Partie VI : Une France de propriétaires
Chapitre 1 : L’engagement
A l’issue d’une année pendant laquelle tous les sujets étaient sources de querelles, Nicolas Sarkozy, porté par la majorité, remporta très nettement l’élection présidentielle le 6 mai 2007. Une convention UMP sur le logement avait adopté le 14 septembre 2006, un ensemble de mesures qui constituèrent les engagements du candidat dans ce domaine. Celui-ci pouvait se prévaloir du bilan des actions entreprises précédemment par Jean-Louis Borloo. En effet, l’année 2006 avait été une année de référence pour le logement. 430 000 mises en chantier et 565 000 permis de construire témoignaient d’un niveau d’activité qui n’avait pas été atteint depuis longtemps. Il faut dire que, de l’aveu même de son futur Premier ministre, François Fillon, le pays connaissait depuis deux ans, une « embellie économique et sociale ».
Parmi les engagements pris par le candidat Sarkozy, figuraient : Une application « crédible et ambitieuse » du droit opposable au logement récemment voté par le Parlement, dans un délai de cinq ans, la revalorisation de l’APL, la garantie des risques locatifs, un moratoire sur les loyers avec les bailleurs privés. Le nouveau président de la République ne manquait pas une occasion d’exprimer sa conviction que l’accession à la propriété changeait le comportement des Français qui, en devenant propriétaires de leur logement, respectaient leur quartier et avaient un plus grand sens de la responsabilité. Pour ce faire, il proposait la création d’un prêt foncier à taux zéro qui permettrait de ne payer le terrain qu’après avoir achevé le remboursement du bâti. Il souhaitait également que l’accès au crédit hypothécaire soit facilité pour ceux qui ne disposaient pas d’apport personnel et que la mobilité contrainte soit aidée par une exonération de droits de mutation sur les achats et ventes que celle-ci imposait. Pour Nicolas Sarkozy, l’objectif était de parvenir à ce que deux tiers des Français soient propriétaires. « Même en matière de logement, la France a besoin d’une rupture, parce que depuis tant d’année les problèmes se sont accumulés et parce qu’aujourd’hui les Français disent que cela ne peut pas durer ». Le futur président de la République veut « une politique de l’urbanisme qui soit moins frileuse, moins restrictive et moins malthusienne ».
La campagne présidentielle fut l’occasion d’un débat au cours duquel de nombreuses pistes de réflexion furent explorées. Ségolène Royal faisait du locatif social sa priorité. Elle s’engageait à construire 120 000 logements sociaux par an, à augmenter les allocations logement afin de limiter à 25% la part consacrée au logement dans le budget des familles aux revenus modestes et à ce que l’Etat se substitue aux maires qui refusaient d’appliquer la loi SRU. François Bayrou, quant à lui, mettait l’accent sur l’urgence qu’il y avait à « simplifier et stabiliser les législations et règlements, préalable à toute politique du logement ». Il proposait en particulier que tous les programmes immobiliers comprennent au moins 25% de leur surface en logements sociaux. Il proposait également que les aides à la pierre et incitations fiscales à l’investissement locatif soit réservées aux logements qui correspondent à « des besoins prioritaires et durables ».
Fondées sur la poursuite de la reprise de l’économie mondiale, les promesses de Nicolas Sarkozy ne tenaient pas compte de la montée des périls qui se dessinait aux Etats-Unis avec la crise dite des subprimes. Depuis quelques années, des crédits étaient en effet accordés aux ménages américains à revenus modestes pour financer l’acquisition de leur logement malgré des prix en hausse continuelle. Ces « prêts subprime », à taux généralement variable, étaient garantis par une hypothèque au profit d’organismes qui spéculaient sur l’augmentation de la valeur des biens. Ces organismes ne conservaient pas ces créances, elles étaient « titrisées » et noyées dans des instruments financiers qui se transmettaient sans que le bénéficiaire final sache ce que contenaient ces produits. Quand la bulle immobilière éclata, quand les emprunteurs ne furent plus en mesure de payer leurs échéances, de nombreux logements furent vendus aux enchères, les prix baissèrent considérablement et la valeur des créances également. A l’été 2007, plus d’un million d’américains avaient déjà perdu leur logement. Les difficultés des organismes de crédit hypothécaire américains provoquèrent une panique bancaire, une crise de liquidités, une crise boursière ; la suite est connue. Certains spécialistes reprochèrent alors à Nicolas Sarkozy de promouvoir en France, avec l’allongement du crédit hypothécaire et une politique d’accession de tous à la propriété, même sans apport personnel, une formule qui était en train de faire faillite aux Etats-Unis.
La politique du gouvernement était fondée sur une poursuite de la croissance qui devait relancer l’emploi. Le 10 juillet 2007, c’est dans une ambiance euphorique que la ministre de l’Economie présenta à l’Assemblée nationale la loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat, plus connue sous le nom de loi TEPA. Les dispositions qu’elle contenait, notamment celle relative au crédit d’impôt sur les intérêts qui devait permettre d’alléger l’effort des ménages pour devenir propriétaire, étaient destinées à « créer un choc de confiance au bénéfice de l’économie française ». L’objectif du gouvernement, était de créer les conditions d’un cercle vertueux à partir de l’idée que « travailler plus, permettait de gagner plus, ce qui relançait la croissance et par voie de conséquence créait plus d’emplois ». Le but affiché clairement était alors « le plein emploi en 2012 ».
En septembre 2007, le 68ème congrès de l’Union sociale pour l’habitat, réuni à Lyon, avait pour thème : « Répondre à des besoins reconnus par tous : nouvelles exigences, nouvelles ambitions ». Christine Boutin, ministre du Logement et de la Ville, et Fadela Amara, secrétaire d’Etat auprès de la ministre, s’installèrent place Bellecour pendant dix jours pour tenir des « Réunions de chantier » sous un grand chapiteau entouré d’éléments préfabriqués. Elles avaient pour mission de promouvoir le programme du nouveau président de la République et de rencontrer et convaincre les principaux acteurs de la construction de logements en France.
Christine Boutin, militante de la droite sociale, était connue pour ses positions chrétiennes les plus conservatrices, son opposition à l’avortement, au Pacte civil de solidarité (PACS). Fadela Amara, ancienne présidente de l’association « Ni putes, ni soumises », issue d’une famille algérienne, était une ancienne militante socialiste. Le moins qu’on puisse dire, c’est que cet « attelage » étonna. Leurs relations, parfois difficiles, ne furent pas surprenantes.
L’Union sociale pour l’habitat est une confédération qui regroupe cinq fédérations qui représentent environ 800 organismes HLM. 10 millions de personnes vivent dans les 4 millions de logements gérés par ces organismes qui ont pour mission de loger dans les meilleures conditions tous ceux qui ont des difficultés à se loger dans les conditions du marché. C’est dire la place de cette union dans le parc immobilier français.
Parmi les questions les plus âprement discutées au congrès de l’USH, il y avait la vente de 40 000 logements sociaux par an à leurs locataires. Le mouvement HLM, que représente l’Union sociale pour l’habitat, présidée par l’ancien ministre Michel Delebarre, était en désaccord avec le gouvernement sur ce point. Bien que les diverses composantes de l’USH n’aient pas le même objectif, le reproche qui était fait au nouveau gouvernement faisait l’unanimité. « Pourquoi enlever des logements sociaux, alors qu’il faudrait en ajouter » ? Cette vente massive va « tuer dans l’œuf l’idée même du droit au logement opposable ». Marie-Noëlle Lienemann, ancien ministre, présidente de la Fédération des coopératives HLM rappela qu’en 2000, 330 000 ménages aux revenus modestes accédaient à la propriété et qu’en 2006, il n’y en avait plus que 256 000. Les congressistes avaient la conviction que le logement social ne figurait pas dans les priorités du gouvernement qui se préparait à « privatiser l’habitat social » et à « se débarrasser d’un parc de mauvaise qualité ».
C’est à Vandœuvre-lès-Nancy, une commune de l’agglomération nancéienne qui bénéficiait d’un important programme de rénovation urbaine, que le nouveau chef de l’Etat prononça un important discours sur le logement le 11 décembre 2007. Les observateurs spécialisés furent quelque peu surpris d’entendre, sur ce sujet, un discours que certains qualifièrent « de gauche ». La détermination de Nicolas Sarkozy traduisait la volonté de rupture qu’il avait affichée pendant la campagne. Un extrait de ce discours, dans la préface de cet ouvrage, en témoigne. Il s’agissait bien, sur ce difficile sujet, de prendre date avec un discours fondateur, un discours de référence sur tous les aspects de la problématique.
Quand le chef de l’Etat déclare que « le logement social doit jouer un nouveau rôle d’intégration sociale », il s’engage et prend le risque qu’à l’heure du bilan, cinq années après, ses propos lui soient rappelés. La ministre du logement qui l’accompagnait déclara au Figaro, quelques jours plus tard, qu’elle se sentait renforcée dans sa responsabilité en entendant le président de la République « mettre en avant ses propositions pour résoudre la crise du logement » qu’elle qualifiait de « cause nationale ».
Le discours du président de la République contenait certes de vives critiques, des mots très forts, mais aussi – et surtout – des engagements et une volonté de mettre en œuvre une véritable politique du logement qui avait, trop longtemps, manqué dans le passé. Cette politique devait poursuivre et améliorer le Plan de cohésion sociale qui prévoyait déjà la construction de 500 000 logements sociaux en cinq ans, la reconquête de 100 000 logements vacants et la construction de 200 000 logements à loyers maîtrisés. Il fallait « relancer l’ascenseur social dans les HLM » et faire en sorte que le logement social, qui avait servi d’antichambre à l’accession à la propriété dans les années 60, retrouve sa vocation et soit mis à la disposition des plus démunis. Il avait trop souvent, avec la complicité des organismes HLM, été laissé à la disposition de locataires qui avaient bénéficié d’un « effet d’aubaine » indu.
