie du zéro mort dans les conflits armés et les manifestations, s’est petit à petit imposée comme une marque de civilisation. L’Histoire avait pourtant enseigné que la peur est mauvaise conseillère. Le moment est peut-être venu de redécouvrir le courage, le sens des responsabilités individuelles et collectives, de réapprendre à vivre avec la mort, pour ne pas être faible, vulnérable, décadent et ne pas sortir de l’Histoire. Qu’est-ce que la vie si l’on n’accepte pas de prendre des risques, voire de mourir pour elle, comme l’on fait les Résistants dès l’Occupation allemande ? « Quoi qu’il en coûte » n’est-il pas un cri de faiblesse, de riche, de défaitiste ?
Dans son discours de Harvard en 1978, Alexandre Soljenitsyne avait pourtant mis en garde : « Le déclin du courage est peut-être ce qui frappe le plus un regard étranger dans l’Occident d’aujourd’hui ».
2020, année de la défiance !
La cartographie des taux de mortalité liés à la Covid-19 montre que plus la confiance est faible, plus les taux de mortalité sont élevés. Les personnes ayant une faible confiance ont tendance à considérer que les autres ne respectent pas les règles et, donc, à essayer de les contourner, ce qui amplifie la gravité de l’épidémie. Au contraire, dans les endroits où une grande majorité de citoyens fait preuve d’un niveau élevé de confiance en autrui, les autres semblent respecter correctement les règles si bien que, par mimétisme, celles-ci finissent par l’être par tous, entraînant une baisse du taux de mortalité. Ce constat prouverait qu’un aspect essentiel de la propagation de l’épidémie est la confiance ; confiance à l’égard des gouvernements, mais aussi dans le fait que les autres respectent les règles édictées par le gouvernement.
2020, année de la désinformation !
Les rumeurs, la désinformation, le scepticisme systématique, ont compliqué la tâche des gouvernants et amplifié la méfiance et l’inquiétude des citoyens dans le monde entier. Le recul du multilatéralisme, en 2020, n’a rien arrangé. Les gouvernants ont eu beaucoup de mal à construire une confiance qui ne se décrète pas. À cet égard, les réseaux sociaux, conjugués à l’isolement des individus en raison du confinement et à l’anxiété suscitée par la gravité de la situation ont exacerbé le besoin d’informations. Les plates-formes ont très vite été confrontées à la difficulté de modérer les fausses nouvelles, sans restreindre la liberté d’expression. Les Twitter ou Facebook n’ont aucune obligation morale ni juridique à censurer du contenu qui ne soit pas criminel. Les entreprises technologiques ne sont pas équipées pour arbitrer des litiges complexes et confus touchant à la vérité. Mais, plus important encore, elles n’ont pas le moindre impératif moral ou juridique pour le faire et cela même si les plateformes sont leur propriété privée. Les outils automatisés, les modérateurs humains, ont vite été débordés. Comment renforcer l’esprit critique des utilisateurs qui ne maîtrisent pas toujours les technologies du numérique ? Les plates-formes deviennent des puissances quasi étatiques, mais qui n’ont pas les pouvoirs et la compétence des États avec lesquels elles doivent collaborer, dans la mesure où ils sont fiables.
Le scepticisme par rapport aux vaccins, par exemple, se répand alors que nul ne peut nier que les vaccins sauvent en permanence de nombreuses vies. Rumeurs et arrière-pensées sur les effets secondaires, sur les intérêts de l’industrie pharmaceutique, finissent par convaincre les esprits faibles et parfois des soignants.
L’histoire, pour ne pas dire la légende des « nanopuces » est révélatrice de ce phénomène. Elles permettraient un traçage et un fichage des individus. Il est exact qu’elles existent déjà pour tracer les animaux. Expérimentée sur 007, dans Skyfall, un des derniers James Bond, la puce devient crédible, pourquoi pas sous la forme d’injection vaccinale ! C’est de la science-fiction, qui ne figure dans aucune littérature scientifique, mais comment convaincre les esprits faibles, quand le président du Forum économique mondial de Davos espère dans un ouvrage récent, que « la pandémie de « Covid 19 serait une chance pour l’humanité, car elle permettrait une restructuration en profondeur des sociétés, de l’économie et des comportements. » Il n’en faut pas plus pour imaginer que… D’autant plus que la technologie est déjà présente dans la vie quotidienne : caméras à tous les coins de rue, drones, reconnaissance faciale, signature par empreinte digitale, traçage GPS, propositions commerciales sur Internet, j’en passe et des plus sophistiqués encore, en Chine notamment. Difficile ensuite de faire appel à la raison. La peur est là, en permanence.
