Hier matin, petit déjeuner autour de Jean Arthuis, ancien ministre de l’économie et des Finances, sénateur de la Mayenne, qui retrouvait à cette occasion ses camarades auditeurs de l’Institut des hautes études de défense nationale. Invité à parler de la globalisation de l’économie et des délocalisations, il a rappelé avec une forte conviction que pour protéger le modèle social français, il faut d’abord de la croissance, encore de la croissance, toujours de la croissance. C’est une évidence pour les entrepreneurs, un aspect seulement du problème pour une grande partie des fonctionnaires et un simple alibi de circonstance pour tous ceux qui ne cultivent que le corporatisme. « Notre modèle social et fiscal est à bout de souffle ». L’absence d’harmonisation fiscale à l’intérieur de l’Union européenne, l’affaiblit en entretenant le « dumping » et le nationalisme des Etats qui ramènent l’Europe plusieurs années en arrière. « Les Etats se font une concurrence farouche » ; les nouveaux membres se dotent de mécanismes fiscaux modernes, réactifs, alors que les pays fondateurs sont englués dans de vieilles réglementations mal ravaudées. Sur les effets de la globalisation, il a rappelé que les marchés financiers poussent aux délocalisations, saluées par les analystes, qui font monter les cours de bourse.
Jean Arthuis fait des propositions : 1° – La flexibilité, par une réforme du code du travail, est une impérieuse nécessité. 2° – Il faut taxer la consommation (souvent de produits importés) au lieu de taxer la production. Il est faux de dire que ce changement d’assiette serait inflationniste. Il plaide – je partage ce point de vue depuis longtemps – pour une TVA sociale, seul impôt à ses yeux qui, assis sur la consommation, soit adapté à la globalisation. Jean Arthuis considère que le Parlement n’exerce pas suffisamment son pouvoir de contrôle. Il n’est pas assez exigeant. « Quand l’Etat est impuissant, la démocratie est en danger. » Interrogé sur l’Inde, dont on parle beaucoup ces jours-ci, il a rappelé que chaque année, 300 000 ingénieurs sortent des écoles. Le pourcentage de « petits génies » est nécessairement supérieur à celui de notre pays ! Enfin, il déplore le discours convenu, selon lequel « tout va bien », qui endort la population et maintient en l’état les corporatismes syndicaux arque boutés sur des acquits sociaux que seule une croissance élevée pourrait justifier.
La Société française est bloquée à l’image d’une classe politique au sein de laquelle des hauts fonctionnaires constituent une sorte d’aristocratie. « La France est le seul pays où on peut être à la fois agent de l’Etat et homme politique ». A la sortie, l’assistance était satisfaite d’avoir retrouvé un « camarade-auditeur » tonique, bien décidé à faire entendre sa voix.
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