Tel était, fin 2007, le plan du chef de l’Etat et de son gouvernement qui estimaient avoir les moyens de leur politique, une politique qui intègre enfin tous les aspects de ce vaste problème : mixité sociale, lutte contre les inégalités, chômage, environnement, qualité de la construction, urbanisme, etc.…
A l’occasion de ses vœux aux Français, le 31 décembre 2007, Nicolas Sarkozy surprit à nouveau son auditoire, et Edgar Morin en particulier, en évoquant son intention de conduire « une politique de civilisation ». Que pouvait signifier l’emploi de ce concept ? Le 8 janvier 2008, lors de sa première conférence de presse, le chef de l’Etat, explicita sa pensée. Le débat qui suivit fut vif, ironique, confus. Il apparut assez vite que le Président, ainsi que ceux qui le conseillent, étaient arrivés à la conclusion que le modèle social français issu du Conseil national de la Résistance, produit par les gaullistes et communistes réunis, avait fait son temps et que le moment était venu de le remplacer par un modèle mieux adapté aux temps nouveaux. Pour le chef de l’Etat, définir et conduire une « politique de civilisation », c’était « remettre l’homme au cœur de la politique, ré-humaniser la société, mettre le changement indispensable au service de l’homme ».
Il est certain qu’un malaise de civilisation caractérise la société française. Les meilleurs sociologues ont écrit sur ce constat. Diverses causes sont avancées : Les Français supportent particulièrement mal les inégalités ; le lien social se distend ; face aux forces du marché, les Français vivent mal la compétition permanente qui leur est imposée dans tous les domaines ; ne pas être le meilleur est ressenti comme un échec personnel ; ne pas être à la hauteur de la situation, mine de nombreux Français qui perdraient la confiance en soi. Le médiateur de la République, dans un entretien au journal « Le Monde », qualifiait la société française à cette date de « psychologiquement fatiguée ».
Le chef de l’Etat n’ignorait pas le renversement de tendance qui se dessinait aux Etats-Unis et le risque que la crise financière touchât également la France. Les clignotants commençaient à passer au rouge. A la Bourse, le début d’année fut catastrophique. Il devenait plus difficile d’emprunter et l’euro ne cessait de monter face au dollar. Dans les milieux économiques et financiers, l’inquiétude grandissait. L’immobilier, qui est souvent un bon baromètre de l’activité, commença à se contracter. Les ventes de logements neufs baissèrent de plus de 33% au deuxième trimestre de 2008 par rapport au deuxième trimestre de 2007. La Banque de France avait mis en garde depuis de nombreux mois : « Une hausse des prix de vente trop importante désolvabilise les candidats à l’achat d’un logement ». Les professionnels de l’immobilier, comme au début de chaque crise, se voulaient rassurants : « Les fondamentaux du marché sont bons. La situation en France n’est pas comparable à celle des Etats-Unis, de l’Espagne et du Royaume Uni. Il n’y a pas de subprimes en France, les banquiers ne prêtent pas inconsidérément ».
La ministre du Logement présenta en Conseil des ministres, le 28 juillet son projet de loi « de mobilisation pour le logement ». Loi « fourre-tout » s’il en est, son contenu, dès qu’il fut rendu public, suscita les plus grandes réserves. Pourquoi chasser des HLM les classes moyennes alors qu’elles ne peuvent trouver un autre logement correspondant à leurs ressources ? Pourquoi assouplir les dispositions de l’article 55 de la loi SRU, si ce n’est pour satisfaire les maires qui refusent l’obligation de construire 20% de logements sociaux dans leurs communes ? Pourquoi opposer Offices et Sociétés HLM en mutualisant leurs moyens financiers ?
Durant la semaine du 14 septembre 2008, le monde apprenait la faillite de Lehman Brothers que la banque centrale américaine, la Fed, avait décidé de ne pas sauver pour faire un exemple. La suite est connue. Un vent de panique submergea le monde économique et financier. Crise de liquidité, crise de confiance, krach boursier, firent craindre une crise systémique que les gouvernements et banques centrales eurent le plus grand mal à endiguer. La récession, commencée dès le début de l’année, ne pouvait être stoppée malgré les plans de relance financés par la dette qui furent énergiquement engagés pour éviter la catastrophe et maintenir en vie le système économique et financier.
Le chef de l’Etat, en déplacement à Toulon le 25 septembre, était très conscient de l’extrême gravité de la crise. Dans son discours, il prit solennellement un certain nombre d’engagements qui se révélèrent difficiles à tenir. Pour l’heure, il fallait rassurer les Français, il le fit. L’Etat serait là en cas de coup dur ! Le cercle qu’il avait voulu vertueux un an avant, avait toutes les chances de devenir vicieux avec une augmentation du chômage et un ralentissement de la croissance. Son discours, remarqué, fut un discours de vérité. Mais que faire ? Relancer, au risque de voir les comptes publics dérapés ? Augmenter les impôts pour rester « dans les clous » et respecter les dispositions du pacte de stabilité ? En aucun cas, la rigueur n’a jamais été, selon lui, la solution, mais réformer, agir « pour sortir de la crise encore plus forts ». Parmi les mesures d’urgence annoncées, le chef de l’Etat prit l’engagement de faire adopter et appliquer très vite des dispositions qui permettent de mener à bien les programmes immobiliers en cours et la libération de terrains appartenant au secteur public sur lesquels seront construits des logements qui, en augmentant l’offre, freineront la hausse des prix.
Une nouvelle fois, le logement était frappé de plein fouet par la crise. Pour soutenir l’activité et accessoirement faire baisser les prix de vente devenus fous, le gouvernement s’engagea à racheter aux promoteurs immobiliers des opérations représentant 30 000 logements dont les travaux n’avaient pas encore commencé faute de clients. Le 28 novembre 2008, le président de la République, accompagné de Christine Boutin, se rendit à Meaux sur le site d’une des opérations concernées par cette mesure de relance. Une nouvelle fois également, la mort de plusieurs SDF, en fin d’année, relança le débat sur les sans-abri et l’hébergement d’urgence, un problème que les pouvoirs publics ne parviennent toujours pas à résoudre malgré les bonnes intentions. Comment, après une année 2008 si difficile, mettre en œuvre la politique du logement promise, ce « grand chantier national » pour reprendre les mots du Premier ministre ?
La loi de Mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion présentée en Conseil des ministres au mois de juillet 2008 ne fut adoptée par les députés et sénateurs que le 19 février. Elle porte la date du 24 mars 2009. Entre-temps, à l’occasion du remaniement du 15 janvier 2009, la Ville ne figurait plus dans les attributions de la ministre du Logement. Considérée par ceux qui avaient exprimé de sérieuses réserves comme injuste et insuffisamment à la hauteur de la crise, la loi de Mobilisation pour le logement avait pour but de soutenir un secteur économique qui emploie 1,2 millions de Français et de tenter de combler le déficit de logements. Augmenter la construction de logements HLM, améliorer l’accession sociale à la propriété et renforcer la politique du 1% logement, étaient les éléments clés de cette loi qui ne comporte pas moins de 124 articles répartis en 7 chapitres. On retrouve dans cette loi tous les engagements du nouveau président de la République dans ce domaine : volonté d’améliorer la mobilité dans le parc social qui est inférieure à 10% par an, répondre aux critiques de la Cour des comptes sur les dysfonctionnements de la gouvernance du 1% Logement, améliorer le dispositif du Pass Foncier, améliorer les rapports entre propriétaires et locataires, transformer la convention globale de patrimoine en convention d’utilité sociale (CUS) et, dans la perspective d’une réforme des collectivités territoriales, modifier la répartition des compétences. C’était en effet un « grand chantier national ».
Après les élections européennes de 2009, un jeune député UMP, Benoist Apparu, remplaça la ministre du Logement, Christine Boutin, avec le titre de secrétaire d’Etat, chargé du Logement et de l’Urbanisme, auprès de Jean-Louis Borloo, ministre d’Etat, ministre de l’Ecologie, de l’Energie, du Développement durable et de la Mer, chargé des Technologies vertes et des Négociations sur le climat. C’est lui qui aura la tâche de mettre en œuvre la loi de Mobilisation pour le Logement.
Peu de temps après sa nomination, Benoist Apparu se rendit à Toulouse où se tenait le 15 septembre 2009 le congrès de l’Union Sociale pour l’Habitat avec pour thème : « Logement et société : les enseignements de la crise ». Le ministre devait y présenter sa vision des HLM au moment où ce Mouvement s’interrogeait sur l’application de la loi Boutin et ce qu’il considérait être une nouvelle étape dans le désengagement de l’Etat. Le nouveau ministre, porteur de la pensée du gouvernement Fillon, expliqua aux congressistes que dans l’avenir, les « Offices » exerceraient un rôle de « solidarité de proximité » et les « Sociétés » constitueraient des « groupes d’envergure interrégionale ».
Le gouvernement voulait redéfinir les périmètres de ces supports en confiant le rôle social aux Offices et la fonction économique aux Sociétés. La réaction des acteurs du Mouvement fut vive. Au moment où la Fondation Abbé Pierre publiait son rapport 2009 qui faisait état de 3,5 millions de personnes mal-logées ou non logées auxquelles il faut ajouter 6,5 million de personnes en situation de grande fragilité de logement à court ou moyen terme, les intentions du gouvernement, qui n’avait pas consulté l’USH avant d’annoncer ses décisions, furent très mal accueillies.
