Le retour à la normale est en vue. L’exécutif le dit. Il a sans doute de bonnes raisons de le penser, même si, au niveau de contamination où nous sommes, l’histoire semble encore loin d’être terminée. Vivement donc la fin de la pandémie, la fin des bavardages inutiles, des truismes, d’une logorrhée permanente dépourvue de la moindre réflexion, dans un environnement anxiogène entretenu par des médias et des professionnels du catastrophisme qui n’ont aucun sens de la nuance et de la mesure. C’est trop souvent à devenir fou. Que dire d’une organisation de la vaccination indigne d’un grand pays développé. Quand ceux qui ont été vaccinés expliquent qu’ils ont pu l’être parce qu’ils connaissent le cousin de la tante à Jules ? En 2021, c’est inexcusable du seul point de vue de l’organisation.
Les industriels sont optimistes. C’est leur devoir, mais c’est aussi leur conviction. Ils croient à une reprise forte, si la confiance revient.
En attendant, il est indispensable de commencer à faire le bilan de l’année qui vient de s’écouler. Dans ce but, je reproduis aujourd’hui un article publié le 5 mars par le site The Conversation, dont j’ai déjà dit dans ce blog, tout le bien que j’en pense. Invité à reproduire gratuitement leurs articles, je le fais bien volontiers. L’article en question s’intitule : « Un an de Covid : ce que nous avons appris du coronavirus SARS-CoV-2, ce qu’il reste à découvrir ». Le voici.
Un an de Covid : ce que nous avons appris du coronavirus SARS-CoV-2, ce qu’il reste à découvrir
5 mars 2021
Auteur Anne Goffard Médecin, Professeure des Universités – Praticienne Hospitalière, Université de Lille
Déclaration d’intérêts: Anne Goffard a reçu des financements de l’Agence Nationale de la Recherche (ANR). Anne Goffard est adjointe au maire de Lille déléguée aux Universités, à la Recherche et aux étudiants dans la ville.
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L’émergence du SARS-CoV-2 et sa propagation sur la planète constituent pour les virologues une occasion sans précédent d’assister « en direct » à l’évolution d’un nouveau coronavirus. Dotés d’outils plus performants que jamais pour en analyser les causes et les conséquences, qu’ont-ils appris depuis un an ? Anne Goffard, spécialiste des coronavirus, résume l’état actuel des connaissances.
The Conversation : Le SARS-CoV-2 a conquis la planète début 2020, engendrant la pandémie de Covid-19. Comment ont progressé les connaissances sur ce virus ?
Anne Goffard : Avant que l’épidémie ne démarre, il n’existait pas de test sérologique pour les coronavirus. On ne disposait d’aucun vaccin, d’aucun traitement, et on savait peu de choses sur la façon de prendre en charge les patients. En un an, des outils de diagnostic RT-PCR spécifiques du SARS-CoV-2 ont été développés, des tests sérologiques ont été mis au point, et on dispose aujourd’hui de plusieurs vaccins. Ces avancées, qui devraient permettre de maîtriser la pandémie, ont été obtenues rapidement, même si cette durée d’un an peut sembler longue.
Certes, il n’existe pas encore de traitement spécifique pour le SARS-CoV-2, mais on a énormément appris, et vite, sur les aspects cliniques. La prise en charge des patients a énormément évoluée par rapport à ce qu’elle était il y a un an, quand on connaissait moins bien la maladie. On sait désormais quand utiliser les corticoïdes comme la dexaméthasone, comment traiter les formes graves en recourant à des prises en charge moins agressives que dans les premiers temps, etc. Les décès ont diminué en conséquence.
TC : En revanche, on a moins progressé sur la connaissance du virus lui-même et sa façon d’interagir avec le système immunitaire…
AG : Effectivement. Les réponses arriveront progressivement, dans un an, deux ans… Ce sont des recherches qui demandent énormément de temps, car il s’agit de virologie fondamentale.