2020, l’année des chiffres et des faits à donner le vertige
Des faits : Au printemps, les professeurs de médecine se succédaient sur les plateaux de télévision pour dire que le vaccin n’était pas pour demain. « Il faut dix ans pour faire un vaccin sûr et efficace. » Le lundi 9 novembre 2020, les laboratoires Pfizer et BioNTech annonçaient un vaccin contre le Covid-19 efficace à plus de 90 %. Il n’aurait pas fallu plus de quelques heures à la mi-janvier, selon le Wall Street Journal, à Ugur Sahin, cofondateur de BioNTech, pour réaliser la phase de « conception approximative » de ce premier vaccin. Du jamais vu. Aucun autre vaccin dans l’histoire n’a en effet été créé et fabriqué aussi rapidement. Moderna, le laboratoire américain concurrent, a également développé son vaccin en deux jours, d’après Business Insider. Une technologie nouvelle, dite ARN, qui consiste à injecter dans nos cellules des brins d’instructions génétiques appelées ARN messager, pour leur faire fabriquer des protéines ou « antigènes » spécifiques au nouveau coronavirus, a permis de réaliser cet exploit. Les autorisations de vaccins à travers le monde, qui prennent souvent des mois, quand ce ne sont pas des années, ont été accordées en un temps record qui va permettre des campagnes massives de vaccination dans tous les pays. L’Agence européenne du médicament vient de donner le feu vert.
Dans une période où toutes les institutions sont mises à mal, les gouvernements, la justice, la presse, où le doute s’installe, où l’irrationalité se développe, comment avoir confiance. Comment rétablir la foi dans la science, dans le savoir et la sagesse humaine. Ce n’est pas simple ; par l’éducation, la connaissance scientifique, mais les problèmes sont de plus en plus complexes. La communauté scientifique, dans cette période, n’a pas été exemplaire. Qu’ont-ils fait de leur devoir d’optimisme ? Les professeurs de médecine, notamment, n’ont pas été à la hauteur de leurs responsabilités. Ce faisant, ils ont offert un boulevard aux complotistes populistes et autres charlatans qui assènent leurs vérités.
Des chiffres, aussi, qui donnent l’impression qu’on n’est en train de devenir fous !
Sur les marchés boursiers, l’année 2020 s’achève comme s’il ne s’était rien passé. En apparence, car les entreprises de l’ancienne économie sont sous assistance financière, pendant que les entreprises technologiques voient leurs cours flamber. Les GAFAM, Apple (+80 % depuis le début de l’année) pèse aujourd’hui plus de 2.200 milliards de dollars en Bourse. Microsoft (+40 %), Amazon (+70 %) et Google (+28 %) valent plus de 1.000 milliards de dollars.
Parmi les chiffres qui donnent le vertige, il n’y a pas que la valeur d’Apple et les 2 400 milliards d’euros de la BCE. Tesla, vous connaissez ? Le groupe d’Elon Musk, né en 2003, pèse aujourd’hui près de 660 milliards de dollars en Bourse. Le cours a bondi de 70 % depuis la mi-novembre. Tesla vaut 170 fois les profits attendus en 2021. Du jamais vu. Sont-ils devenus fous ?
Le pouvoir d’achat, en France, ne va baisser que de 0,9 % en 2020 alors que la récession est de 9 % ! Incroyable, non ?
« La fortune des milliardaires a atteint un nouveau sommet dans le monde en juillet 2020. UBS l’évalue à 10 200 milliards de $. La France est le pays où elle a le plus progressé (+45 % entre 2019 et 2020) ».
La valeur du bitcoin, la plus connue des monnaies virtuelles a atteint, et même dépassé les 20.000 dollars. Cherchez l’erreur ! S’agit-il de l’escroquerie du siècle?
37,63 dollars pour le prix du baril de pétrole brut, le 20 avril 2020, qui, dans un monde confiné, ne valait plus grand-chose, faute de pouvoir le stocker.
2020, année du « quoi qu’il en coûte » !
Emprunter à tout va, mais jusqu’à quel niveau ? La Banque centrale européenne financera « quoi qu’il en coûte », pour soutenir l’activité et favoriser le retour de la croissance. Les agences de notation, habituellement si nerveuses, que pensent-elles de tout cela ? Elles ne semblent pas s’en émouvoir !
La France a toujours honoré sa dette. Quand l’Allemagne ne l’a pas fait sa monnaie n’a plus eu de valeur ; on se souvient de ce qu’il advint. Pour l’instant il n’y a pas de défiance, l’euro se renforce même alors que le dollar baisse. Merci l’Europe et l’Allemagne de protéger les Européens par le poids économique qu’elles représentent. Les taux négatifs étaient impensables il n’y a pas encore longtemps. Annuler la dette, comme le demandent certains, c’est faire défaut. On ne peut plus alors emprunter. C’est la catastrophe !
Que peut faire la BCE des 2 400 milliards d’euros de dettes, qu’elle porte ? Les « effacer », comme le demandent certains beaux esprits ? La présidente de la BCE, a rappelé que ce serait « illégal » au regard du traité de Maastricht, qui prohibe la monétisation des déficits publics. Certes, on peut changer les traités. Bien du plaisir, pourquoi pas ! Reste l’annulation de dette, l’emprunt perpétuel, le recours à l’impôt, des solutions techniquement possibles, mais politiquement délicates à mettre en œuvre. Dans notre pays, on peut « cantonner » la dette Covid, comme cela avait été fait pour la « dette sociale », qui a donné naissance à la contribution au remboursement de la dette sociale, (CRDS) ou/et un « impôt Covid sur les riches » dont rêve la gauche.