Il n’a été construit que 380 000 logements en 2008, après les 430 000 logements construits en 2007 et il y a tout lieu de penser que la production baissera encore en 2009 alors que les besoins sont toujours évalués à 500 000 logements. Les organismes HLM avaient de bonnes raisons de penser que le gouvernement avait fait le choix de privilégier le logement intermédiaire et non le logement social dans le budget du logement qui est en baisse de 7% pour l’année 2009. Certains membres de l’USH, à la tribune, n’hésitèrent pas à parler de « loi scélérate » quand ils évoquèrent la loi de « Mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion ». La fin du droit au maintien dans les lieux pourrait s’avérer dramatique pour les plus âgés, l’abaissement des plafonds de ressources va, selon eux, exclure des milliers de personnes qui n’ont pas d’autres solutions dans un marché de pénurie. Le « siphonage » du 1%, la mise sous tutelle des organismes HLM et la réduction des délais d’expulsion sont autant de décisions révoltantes pour un mouvement social qui entend résister et réclame une autre politique du logement. Malgré les contraintes budgétaires, le gouvernement s’est pourtant engagé à injecter 350 millions supplémentaires pour relancer des opérations de construction bloquées en raison de l’augmentation du coût des travaux.
Chapitre 2 : « Les Français disent que cela ne peut pas durer »
Trois années après le discours de Vandoeuvre-lès-Nancy, les Français n’ont pas oublié les propos du chef de l’Etat. La problématique qu’il avait exposée et les solutions mises en œuvre par son gouvernement ne semblent pas avoir fait évoluer significativement la situation du logement en France. 33 organismes et associations, acteurs de la construction, décidèrent de se réunir en « Etats Généraux du Logement » le 4 mai 2010 à la Maison de la Mutualité à Paris. Des organismes aussi différents que la Fédération des promoteurs immobiliers de France et les associations de Maires de France, la Fondation de l’Abbé Pierre et les syndicats, l’Union sociale pour l’habitat et la Fédération Française du Bâtiment, mirent en commun leurs capacités d’expertise et de réflexion.
Quinze propositions furent présentées au ministre Benoist Apparu. Elles constituaient ce que pourrait être le socle d’un véritable Service d’Intérêt Général du Logement et les bases d’une refonte de la politique de l’habitat : réaffirmer le rôle de l’Etat, un rôle de stratège, et faire émerger au plan local un chef de file des politiques du logement dans le cadre d’un « pacte de responsabilité pour un Service d’intérêt général du logement » ; mettre en place des moyens de connaissance des besoins en logement et des prix pour réguler les marchés et anticiper la demande ; Associer les parties prenantes (habitants et acteurs locaux de l’habitat ) à la décision publique et les mobiliser pour la mise en œuvre ; consacrer 2% du PIB au logement dans le cadre d’un programme pluriannuel ; optimiser l’utilisation des sols pour l’offre de logements et la mixité sociale ; trouver un équilibre entre propriétaires et intérêt général, sans spoliation ni enrichissement sans cause, c’est-à-dire réformer la fiscalité en la rendant plus dissuasive sur la rétention et plus incitative sur la construction ; disposer d’une offre locative sociale suffisante au moyen d’un plan exceptionnel pour rattraper le retard ; moduler les aides à l’investissement locatif privé en fonction des contreparties afin de limiter les effets d’aubaine et améliorer la visibilité des investisseurs ; relancer l’accession à la propriété pour les ménages à revenus modestes avec des aides sous condition de plafonds de prix de ressources et de sécurisation ; promouvoir une offre locative privé au moyen du conventionnement et d’une amplification de la rénovation urbaine ; rénover la gestion des copropriétés ; favoriser les initiatives locales dans l’élaboration et la coordination des documents d’urbanisme, assurer une répartition des logements conforme à la mixité sociale, promouvoir la qualité environnementale et maîtriser leurs coûts d’usage ; réévaluer les aides à la personne, tenir compte d’un taux d’effort maximal incluant le logement et les charges ; sécuriser les parcours de vie des locataires et des accédants, aider les plus fragiles, prévenir et mieux gérer les expulsions ; mettre en œuvre des solutions adaptées aux jeunes tant du point de vue de l’accès au logement que de la solvabilisation.
Ces Etats Généraux du Logement constituaient une démarche inédite destinée à faciliter l’élaboration d’une nouvelle politique du logement. Ces 15 propositions étaient autant de « pistes de travail pour une remise à plat des dispositifs actuels, et pour bâtir ensemble l’architecture d’une nouvelle politique à la fois ambitieuse et réaliste ». Elles partaient du constat que le logement est un bien de première nécessité. C’est un puissant vecteur d’aménagement et de développement économique et social (23% du PIB en 2008). En 2010, les dépenses consacrées au logement atteignent près de 460 milliards d’euros. Le logement est plus que jamais une préoccupation majeure des Français. La charge financière est très lourde. Elle représente pour les ménages près du quart du revenu disponible, alors qu’elle n’était que de 18% en 1984. Les participants aux « Etats Généraux du Logement » firent le constat que « le logement ne répond plus, aujourd’hui, aux fondements de notre République : la crise du logement constitue une crise de société majeure ». « Cette crise du logement provient principalement d’un défaut d’anticipation des besoins, de l’insuffisance globale de l’offre de logements, et de la divergence constatée depuis dix ans entre l’augmentation des prix et celle des revenus. Trente-trois ans après la dernière réforme d’ensemble de la politique du logement, force est de constater que cette politique est largement inadaptée aux enjeux de la société d’aujourd’hui et de demain, et ce, malgré une intense production législative.
Reconduit dans ses fonctions de Premier ministre après un remaniement annoncé de nombreux mois à l’avance, François Fillon évoqua assez longuement le problème du logement dans le discours de politique générale qu’il prononça le 24 novembre 2010. Il le fit en ces termes :
« Chacun sait, mesdames et messieurs les députés, que pour les familles, et notamment pour les classes moyennes, le logement constitue la première des dépenses. Depuis vingt ans, la contraction du marché de l’immobilier a fait bondir les prix. Il faut donc continuer de construire, de développer l’offre, de renforcer la transparence de ce marché. Avec 120 000 logements sociaux en 2009, jamais un gouvernement n’a fait autant !
Jamais, jamais ! Jamais non plus, nous n’avons autant fait pour l’accession à la propriété qu’avec le prêt à taux zéro renforcé qui sera mis en place au 1er janvier.
Nous allons renforcer notre politique de la ville, repenser et resocialiser les quartiers difficiles avec l’appui du monde associatif, tisser les liens du Grand Paris, poursuivre nos efforts sur l’hébergement d’urgence et sur l’accès au logement. Maurice Leroy, Benoist Apparu, Philippe Richert ont pour mission de prolonger le Plan de rénovation urbaine en ciblant les opérations les plus urgentes, et en assumant des choix clairs, à l’opposé de la tentation du saupoudrage. Comment aussi ne pas voir que nos réglementations pèsent par leur complexité même ? Et c’est particulièrement vrai en matière d’urbanisme. La sédimentation bureaucratique des textes et des procédures gagne si l’on en prend garde. Reprenons ensemble les chantiers de la simplification du droit et des procédures… »
Dans le nouveau gouvernement, Nathalie Kosciusko-Morizet a succédé à Jean-Louis Borloo dans les fonctions de ministre de l’écologie, du développement durable, du transport et du logement. Le secrétaire d’Etat en charge du logement, Benoist Apparu, est rattaché à son ministère. C’est un député du « Nouveau centre », maire de Blois, Maurice Leroy, qui a hérité du ministère de la Ville.
Dans les jours qui ont suivi son discours de politique générale, le Premier ministre demanda aux préfets d’améliorer la transparence dans l’attribution des logements sociaux. Dans sa lettre, François Fillon rappelait aux préfets la priorité que le gouvernement accordait à l’accès au logement dans le cadre du « Chantier national prioritaire 2008-2009 ». Il faut dire que le maintien de trop nombreuses familles aisées dans des logements sociaux avait quelque chose de choquant. L’Union sociale pour l’habitat contesta les chiffres qui circulaient sur ce sujet depuis longtemps.
Au début de l’année 2011, le Premier ministre lança, comme prévu, le PTZ+, le nouveau prêt à taux zéro. « Une France de propriétaires »¸dit-il, « est plus que jamais l’objectif du gouvernement ». C’est une aspiration profonde des classes moyennes qu’il faut satisfaire malgré les contraintes budgétaires. Une enveloppe de 2,6 milliards d’euros par an a été prévue pour financer le PTZ+ qui regroupe l’ancien prêt à taux zéro, le crédit d’impôt sur les intérêts d’emprunt et le « Pass foncier » qui ont coûté cher à l’Etat. En lançant officiellement ce nouveau prêt, le lundi 17 janvier en Seine-Saint-Denis, le Premier ministre affirma sa conviction que « cette réforme va permettre d’augmenter à la fois le nombre de propriétaires et plus largement la solvabilité des ménages ».
Le Premier ministre avait sur son bureau la 16ème édition du rapport annuel de la Fondation Abbé Pierre sur le mal logement. La couverture noire de ce rapport était destinée, selon Raymond Etienne, le président de la Fondation, à « symboliser l’état de faiblesse dans lequel se trouvent tant de familles, victimes d’une insuffisance, voire d’une inertie politique de trente ans ». Ce rapport est en effet un cri d’alarme sur le nombre croissant de Français en situation de mal logement ou de fragilité et de précarité. Le rapport estime à au moins dix millions le nombre de personnes qui subissent les conséquences de la crise du logement et précise que cette population a tendance à s’élargir à des jeunes, des femmes seules avec enfants, qui ne parviennent plus à accéder à un logement et à s’y maintenir. La Fondation reproche au gouvernement de se désengager de l’investissement public sur le logement pour des raisons à la fois de rigueur budgétaire, mais aussi d’idéologie en ne favorisant que l’accession à la propriété pourtant discutable et qui trop souvent fragilise encore un peu plus les ménages les plus vulnérables.
