La période actuelle est particulièrement propice aux rumeurs. Celles-ci, à l’origine, ne sont bien souvent que des informations non confirmées dont les médias sont friands.
A la Bourse des valeurs, où tout l’art consiste à anticiper, les rumeurs, qui ont pour but d’informer ou de désinformer, vont bon train. C’est un art puisque de nombreuses productions cinématographiques ont, de tout temps, exploité ce passage étrange de l’irrationnel au rationnel. Le Sucre, Les Grandes Familles, l’Argent des autres, Wall Street, ne sont que les exemples relativement récents qui me viennent à l’esprit. Donogoo Tonka, la pièce écrite par Jules Romains, capable de faire sortir une ville de l’illusion, avait enchanté mon adolescence, dans les années cinquante.
Chaque jour, des rumeurs sur les comptes de la Société Générale nécessitent des démentis et la mobilisation coûteuse des cellules de gestion de crise. Des afflux d’ordres de ventes détruisent de la valeur, mais permettent aussi à des « prédateurs » de déstabiliser l’entreprise, d’acheter à bon compte des actions décotées et de préparer les grandes manœuvres de demain dans tous les secteurs de l’activité économique.
Des lettres « confidentielles », à l’abonnement très élevé, proportionnel sans doute aux effets produits, exploitent habilement les rumeurs, les créent le cas échéant et savent donner aux lecteurs le sentiment d’avoir ainsi accès au petit cercle des « initiés ». Il est vrai que les rumeurs se développent d’autant plus efficacement, que l’information, la vraie, manque.
La campagne présidentielle aux Etats-Unis, dont les budgets de communication, destinés à propager les qualités des candidats, mais aussi les rumeurs, constitue aujourd’hui un cas d’école. Le doute semé sur la religion de Barack Obama, sur son deuxième prénom, Hussein, trouve nécessairement un écho sur des esprits simples, mal informés et surtout insuffisamment éduqués.
Le « bruit qui court » relève vite de la calomnie, du mensonge destiné à nuire à l’honneur et à la réputation d’un individu. Les sondages, et l’exploitation qui en est faite, constituent, dans les jours et les heures qui précédent une consultation électorale, une source de rumeurs illimitée. La rumeur est avant tout une information dont on ne peut pas vérifier l’exactitude.
Tout le monde a encore en tête l’histoire insensée de magasins tenus par des commerçants juifs du centre de la ville d’Orléans, où certains se déclaraient convaincus qu’il s’y pratiquait la « traite des blanches », dans les salons d’essayage. Les rumeurs sur la qualité des prestataires de services, médecins, restaurateurs, sont terriblement efficaces et tenaces.
Pour les spécialistes, bavards, indiscrets, il y en a, la bonne rumeur ne doit avoir aucun fondement ; si elle en a un, si elle est vérifiable, ce n’est plus une rumeur. L’épisode de Timisoara, à la fin de l’année 1990, a constitué un exemple de portée mondiale ahurissant. Les affaires judiciaires sont fertiles dans ce domaine : l’affaire Villemin, l’affaire Marie Besnard, l’affaire Dominici, ont donné lieu à des rumeurs qui ont la vie dure.
Le sida d’Isabelle Adjani appartient aux rumeurs bien tristes. La liaison de Bérégovoy avec Catherine Deneuve, propagée par des journalistes déçues, faisait partie des rumeurs plus drôles et plus flatteuses.
Le plus vieux média du monde a de beaux jours devant lui. Il ne se contente plus de gravir les étages, de nourrir les arrières-boutiques et d’animer les cafés du commerce, il a maintenant, avec Internet, un effet de levier mondial qui lui assure un bel avenir.
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