Il faut d’abord être capable de reproduire en laboratoire la multiplication du SARS-CoV-2, sur des cellules en culture. Les outils existaient, mais il a fallu les adapter à ce nouveau coronavirus, ce qui a pris du temps. Une fois ces méthodes mises au point, les différents spécialistes peuvent commencer à mener leurs recherches : les immunologistes vont chercher à identifier les voies de l’immunité que le virus active ou inactive, les virologistes fondamentaux font faire produire des protéines virales modifiées afin d’étudier comment elles interagissent avec différents composés cellulaires tels que le récepteur ACE2, la « serrure » utilisée par le SARS-CoV-2 pour ouvrir un passage lui permettant d’entrer dans les cellules…
Une fois les premières données obtenues, il faut les valider, les confronter aux données des autres groupes de recherche… Certains travaux ont déjà généré des résultats. La glycoprotéine Spike a par exemple été caractérisée très rapidement (cette protéine présente en de nombreux exemplaires à la surface du virus interagit avec le récepteur cellulaire ACE2 et permet au SARS-CoV-2 d’entrer dans les cellules). Pourquoi ? Parce que l’on savait, d’après notre expérience avec les autres virus, que c’est la protéine qui produit les plus fortes réactions du système immunitaire. Elle est donc importante pour la mise au point de vaccins. Pour pouvoir lancer les recherches sur ce sujet, il était indispensable de connaître un certain nombre des caractéristiques de cette protéine.
TC : Quelles sont les prochaines étapes ?
AG : Les résultats qui vont être les plus intéressants sont les résultats sur la caractérisation des enzymes virales, qui vont être la polymérase et les protéases du virus. La première lui permet de recopier son matériel génétique, une étape indispensable à sa multiplication dans les cellules infectées. Les secondes sont des sortes de « ciseaux » qui lui servent à retailler les protéines qu’il fait produire à ces cellules, comme celles qui constituent sa capside virale (la coque qui protège le matériel génétique du virus). Cette étape est indispensable pour les rendre utilisables.
Polymérase et protéase sont des cibles très importantes pour les médicaments antiviraux. Les traitements anti-VIH contiennent des anti-protéases et des anti-transcriptase inverse (le nom de la polymérase du VIH). Pour mettre au point des antiviraux efficaces, il est important de bien connaître ces enzymes. Il faut d’abord être capable d’en comprendre la structure en trois dimensions, pour que les chimistes qui font du design de médicament puissent créer des molécules qui vont venir se « coller » sur les parties importantes de ces enzymes, les empêchant de fonctionner.
Ce n’est pas simple, car il faut, pour pouvoir les étudier, produire de grandes quantités de ces enzymes, avec un degré de pureté très élevé (afin de ne pas perturber les analyses très précises qui seront menées ensuite).
Un autre résultat attendu sont ceux des recherches sur les « vaccins universels ». L’idée serait de réussir à mettre au point des vaccins déclenchant la production d’anticorps neutralisants à large spectre (broadly neutralizing antibodies, ou bNAb). Ces anticorps cibleraient des motifs protéiques conservés à la surface de virus apparentés, ce qui les rendraient efficaces contre les différents variants en circulation. Des travaux sont menés depuis plusieurs années sur le VIH notamment.
Enfin, les gens qui étudient l’épidémiologie virale s’attendent à voir des variants plus adaptés à l’être humain émerger. En effet, on sait que quand un virus infecte un nouvel hôte, il met un certain temps à s’y adapter, mais finit généralement par le faire. Il perd alors en virulence. On connaît bien ces mécanismes pour le virus de la grippe : au bout d’un an ou deux, les virus responsables de pandémies de grippe s’atténuent et deviennent des virus de grippes épidémiques, revenant tous les hivers.
Pour l’instant, aucune atténuation de ce type n’a encore été observée pour le coronavirus. Ce n’est pas forcément surprenant, car contrairement au virus de la grippe, les coronavirus possèdent un mécanisme de correction des erreurs qui peuvent survenir lorsqu’ils recopient leur matériel génétique. Ils évoluent donc moins vite : l’émergence de variants a notamment été plus longue que dans le cas de la grippe. Dans leur cas, c’est la première fois que l’on assiste à ce processus, on ne sait donc pas combien de temps il prend.
TC : Les origines du virus restent également à élucider ?
AG : Oui. Si l’on est certain que le virus trouve son origine chez la chauve-souris, on ne sait toujours pas quel a été l’hôte intermédiaire (ou les hôtes intermédiaires) qui lui ont permis de passer de cet animal à l’être humain. On a pensé à un moment qu’il s’agissait du pangolin, mais cela s’est finalement avéré peu probable.
L’identification des hôtes intermédiaires est importante, car elle permet de comprendre les mécanismes qui ont menés à l’émergence du virus chez l’être humain, et donc à proposer des mesures pour éviter de nouvelles émergences. Il s’agit d’investigations très longues, qui nécessitent de mobiliser des naturalistes capables d’identifier les espèces asiatiques qui pourraient avoir été impliquées, de collecter des échantillons dans la faune sauvage, de les analyser, etc. Cela aussi demande beaucoup de temps.
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