Dans le constat que fait la Fondation, le décrochage entre l’augmentation régulière du coût du logement et les revenus creuse les inégalités et aboutit pour certains à une part des revenus consacrés au logement qui atteint 40%. Dans le même temps, « l’Etat se dérobe » et se désengage de sa mission de solidarité en la laissant se privatiser. Le fait que l’aide à l’investissement locatif privé soit deux fois supérieure à celle du logement social, confirme, selon la Fondation, la nature d’une politique qui favorise les plus aisés au détriment des plus modestes. En un mot, c’est une politique du logement injuste et insuffisamment protectrice qui n’appelle pas de « simples corrections ou ajustements, mais une véritable remise à plat qui ne semble pas inscrite à l’agenda politique ». La Fondation peut difficilement être plus claire et plus sévère quand, dans son rapport, elle emploie les termes de « déni », « d’échec », pour qualifier la situation du logement dans notre pays. « Quinze ans d’interpellations, de propositions, quinze ans de réformes, de lois, de mesures », n’ont en rien amélioré une situation qui se dégrade. « Le logement est toujours plus cher dans les zones tendues, les protections de moins en moins efficaces », alors que chez nos voisins allemands, « les charges liées au logement sont stables, la qualité des logements est supérieure et la protection des locataires bien plus élevée ».
La Fondation considère que dans ces conditions, le moment est venu de faire des propositions et de « sonner l’heure d’une mobilisation générale pour le logement ». Le rapport se termine donc par quatre « mots d’ordre » qui ouvrent chacun un ensemble de « chantiers de réflexion ». Il précise que les mots d’ordre ont pour ambition d’ouvrir des voies et les chantiers de réflexion ont pour vocation de faire partager l’analyse et d’élaborer des solutions. Les mots d’ordre sont les suivants : 1. « Produire/capter massivement et sans délais des logements, car chacun doit pouvoir être logé dignement ». 2. « Maîtriser les prix et réguler les marchés, car le logement n’est pas un bien comme les autres ». 3. « Construire une ville de qualité, équitable et durable : un impératif pour vivre ensemble ». 4. « Combattre et prévenir les facteurs d’exclusion et d’inégalités pour en finir avec le mal-logement ». Dans sa conclusion, le rapport insiste sur l’urgence et la « nécessité d’agir en profondeur sur les causes de la pénurie et du mal logement ».
La Fondation Abbé Pierre n’était pas la seule à pousser un cri d’alarme. L’opposition et un certain nombre d’organisations professionnelles étaient en désaccord profond avec la politique du gouvernement. Pour eux, la priorité reste le logement social, l’application du droit au logement opposable, l’hébergement d’urgence et la fabrication de terrains à bâtir, ce goulet d’étranglement qui entretient la pénurie depuis tant d’années. Il est exact qu’à cette date, il manquait 800 000 logements en France pour appliquer le DALO. La lettre aux préfets, au début de l’hiver, est certes volontariste, mais sera-t-elle suffisante pour faire face aux besoins ? Rien n’est moins sûr, d’autant plus que le gouvernement et le mouvement HLM n’ont pas la même conception de la vocation des bailleurs sociaux. L’un considère que ceux-ci ont le devoir de loger les ménages les plus modestes et les autres privilégient la mixité sociale. Ce n’est pas nouveau !
Etre ministre du Logement dans ce contexte, n’est pas tâche facile. Le secrétaire d’Etat, Benoist Apparu conteste le constat. Il affirme par exemple qu’en ce qui concerne le respect du quota de 20% de logements sociaux dans les villes de plus de 3 500 habitants, « le bilan de cette année est exceptionnel ». C’est peut être le cas en Ile-de-France, mais il ne peut faire autrement que de reconnaître que « certaines villes refusent d’appliquer la loi notamment dans des zones tendues où le besoin de logements sociaux est important ». « Je n’exclus pas de proposer d’augmenter les sanctions pour les villes qui refusent d’appliquer la loi SRU », concède-t-il. La Fondation Abbé Pierre demande que le montant des pénalités soit triplé !
Un an avant les prochaines consultations électorales, présidentielle et législatives, les partis politiques commencent à être interrogés sur tous les sujets et notamment sur la question du logement des Français. Un sondage réalisé en avril 2011 par TNS Sofres pour l’Union sociale pour l’habitat a mis en évidence le sentiment d’inquiétude que suscite le poids des dépenses liées au logement. Pour une importante majorité de Français( 82%), trouver un logement est difficile. Si la difficulté à se loger arrive en troisième position dans l’ordre des problèmes auxquels sont confrontés nos concitoyens, après l’emploi et le pouvoir d’achat, ce problème est plus préoccupant que l’environnement, la sécurité et la santé. Parmi les sujets d’inquiétude et les vœux des Français interrogés, figurent à une très grande majorité (84%) le constat que les responsables politiques ne s’occupent pas suffisamment des problèmes de logement et le souhait que ce problème soit considéré comme une des priorités nationales par la prochaine majorité. Ce sondage confirmait, s’il en était besoin, ce que révélait le Baromètre d’image du logement social peu de temps avant. Près d’un Français sur deux craint d’avoir un jour besoin d’un logement social.
Sur la base de ces enquêtes approfondies, les très nombreuses (33) organisations membres des Etats Généraux du Logement se réunirent à nouveau le 8 juin 2011 au Théâtre du Rond-Point avec le sentiment de représenter une force de proposition sans précédent qui ne pouvait être comparée ni à « une action revendicative, ni à une contribution d’experts ». Les organisateurs de ces « Etats généraux » avaient identifié cinq mutations qui justifiaient que les « besoins en logement soient repensés » : l’évolution de la démographie et du modèle familial ; l’accroissement de toutes les formes d’inégalité (économiques, sociales, générationnelles ; une décentralisation inaboutie et encore trop confuse ; la nécessité de repenser l’urbanisme pour tenir compte du développement durable ; le besoin croissant d’une démocratie plus participative.
Pour « rebâtir une politique ambitieuse », les participants définirent « trois grands objectifs susceptibles de recueillir un large consensus » : permettre à tous les Français de se loger dans des conditions décentes, ce qui suppose une offre suffisante adaptée à des besoins diversifiés ; promouvoir un « vivre ensemble » intégrant mixité et diversité sociale et urbaine ; organiser une dépense publique et une gouvernance adaptées et efficaces. Derrière ces objectifs, les organisateurs réclament un « Pacte de responsabilité » entre l’Etat, les collectivités territoriales, les opérateurs, les partenaires sociaux, les associations et les habitants. Il ne pourra, selon eux, y avoir une véritable politique de l’habitat, si la question foncière n’est pas « prise à bras le corps », si « la dépense de logement n’est pas mise en adéquation avec les revenus des ménages » et si « l’effort public en faveur du logement est inférieur à 2% du PIB de manière pérenne et stable ».
Seulement voilà, la crise dans laquelle le monde a été plongé en 2007 est entrée dans une nouvelle phase. En septembre 2008, après la faillite de Lehman Brothers, la France, comme la plupart des Etats, a relancé son économie en s’endettant et fait tout ce qu’elle pouvait pour sauver son système bancaire. La dette est passée de 1211,6 milliards d’euros fin 2007 à 1591,2 milliards fin 2010 et à près de 1700 milliards à la fin de l’année 2011. Les peuples, auxquels les vertus du libéralisme et du monétarisme avaient été enseignées depuis plusieurs décennies, découvraient qu’ils avaient besoin d’un Etat fort, capable de les protéger en cas de coup dur. (cf le discours du Président de la République prononcé à Toulon le 25 septembre 2008). Le coup dur survenait au moment où on s’y attendait le moins. L’économie mondiale était déstabilisée et, nous disait-on, peut-être sur le point de sombrer. L’endettement massif des Etats avait permis, dans un premier temps, de masquer la gravité de la crise et de retarder le blocage.
Trois ans après, ces Etats surendettés sont dans le collimateur des agences de notation qui conseillent les investisseurs. La confiance faisant défaut, les taux d’intérêts augmentant et la croissance stagnant, les-dits Etats ne peuvent plus emprunter comme ils le faisaient. Pour conserver leurs précieuses notes et des taux d’intérêts supportables, les Etats multiplient les plans de rigueur et s’engagent dans un cercle qu’ils savent être vicieux et susceptible de conduire, faute de croissance, à la récession.
Cette nouvelle forme d’une même crise, devenue celle de la dette, notamment en Europe, a inévitablement des conséquences sur l’économie réelle et la cohésion sociale. Il est permis de se demander pourquoi les agences de notation, qui n’avaient pas vu venir la crise des subprimes en 2007 et la crise des dettes souveraines, prennent ainsi le risque de plonger le monde dans une crise mondiale qui a fait dire à la chancelière allemande Angela Merkel, au début du mois de novembre 2011, lors du congrès de la CDU, que « L’Europe vit l’une des heures les plus difficiles depuis la seconde guerre mondiale, peut être même son heure la plus difficile ».
En sauvant provisoirement les banques, les dirigeants politiques ont pris le risque de mettre les Etats en grande difficulté. Avaient-ils le choix quand ils ont décidé des plans de relance qui ont creusé les déficits ? La réponse est non. Comment sortir de cette situation sans fabriquer de la monnaie, sans récession et sans provoquer des émeutes sociales ? Telle est la difficile question à laquelle son confrontés tous les gouvernements occidentaux en cette fin d’année 2011. Les peuples ont conscience que les promesses, les engagements, les bonnes intentions, les réunions du G20 ne peuvent apporter à court terme de solution. La phase d’assainissement sera longue, douloureuse pour les populations et difficile à gérer sur le plan politique.
Chapitre 3 : Cent jours avant la présidentielle
Comment, dans ces conditions, rebâtir une politique du logement qui réponde aux objectifs définis par les « Etats Généraux du Logement ? L’Etat doit réduire les dépenses publiques, toutes les dépenses publiques. L’Etat doit réduire son recours à l’emprunt pour financer son déficit. Il va falloir faire preuve de beaucoup d’imagination. C’est la raison d’être des partis politiques qui planchent sur le sujet à la veille des prochaines échéances électorales.