La dette publique française atteint désormais un niveau historique de 2.674 milliards d’euros. Il y a quinze ans, la dette publique atteignait 1.000 milliards d’euros, soit 67 % du PIB. Le rapport Pébereau tirait alors la sonnette d’alarme !
2020, l’année qui a ébranlé le monde
L’élection présidentielle américaine n’a pas encore livré tous ses épisodes. Quelle histoire ! Le comportement du président sortant, mauvais perdant, est pitoyable. Il donne raison à Dominique de Villepin qui, en 2016, avait déclaré au journal Marianne que « Tous les empires déclinants ont leurs empereurs fous ». Il ne croyait pas si bien dire !
Le monde entier observe les États-Unis. Les Américains sortent, dans la douleur, d’une année épouvantable avec une récession économique aussi catastrophique que la grande crise de 1929, des tensions raciales, des violences, un pays terriblement divisé et, surtout, une pandémie qui tue 3 000 Américains par jour – c’est-à-dire un « 11 Septembre chaque jour ». Une pandémie qui a coûté à Donald Trump sa réélection relativement assurée. Les centres de test ne peuvent pas faire face à la demande. Les hôpitaux sont débordés, le personnel soignant épuisé. Si la vaccination est bien organisée, 20 millions de doses devraient être disponibles d’ici à la fin du mois.
Joe Biden va hériter d’un pays profondément divisé. Selon un récent sondage 70 % des républicains sont convaincus que Joe Biden n’est pas un président légitime et 77 % croient qu’il y a eu une fraude significative.
Pendant ce temps, en Chine, la Covid19 est déjà de l’histoire ancienne. Depuis 1945, la dissuasion nucléaire a, par la terreur qu’elle inspire, réussi à équilibrer le monde et à protéger la paix. La Chine, au moment où les États-Unis déclinent et se retirent des affaires du monde, donne l’impression d’avoir inventé un nouveau concept de dissuasion tous azimuts, par la pression qu’elle exerce sur tous les pays, avec l’objectif assumé d’imposer la supériorité de son modèle autoritaire sur le modèle démocratique dans tous les domaines, économiques technologiques, diplomatique et stratégique et idéologique. La Chine nous impose habilement un défi qui divise le reste du monde.
En 1981, les États-Unis et les dix-neuf pays de la zone euro pesaient 21 % de l’économie mondiale chacun. Quarante ans plus tard, leur part est passée respectivement à 16 % et 12 %. Pendant le même temps, le poids de la Chine a bondi de 2 % à 18 %. Comment l’Europe, amputée du Royaume Uni, va pouvoir se relever de la troisième crise grave en dix ans ? La relance promise sera-t-elle suffisante ?
Le président américain Donald Trump a signé, il y a quelques jours un décret qui donnera la priorité aux livraisons de vaccins aux États-Unis avant l’exportation, en clair, il fait en sorte que la vaccination des citoyens américains passe avant celle des autres pays. C’est la loi du plus fort !
Quatre ans et demi après la décision des Britanniques de quitter l’Union européenne et après dix mois de négociations difficiles, un accord de libre-échange avec les Vingt-Sept a été conclu le 24 décembre. Boris Johnson qualifie cet accord de « fantastique » : « tout ce qui a été promis aux Britanniques durant la campagne du référendum de 2016 et lors de la campagne des élections générales de 2019 a été tenu ». Michel Barnier, le négociateur européen, est plus nuancé, plus lucide. « Il n’y a pas de gagnant dans le Brexit, c’est perdant perdant, c’est un affaiblissement que de se séparer, surtout dans le monde tel qu’il est aujourd’hui, qui est un monde dangereux et instable où nous devons être ensemble, je pense, pour peser face aux États-Unis et à la Chine« , a déclaré, soulagé, fatigué, Michel Barnier sur France 2. « Le Royaume-Uni a choisi d’être solitaire plutôt que d’être solidaire. Je le regrette, mais mon mandat était de mettre Brexit derrière nous le plus rapidement possible. Nous l’avons fait dans l’unité, dans la fermeté ».
L’Union européenne a effectivement montré son unité qui fait sa force. Les Britanniques n’ont pas réussi à la diviser, comme ils en avaient certainement le désir. L’Europe termine l’année 2020, plus unie et plus puissante qu’il y a un an et s’est dotée d’un plan de relance dont les Britanniques auraient eu le plus grand besoin.
2020 : Une année à nulle autre pareille
Ma vie a commencé avec le masque à gaz et la tuberculose, avant les antibiotiques. Elle va se terminer avec le masque chirurgical et une invasion de coronavirus, sans aucun traitement ! Entre les deux, « c’était bien », comme l’avait raconté Jean d’Ormesson dans un de ses derniers ouvrages qui porte ce titre.
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