Le parti du Président persiste et signe. « Faire de la France un pays de propriétaires », demeure l’ambition et l’objectif du chef de l’Etat. Des sondages récents (IFOP pour Explorimmo et IPSOS pour ORPI) montrent que « le rêve des Français » est actuellement considéré comme inaccessible par nombre de nos concitoyens. Inaccessible pour des raisons financières. Est-il raisonnable, dans un environnement de crise aussi angoissant, de s’endetter pour trente ans ? Inaccessible en raison de la hausse des prix de l’immobilier dans les grandes villes. Inaccessible, enfin, parce que les Français ont peur de l’avenir et ce ne sont pas les propos de la chancelière allemande qui sont susceptibles de les rassurer.
Une convention UMP sur le logement s’est tenue le 15 novembre 2011 dans les locaux de l’Assemblée nationale rue de l’Université. Les idées émises tournaient autour d’un même objectif : Puisque l’Etat n’a plus les moyens de ses ambitions, il faut innover et financer le logement autrement. Donner un « Droit à l’achat » aux locataires de logements sociaux, par exemple, concilierait à la fois l’objectif de faciliter l’accession à la propriété et allégerait l’effort de l’Etat dans la mesure où le produit de la vente serait affecté à la construction de nouveaux logements sociaux. La vente de logements HLM aux locataires n’est pas une idée neuve, mais elle n’a pas eu beaucoup de succès. 5000 ventes par an, c’est-à-dire 0,1% du parc, alors que 40 000 ventes étaient espérées. C’est peu, il faut dire que les bailleurs sociaux n’ont pas fait preuve de beaucoup d’enthousiasme dans ce domaine. Les membres de l’UMP cherchent donc à contourner ce qu’ils estiment être de l’obstruction, en donnant au locataire un « droit » assorti d’un avantage financier substantiel sous forme d’une décote de l’ordre de 35% du prix du marché et une majoration du prêt à taux zéro. Cette proposition peut-elle être de nature à provoquer un « choc de l’offre » face à une politique de soutien de la demande que prônerait l’opposition socialiste ? L’avenir le dira !
Ce n’est pas la seule proposition dégagée par la convention UMP. Mal à l’aise avec la loi SRU qui impose 20% de logements sociaux dans les communes de plus de 2 000 habitants, le parti du Président cherche là encore, à contourner la difficulté et le mécontentement de nombre de ses élus en affirmant que « Ce n’est pas le logement qui est social, mais la personne qui y habite ». Il fallait y penser et oser le truisme pour demander une adaptation de la loi et permettre ainsi à l’accession sociale à la propriété d’être prise en compte dans le calcul des 20% de logements sociaux.
Le Président sortant, lors du sommet social de janvier, a révélé ses intentions dans le domaine du logement. Contraint budgétairement, il a évoqué cependant des « mesures extrêmement puissantes ». Pour raccourcir les délais d’instruction des permis de construire, il souhaite que le gouvernement limite les possibilités de recours qui ont trop souvent donné lieu à des abus de procédure. Il envisage par ailleurs que l’Etat, dans certains cas, ait la possibilité de vendre des terrains qui lui appartiennent non seulement au plus offrant, mais aussi au promoteur qui s’engagerait à construire des logements à des prix inférieurs à ceux du marché. Le chef de l’Etat est conscient que l’offre de logements en France est insuffisante et que, par voie de conséquence, la hausse des prix est insupportable. Pour maintenir la production annuelle de logements neufs à plus de 400 000, il faut en effet des « mesures puissantes » et une volonté politique dans la durée. Augmenter la constructibilité, la densité, dans les zones tendues, pourrait faire partie de ces mesures.
A la fin de l’année 2011, les propositions du candidat socialiste n’étaient pas encore connues. Les observateurs ne disposaient que des déclarations de la première secrétaire et du candidat lors des Etats Généraux du Logement. L’entourage de Martine Aubry assurait que celle-ci avait la conviction qu’un changement radical de cap était nécessaire. Il était possible « d’assurer à chacun un logement décent, à un coût abordable, de réussir la mixité sociale dans nos villes et le renouvellement urbain, d’engager la mutation écologique de l’habitat, de soutenir le pouvoir d’achat en stoppant la dérive des prix, des loyers et des charges, de relancer le parcours résidentiel des couches populaires. Ce sont autant d’exigences que nous portons collectivement ». Elle ajoutait « qu’avec de l’imagination, de l’audace et de la volonté », il était possible de changer la vie des Français à la condition de faire du logement une priorité absolue des politiques publiques. Plus précise, elle s’engageait, en cas de victoire de la gauche, à « redéployer les produits de défiscalisation vers l’aide à la pierre pour le logement social avec pour objectif d’en construire 150 000 chaque année aux normes BBC. En même temps, il faudrait renforcer la loi SRU et instaurer une règle qui favorisera la mixité sociale, toute parcelle devant avoir, comme à Lille, des logements sociaux, des logements en accession sociale à la propriété et des logements libres. Ensuite, il faudrait faire voter une loi foncière pour à la fois éviter la spéculation sur les terrains et lutter contre la rente foncière. Enfin, il faudrait agir sur le marché en encadrant les loyers à la première location ou à la location en particulier dans les zones en tension ». Cette nouvelle politique du logement peut contribuer à relancer la croissance, en soutenant le pouvoir d’achat des français, en créant des emplois et ainsi redonner confiance à nos concitoyens en l’avenir et dans les valeurs de la République.
Les socialistes considèrent qu’une nouvelle politique du logement peut contribuer à relancer la croissance, en soutenant le pouvoir d’achat des Français et en créant des emplois ; c’est-à-dire contribuer à retrouver un cercle vertueux. Le programme socialiste préconise la production d’une « offre de logements accessibles et diversifiés adaptée aux besoins », dont 150 000 logements sociaux par an. Les socialistes envisagent également « d’encadrer le parc locatif privé. L’objectif est de faire en sorte, qu’à terme, la part du logement dans les budgets des ménages français ne soit plus que de 25 % ».
Parmi les pistes étudiées, il y a la rénovation de la location par la fiscalité. L’idée est de permettre aux locataires dans le parc privé, de déduire le leurs revenus imposables, dans des conditions de plafond de ressources à déterminer, une partie des frais de location. Le surplus de pouvoir d’achat soutiendrait la consommation et l’épargne. Cette « niche sociale » est chiffrée à environ 6 milliards d’euros par an. Dans l’esprit des auteurs de cette idée, elle remplacerait pour partie les 14 milliards de niches fiscales accordés aux investisseurs qui achètent pour louer.
Devant les congressistes du mouvement HLM réunis à Bordeaux le 29 septembre 2011, la première secrétaire avait précisé : « Nous pouvons faire une belle politique du logement dans notre pays. On ne doit pas dire qu’on est en période de crise et qu’on ne peut pas financer. En redistribuant autrement les quinze milliards de niches fiscales consacrés au logement, on peut faire tout ce qu’on souhaite. » Elle avait aussi plaidé pour une stricte application de la loi SRU, qui instaure le principe de 20% de logements sociaux par commune. « Les sanctions sont trop faibles aujourd’hui », a-t-elle dit. Il faut également construire beaucoup plus de logements HLM. Les congressistes ne pouvaient qu’applaudir aux intentions de la candidate aux primaires citoyennes !
De son coté, François Hollande avait assuré les congressistes qu’il entendait mener, s’il était élu, une politique du logement « ambitieuse et volontariste pour répondre aux besoins des millions de Français confrontés à une grave crise du logement ». Le candidat désigné par la Primaire estimait que mettre sur le marché « un million de logements nouveaux » devrait être « l’objectif du prochain mandat » et plaidait pour un encadrement des loyers lors de la première mise en location ou relocation. Participant à la table ronde consacrée au thème « le logement cher, une fatalité ? », François Hollande avait déclaré que le logement devait « être un engagement majeur pour les cinq prochaines années ». S’il était élu en 2012, il y aurait « une loi de programmation sur 5 ans, au lendemain de l’élection présidentielle. Cette loi prendrait « en compte tous les éléments du dossier: foncier, aides fiscales, logements sociaux et documents d’urbanisme pour qu’il y ait davantage de logements et surtout de meilleurs logements ». Pour augmenter le nombre de logements sociaux, il proposerait de faire passer les sommes consacrées par l’Etat à la pierre pour le logement social de « 500 millions d’euros » aujourd’hui à « 800 millions, voire à un milliard d’euros ». « Si j’étais président », a-t-il dit à la presse, « je demanderais qu’une disposition législative soit prise (…) pour que lors de la première mise en location du logement et lorsqu’il y a relocation du logement, il puisse y avoir encadrement du loyer en fonction des prix pratiqués dans le quartier considéré ». M. Hollande voulait aussi « recycler une partie des aides fiscales, qui sont aujourd’hui dépensées au bénéfice de propriétaires qui ne font pas forcément l’effort souhaité ». Une partie de ces aides devraient aller à la construction de logements sociaux plus nombreux ou de logements privés, selon lui. Il a également adhéré à la proposition d’une loi d’orientation foncière pour éviter qu’un certain nombre de propriétaires de terrains bénéficie d’une rente et récupérer ainsi une part des ressources dégagées pour l’affecter à la construction de logements ». La proposition la plus innovante concernait le transfert de nouvelles compétences aux régions et parmi celles-ci, le logement. Pour financer cette nouvelle étape de décentralisation, François Hollande avance l’idée d’affecter une part de l’impôt perçu par l’Etat aux collectivités territoriales et de relever le plafond des livrets d’épargne.
Quand débute l’année 2012, la France se trouve dans une situation très particulière qui n’a pas d’équivalent dans les pays développés. La valeur des biens immobiliers est déconnectée des loyers. La première phase de la crise, en 2008, avait stoppé la hausse des prix dans tous les pays sauf en France. Ceux-ci ont continué à augmenter comme si de rien n’était, au point d’atteindre une progression de l’ordre de 130% depuis 2000. Cette déconnexion des prix et revenus, est une anomalie par rapport à une règle que les experts appellent « le tunnel de Friggit ». Les professionnels avancent un certain nombre d’explications qui s’additionnent. : La pénurie, la baisse des taux des crédits, l’allongement de la durée des prêts, la forte demande étrangère, la décohabitation familiale, les aides publiques, les incitations fiscales à l’investissement locatif. Tout se passe comme si les Français les plus aisés avaient la profonde conviction que les prix seront encore plus élevés demain et que « les arbres peuvent monter jusqu’au ciel ». Rien n’est moins sûr. Cette anomalie, cette exception française, est peut être une bulle qui, en éclatant, aurait des conséquences graves sur l’ensemble de l’économie française.
En effet, le patrimoine des Français, composé en grande partie de biens immobiliers (62%), aurait doublé en dix ans. Il s’élève d’après l’INSEE à 10 000 milliards d’euros l’équivalent de 5 années de PIB pour la France. Ce patrimoine est composé pour 7 463 milliards d’euros (fin 2010) de biens immobiliers. Mais, cette récente enquête montre aussi que le patrimoine est plus inégalement réparti que les revenus. En 2004, les ménages les plus riches en patrimoine (10%) en détiennent 48% et les 5% les plus riches 35%). L’enquête révèle que les ménages les moins riches (50%) n’en détiennent que 8%. C’est dire si les inégalités sont importantes. 22% des ménages seulement, dans la moitié des Français les moins riches, sont propriétaires de leur logement, alors que les ménages les plus riches sont pratiquement tous propriétaires de leur logement. Thomas Piketty, professeur à l’École d’économie de Paris en conclut que « la France vit dans une période historique de très grande prospérité patrimoniale » et « qu’il faut remonter un siècle en arrière pour trouver un tel rapport entre les revenus et le patrimoine ». Investir dans la pierre, le plus souvent en empruntant, est considéré par les Français comme un placement refuge, un bon moyen de se constituer un patrimoine. Ne faut-il pas remonter le temps encore un peu plus que ne le fait Thomas Piketty et se demander si la période ne correspond pas à celle que décrivait Balzac. «Enrichissez-vous», aurait dit le protestant François Guizot, ministre de Louis-Philippe. En fait, il aurait dit à ses électeurs de Saint-Pierre-sur-Dives, dans le Calvados, au cours d’une campagne électorale : «Enrichissez-vous par le travail, par l’épargne et la probité». Fondée sur l’effort et non sur la spéculation, cette formule traduit cependant bien ce que fut l’attitude de la bourgeoisie du XIXe siècle vis-à-vis de la richesse. La politique de la France, en entretenant en permanence la pénurie de logements, aura au moins permis à une partie de la population de s’enrichir comme le confirme la récente enquête de l’Insee.
La coexistence de cette situation et du cri d’alarme que lance la Fondation Abbé Pierre est un facteur de division de la population française qui compromet la cohésion nationale avec les conséquences politiques qu’observent les organismes de sondages. Les « oubliés » crient mais ont le sentiment de ne pas être entendus. Ignorer que la moitié de la population se sent oubliée de la démocratie pour des raisons diverses et n’attend plus rien de la désignation de ceux qui devraient les représenter, peut contribuer à créer une situation explosive. Internet libère la parole ; la recherche d’autres formes de démocratie n’est pas réservée aux pays du Moyen Orient. L’importante partie de la population qui se sent en insécurité physique, économique, culturelle, identitaire et qui a le sentiment de ne pas être comprise, peut avoir une posture politique qui bouleverse le « système ». Cette partie de la population, comprend, d’après les organismes de sondages, les 30% qui sont au SMIC ou en dessous et une partie de la classe moyenne, mal définie, qui bénéficie peu de la redistribution, alors que ce sont des Français qui « se lèvent tôt » et contribuent à tous les prélèvements quand ils gagnent deux à trois fois le SMIC. Les « oubliés » attendent des solutions concrètes à leurs problèmes et notamment à celui du logement. Le libéralisme, qui a permis à certains de s’enrichir, mais a oublié une partie de la population, a échoué dans ce domaine. Le besoin d’un Etat providence en est la preuve, surtout quand la crise s’aggrave et amplifie les colères et les frustrations. Comment, avec le meilleur modèle social du monde, la France peut-elle être le pays le plus pessimiste sur son avenir ? Ne serait-ce pas essentiellement la prise de conscience que notre pays n’est plus une grande puissance et la nostalgie des époques plus heureuses ? Dans ce cas, il faudrait admettre que les dirigeants, et ce que l’on appelle les élites, n’ont pas su accompagner la mutation et ont manqué à leurs devoirs.
En tout état de cause, il faudra construire et rénover. Le secrétaire d’État au logement, Benoist Apparu, s’était félicité le mardi 31 janvier des « réformes mises en place par le gouvernement (qui) ont permis au secteur du bâtiment (…) de connaître une année très dynamique ». Selon les chiffres communiqués par le ministère, le nombre de mises en chantier de logements neufs aurait progressé de 22,2 % en 2011, et atteindrait le chiffre de 378.561 logement, dont 124.000 logements sociaux. Du jamais vu depuis dix ans. Cette production est relativement satisfaisante, mais elle ne permet pas de rattraper le retard et ne correspond pas toujours aux besoins. La Fondation Abbé Pierre précise que : « L’augmentation du nombre de logements concerne principalement les logements intermédiaires (PLS), qui ne sont pas accessibles, faute de ressources, aux 1.200.000 foyers en attente d’un logement social », et que cette augmentation n’aurait été permise que grâce à la contribution des fonds propres des collectivités locales et des organismes HLM, qui palliait le désengagement financier de l’État qui aurait favorisé les aides à la personne au détriment des aides à la pierre. Il faudrait construire 500 000 logements par an, dont 150 000 logements sociaux. Les spécialistes craignent un tassement de la production en 2012 et 2013 en raison de la fin du dispositif Scellier et du Plan de cohésion sociale de 2009 qui permettait le financement du Programme national de rénovation urbaine
Le dimanche 29 janvier 2012, au cours d’une intervention télévisée, retransmise par six chaînes d’information, le chef de l’Etat évoqua le problème du logement et, particulièrement, l’insuffisance de l’offre. A peine avait-t-il terminé sa phrase : « Tout terrain, toute maison, tout immeuble verra sa possibilité de construction augmenter de 30 %”, que les propriétaires concernés avaient du mal à cacher leur satisfaction. Dès le lendemain, les constructeurs, dont la vocation est de transformer un terrain en logements, exprimaient leur scepticisme sur la portée de cette mesure, présentée comme une mesure « très forte ». Le déficit foncier est tel que la valeur des terrains susceptibles de bénéficier de cette mesure, venait d’augmenter de 30%. Pour soutenir l’industrie du bâtiment et augmenter l’offre sans alourdir l’effort public, le chef de l’Etat, par cette simple décision, augmentait la valeur des terrains en même temps qu’il augmentait leur constructibilité.
Dans les centres-villes, dans les zones tendues, l’accroissement de la constructibilité se traduira automatiquement, pour les constructeurs privés ou publics, par une majoration proportionnelle des charges foncières et pour les propriétaires de terrain par un nouvel enrichissement sans cause. Les terrains constructibles sont extrêmement rares. La charge foncière, c’est-à-dire la part que représente le terrain dans la formation du prix de vente des logements, n’a aucune raison de changer tant que la demande de logements se maintient au niveau actuel. Il ne peut y avoir baisse des prix que si la demande est inférieure à l’offre, comme ce fut le cas de 1990 à 1995 ou en Espagne depuis quelques années. Dans l’immédiat, ce n’est pas l’hypothèse la plus probable ; pour inverser la situation, il faudrait construire beaucoup plus avec une charge foncière stable ou mieux, en diminution. Le marché foncier ne le permet pas ; il faut donc libérer des terrains publics et les mettre à la disposition des constructeurs privés ou publics à un prix inférieur aux prix du marché.
Il est à craindre, par ailleurs, que la possibilité d’agrandir l’existant, « le pavillon de banlieue », sera lourde de conséquences à long terme, sur le plan de l’urbanisme, et de l’environnement,. Génératrice d’anarchie urbanistique et environnementale, cette mesure pourrait bien rester dans l’histoire comme les lotissements défectueux que la loi Loucheur avait favorisés après la première guerre mondiale. La question de la densification se pose dans certaines zones tendues. Elle doit être étudiée calmement, en concertation avec les élus locaux, les urbanistes, les acteurs de la construction et non dans la précipitation à la veille d’une élection qui clive les positions.
Le mercredi 1er février, devant près de 3 000 personnes, la Fondation a présenté son 17ème rapport annuel, sur » l’état du mal-logement en France « . » Ne lâchons rien « , telle est la devise de la Fondation Abbé Pierre dont le rapport est devenu un document de référence. Lors de la présentation du rapport, à la Porte de Versailles, les candidats ont été invités à s’engager en signant un pacte qui comporte dix propositions, rassemblées autour de quatre grands thèmes : la construction de logements, la régulation des prix, la protection des plus faibles et le développement d’une ville équitable et durable. Il s’agit d’engagements précis : construction de 500 000 logements par an, dont 150000 logements sociaux, pendant la durée du quinquennat ; lancement d’un plan de conventionnement visant 100000 logements à loyer accessible par an dans le parc privé ; encadrement des loyers du parc privé ; éradication des 600 000 logements indignes ; augmentation du seuil de 25 % de logements sociaux dans le cadre de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbain (SRU). Eva Joly, Jean-Luc Mélenchon, François Bayrou et François Hollande, se sont exprimés et ont signé. Henri Guaino, le conseiller spécial du président Nicolas Sarkozy, s’est seulement exprimé au nom du président qui n’est pas encore candidat. Peu de temps avant, Eric Cantona, l’ancienne gloire de Manchester United avait été mobilisé, avec succès, pour » recueillir la signature de 500 maires » au bas de la pétition de la Fondation.
Sur la question du logement, la droite et la gauche ont donc des approches différentes. La gauche entend soutenir la demande, alors que la droite prône un » choc de l’offre « . Pendant son quinquennat, François Hollande, le candidat socialiste, s’engage à construire 2,5 millions de logements intermédiaires, sociaux et étudiants, dont 150 000 logements véritablement sociaux qui seront financés par le doublement du plafond du Livret A, qu’il entend mettre en œuvre. Il préconise l’encadrement des loyers dans les zones tendues dès la première location ou la relocation et entend faire passer de 20 % à 25 % le taux de logements sociaux prévu par la loi de solidarité et de renouvellement urbain (SRU). Les sanctions prévues devraient aussi être multipliées par cinq pour que la mixité sociale ait enfin une chance d’être appliquée. La règle des trois tiers : un tiers de logements sociaux locatifs à loyer modéré, un tiers de logements en accession sociale, un tiers de logements libres, lui semble être la bonne méthode pour atteindre ce but. Sur le plan foncier, le déficit est tel qu’il est indispensable, à ses yeux, que l’Etat mette ses terrains disponibles à la disposition des collectivités locales dans les plus brefs délais.
Nicolas Sarkozy, candidat non déclaré, avait promis, lors du sommet social au mois de janvier, des « mesures extrêmement puissantes qui ne doivent pas peser sur les comptes publics ». Le président de la République espère que l’augmentation de la constructibilité de 30% fera baisser les prix des logements neufs. Les constructeurs sont sceptiques sur l’efficacité de cette mesure qui devrait au contraire stimuler l’inflation des prix du foncier. Les mesures préconisées lors de la convention UMP sur le logement figureront sans doute dans son programme Ce parti propose de « créer un droit à l’achat » pour les locataires de logements HLM et la création d’un bail » gagnant-gagnant » qui stipulerait que le propriétaire pratique un loyer en dessous du marché et accepte une absence de garanties en échange de délais de préavis plus réduits et de procédures d’expulsion accélérées.
Candidat déclaré, c’est à l’intérieur du paragraphe intitulé « Augmenter le niveau de vie », de sa profession de foi, de ses « propositions pour une France forte et juste », que Nicolas Sarkozy s’engage à « construire plus de logements en France grâce à l’augmentation de 30% des droits de construire pour faire baisser les prix de l’immobilier. Réformer la fiscalité sur les plus-values immobilières sur les terrains nus afin d’accélérer au lieu de retarder la libération du foncier. Dans le même temps, les droits de mutation sur les résidences principales seront divisés par deux sur cinq ans. Permettre au locataire de saisir la justice si son loyer est supérieur de 20% au loyer moyen du secteur. »
Embarrassés, sur le problème du logement jamais résolu depuis la dernière guerre, les candidats se contentèrent de généralités et de disserter sur la problématique. Ce sont donc les professionnels, les experts, les associations qui ont débattu, avancé des idées, voire même se sont affrontés violemment. C’est ainsi que l’entourage de Nicolas Sarkozy fut accusé de préparer, dans le plus grand secret, une réduction de l’ordre de 30% des aides au logement et en particulier celles qui concernent les aides à la pierre et aux personnes les plus défavorisées. Ces aides concernent principalement les « 3,7 millions de ménages composés d’une personne seule ou d’un couple sans enfant (…) et des personnes âgées de plus de 65 ans. Les jeunes de moins de 25 ans non étudiants sont environ 410 000. » L’hébergement et l’accompagnement des personnes en grandes difficultés seraient également concernés par ce « coup de rabot ». En réalité, le ministère des Finances préparait, à la demande du gouvernement, des propositions de mesures nécessaires pour parvenir à l’équilibre des finances publiques en 2016.
Dans une brochure intitulée : « 10 idées reçues» sur le logement social », L’Union sociale pour l’habitat (USH) qui fédère les organismes d’HLM répond point par point aux attaques dont elle est régulièrement l’objet. Elle rappelle que les HLM logent 4,1 millions de ménages pauvres, modestes et moyens notamment dans les grandes agglomérations où les loyers du secteur privé sont très élevés. Accusé à la fois de loger des riches et de constituer des ghettos de pauvres, le Mouvement répond que les missions qui lui sont assignées sont souvent contradictoires. Il précise que 40% des ménages logés en HLM appartiennent « au quart de la population aux plus faibles revenus » , que 25% des résidents sont employés, 24% ouvriers, 26% sont retraités, 12% appartiennent à des professions intermédiaires, 4% sont des cadres, 3% agriculteurs (ou salariés de l’agriculture), et 7% sont des inactifs ; que les « riches », c’est à dire les ménages soumis au supplément de loyer de solidarité (SLS), ne représentent que 4% des 4,1 millions de locataires, c’est-à-dire 164 000 logements et que leur présence est nécessaire à la mixité sociale. Il rappelle que « 60% des ménages logés en HLM ont un revenu inférieur à 60% des plafonds de ressources ». Sur l’opinion généralement répandue que les gens restent à vie dans leur HLM, l’Union précise que le turn over est de l’ordre de 10% par an, ce qui signifie que près de 400 000 locataires quittent chaque année leur logement social pour, le plus souvent, accéder à la propriété.
Cette brochure répondait à un rapport sur «Les aides au logement des ménages modestes» du Centre d’analyse stratégique qui a remplacé le Commissariat au Plan. Le CAS a pour mission d’éclairer le gouvernement dans ses choix stratégiques en matière économique, sociale, environnementale et technologique. Dans ce rapport les experts de cet organisme s’interrogent sur l’efficacité des aides publiques. Ils constatent «une raréfaction, au cours des 25 dernières années, des logements accessibles aux ménages se situant dans le bas de la distribution des revenus» et, à mots couverts, met en cause l’efficacité du mouvement HLM. Il faut cependant préciser que les HLM ne représentent que 17% des logements, alors que le parc privé représente 78% des habitations et que c’est dans ce secteur que les loyers sont les plus élevés.
L’Union sociale pour l’habitat (USH) rappela à cette occasion« que le tiers des aides, soit environ 12 milliards d’euros, est affecté au secteur HLM tandis que le secteur locatif privé et les propriétaires occupants, se partagent les 25 milliards d’euros restants ». Pointer ainsi du doigt les aides publiques aux H LM révèle le clivage qui divise les doctrines de gauche et de droite sur le sujet. Le débat n’est pas tranché pour autant. L’Union nationale de la propriété immobilière (UNPI) a porté plainte auprès de la Direction générale de la concurrence à Bruxelles au motif que les aides de l’Etat versés, chaque année aux offices HLM, ne devraient avoir pour but que de loger des familles aux revenus modestes. Ce ne serait pas le cas ; Si la plainte devait être jugée recevable par Bruxelles, certaines aides accordées aux organismes HLM pourraient être jugées illégales. Dans ce cas, le gouvernement n’aurait d’autres solutions que de durcir les critères d’attribution des HLM.
La campagne présidentielle est l’occasion pour les professionnels de faire des propositions, d’exercer une pression sur les candidats, en un mot de défendre leurs intérêts, qualifiés en l’occurrence d’intérêt « général ». C’est ainsi que la FNAIM et l’UNPI revendiquent, ce qui dans la période actuelle n’est pas banal, des avantages fiscaux. La FNAIM propose un dispositif locatif baptisé «Bail puissance 3» (BP3), baptisé pour la circonstance « engagement social et citoyen pour développer une offre locative solidaire». Ce mécanisme consisterait pour les bailleurs à pratiquer des loyers réduits de moitié, proches de ceux pratiqués dans le secteur HLM, en échange d’avantages fiscaux. Les locataires éligibles à ce dispositif seraient choisis parmi les 60% de ménages les plus modestes et les plafonds de ressources (PLUS et PLS) en vigueur dans le secteur HLM serviraient de référence. Ces ménages auraient ainsi accès au parc locatif privé notamment dans les zones tendues. La FNAIM chiffrait à 100 000 logements cette nouvelle offre locative sociale. En contrepartie, la FNAIM propose que les bailleurs aient droit à un abattement de 100% sur leurs revenus fonciers pendant 9 ans reconductible deux fois trois ans et à un abattement de 10% par an, au-delà de la 5ème année sur les plus values immobilières réalisées en cas de revente du logement. L’UNPI (Union nationale de la propriété immobilière), au contraire, réclame des aides personnelles pour les plus démunis et, sur le plan fiscal, «un abattement forfaitaire de 15% sur les revenus fonciers». Cet organisme, qui dénonce systématiquement « la pression fiscale » sur les propriétaires, ne veut, en aucun cas, d’une baisse des loyers qui doivent demeurer ceux du marché.
Début mars, c’est la Fédération française du bâtiment, qui regroupe 57 000 entreprises, qui s’invita dans le débat en organisant un « Sommet de l’immobilier et de la construction ». C’était l’occasion pour elle d’exprimer ses revendications et de rappeler que pour maintenir l’emploi dans ce secteur, contribuer à la croissance de l’économie et construire les 400 000 à 500 000 logements par an dont le pays a besoin, une nouvelle politique du logement devrait comporter une réforme des PLU (plan locaux d’urbanisme) qui ne devraient plus être élaborés au niveau communal mais à l’échelon de la communauté d’agglomération, une réforme de la fiscalité pour dissuader la rétention foncière et un cadre juridique et fiscal stable pour l’investissement immobilier. A l’appui de ses revendications, la FFB fait état d’un sondage IPSOS, réalisé à sa demande, qui révèle que 85% des Français considèrent que la pénurie de logements dans certaines villes« est un frein à la mobilité et à l’emploi » et que 73% se plaignent que les candidats à l’élection présidentielle ne parlent pas assez du logement.
Il y a au moins un point sur lequel Nicolas Sarkozy et François Hollande étaient d’accord. Pour construire plus et moins cher, l’État, et un certain nombre de grands établissements publics, doivent libérer, et rendre constructibles, des terrains qu’ils possèdent. De vigoureuses décisions dans ce domaine, permettraient de construire 100.000 logements durant le prochain quinquennat. Les deux candidats diffèrent cependant sur les modalités d’application de cette politique. Faut-il vendre ces terrains au prix du marché, pour ne pas porter préjudice au budget de l’État, comme le pensent Nicolas Sarkozy et son ministre du Logement, ou « donner » ces terrains aux organismes constructeurs pour faire baisser le prix des logements, comme le proposent le candidat socialiste et son représentant le sénateur Thierry Repentin, qui n’envisagent pas de construire sur ces terrains autre chose que des logements sociaux. Deux milliards d’euros sont en jeu, ce n’est pas rien. Cette idée n’est pas nouvelle, Nicolas Sarkozy et, avant lui, Dominique de Villepin, avaient déjà entrepris la réalisation de programmes immobiliers sur des terrains appartenant à la puissance publiques. C’est une bonne idée, mais, au prix du marché, la vente de ces terrains a, jusqu’à maintenant, plutôt contribué à faire grimper les prix du foncier. Ce fut notamment le cas aux Batignolles sur des terrains appartenant à la SNCF et à RFF.
A l’occasion de ce grand « remue méninges », d’éminents spécialistes avancèrent l’idée que, dans certaines conditions, le logement pourrait être un puissant levier de cohésion sociale et de compétitivité économique française. C’est en effet un produit qui échappe aux contraintes internationales. Bien durable, premier poste budgétaire des ménages, le logement est fabriqué sur un sol, avec une main d’œuvre et des matériaux qui échappent aux contraintes extérieures. Au surplus, il relève de réglementations nationales. « La toute puissance du marché », a favorisé la pénurie, la flambée des prix, la rente foncière, la précarité des plus démunis. Les aides sociales et exonérations fiscales n’ont fait que stimuler l’inflation immobilière sans résoudre le problème et éviter que la crise s’aggrave. Cette politique n’était pas la bonne, il faut en changer. La politique alternative, en rupture, consisterait : à inverser la logique actuelle de la fiscalité immobilière, en supprimant toutes les niches fiscales qui stimulent les prix immobiliers ; à relancer la construction de logements locatifs intermédiaires dans les zones tendues à la place des opérations dites Scellier et autres ; à rénover, notamment sur le plan énergétique, les 40 millions de logements existants
Cette autre politique aurait pour but de mettre en œuvre un autre modèle économique qui supprime les effets d’aubaine, stimule le « produire français » et la compétitivité des entreprises dont il a été si souvent question pendant la campagne présidentielle. Les auteurs de cette « autre politique » considèrent que les augmentations de salaires seront durablement limitées et que c’est sur le coût que constitue le logement pour l’Etat et pour le budget des ménages qu’il faut jouer pour reconstituer un pouvoir d’achat, tombé au plus bas depuis 1984, et ainsi relancer la consommation.
Du logement, il ne fut pas question au cours du débat tant attendu du mercredi 2 mai, quatre jours avant le deuxième tour de l’élection présidentielle. L’immigration, les comptes publics, les retraites, le nucléaire, le pacte budgétaire européen, occupèrent l’essentiel du temps de parole des deux finalistes qui donnèrent parfois l’impression de débattre hors du temps, loin des préoccupations principales des Français. C’est sans doute la loi du genre, mais le logement, comme le pouvoir d’achat et l’actualité internationale, fut le grand absent d’une confrontation qui concluait près d’un an d’affrontement.
L’appel de la Fondation Abbé Pierre en faveur d’une mobilisation générale pour le logement aurait-il été vain ? Le logement des Français, de tous les Français, ne seraient donc pas une cause nationale unanimement reconnue comme telle ? La décision du Conseil d’Etat, en date du 10 février, précisant pour la première fois que le fait de ne pas appliquer la loi en matière d’hébergement d’urgence pouvait constituer « une atteinte grave à une liberté fondamentale » ne serait donc qu’un coup d’épée dans l’eau ? Le Conseil d’Etat a pourtant pris la peine d’écrire qu’ « il appartient aux autorités de l’Etat de mettre en œuvre le droit à l’hébergement d’urgence reconnu par la loi à toute personne sans abri qui se trouve en situation de détresse médicale, psychique et sociale ».
Le constat est connu. Il est établi que le logement est au carrefour de tous les enjeux, retraite, santé, emploi, pouvoir d’achat. Il est avéré que logement accroit les inégalités sociales en raison du fossé qui se creuse entre les loyers HLM et ceux du secteur privé. Il manque une véritable concertation entre les partenaires et les pouvoirs publics pour évaluer la situation, évaluer les différentes solutions et qu’un pacte social sur le sujet soit le fondement d’une nouvelle et véritable politique du logement. Les idées ne manquent pas. Une « assurance logement » pour la personne ayant perdu son emploi, comme il existe une « assurance chômage », est-elle concevable ? Une occupation partielle et temporaire des logements vacants est-elle imaginable et dans quelles conditions sans attenter au droit de propriété. ? Faciliter et garantir l’accession sociale à la propriété sous forme d’abondement des entreprises au profit de leurs salariés dans le cadre d’un partenariat avec les constructeurs sociaux, est-il irréaliste ? Exiger des promoteurs une certaine mixité dans leurs programmes, comme cela se pratique parfois, est-ce trop demander ? Ces questions méritent au moins d’être étudiées.
Au cours de la campagne, la banlieue n’est pas apparue comme une priorité. Dans le projet socialiste, le texte prévoyait de respecter les engagements pris par l’ANRU (Agence nationale de rénovation urbaine avec le souci que la mixité́ sociale soit un impératif. Les socialistes s’engagent à encourager la signature de chartes de diversité sociale entre les villes, l’Etat et les bailleurs sociaux. […] Ils proposeront aux collectivités, aux bailleurs, aux représentants de l’Etat, aux associations et aux opérateurs de la ville un contrat unique de développement humain et de renouvellement urbain, ouvert à l’’évaluation des habitants, qui comportera deux volets : un volet humain pour l’emploi, la réussite éducative, la santé, l’égalité entre les hommes et les femmes, la sécurité et un volet urbain pour l’habitat, les équipements publics, le cadre de vie, les transports, les réseaux numériques. »
Dans le projet du candidat UMP, le mot « banlieue » ne figure pas. Cependant, au cours d’une visite du quartier de Beauval à Meaux, dans le fief de Jean-François Copé, Nicolas Sarkozy a salué les résultats du programme national de rénovation urbaine (PNRU), lancé en 2003 par Jean-Louis Borloo et annoncé un « PNRU 2 », pour mener à son terme la rénovation urbaine qui est loin d’être achevée. Un second volet viserait les quartiers les plus en difficulté. Il ciblerait près de 500 ZUS (Zones urbaines sensibles) sur les 751 que compte le pays. A un journaliste du quotidien « Ouest-France » qui demandait au président-candidat, le 27 mars, pourquoi la banlieue, thème important de la campagne 2007, était absent en 2012, Nicolas Sarkozy répondit : « Les quartiers, aujourd’hui, sont plus sûrs, plus agréables à vivre, moins éruptifs qu’il y a dix ans. Nous avons investi 43 milliards d’euros avec le plan ANRU et j’ai annoncé un deuxième plan de 18 milliards pour continuer ce travail. Il n’y a rien de plus faux que de dire qu’il ne s’est rien passé dans les banlieues. »
Il est exact que le bilan de l’ANRU est plutôt positif. Le Conseil économique, social et environnemental soulignait en 2011, que : « la mise en place de l’ANRU, dans le cadre de la loi de 2003 sur le PNRU, a donné une impulsion majeure aux opérations de rénovation des quartiers et mis un lustre certain au volet bâti de la politique de la ville », et que « les bienfaits de cette politique sont unanimement reconnus et salués par l’ensemble des élus des quartiers concernés par le PNRU, quelle que soit leur couleur politique ». Les 43 milliards dont parle Nicolas Sarkozy correspondent à la dépense totale que les travaux lancés dans le cadre du plan ANRU ont généré, c’est-à-dire inclut toutes les sources de financements, notamment le 1% logement. L’Etat, quant à lui, a doté l’Agence à hauteur de 12 milliards, ce qui n’est pas rien.
A Strasbourg, dans le quartier de la Meinau, où un programme de rénovation urbaine comprenant la démolition de 550 logements HLM et la construction de 900 logements selon la règle des trois tiers (un tiers de logements privés, un tiers d’accession sociale à la propriété, et un tiers de locatif social), le candidat socialiste a commenté son programme sur la politique de la ville. « Afin qu’il n’y ait plus ni ghettos de riches, ni ghettos de pauvres » , François Hollande veut renforcer la loi SRU (Solidarité et renouvellement urbain), en obligeant chaque commune à atteindre un quota de 25% d’HLM. Les amendes seraient multipliées par cinq à l’encontre des villes qui refusent de réaliser des logements sociaux. François Hollande déclarait également vouloir créer un « Ministère de l’Egalité des Territoires et de la Cohésion sociale qui dépendrait du Premier ministre, afin de remobiliser les politiques publiques et que chaque ministre s’intéresse à la banlieue.
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