« If you can meet with triumph and disaster and treat those two impostors just the same”


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A Wimbledon, les joueurs qui sortent des vestiaires pour entrer sur le court central, ne peuvent pas ne pas lire, en gros caractères, ce passage du célèbre poème de Rudyard Kipling « Tu seras un homme mon fils » écrit en 1910 pour son fils John âgé de 12 ans. La meilleure traduction a été donnée en 1918 par André Maurois : « Si tu peux rencontrer Triomphe après Défaite et recevoir ces deux menteurs d’un même front ». Les sportifs le traduisent souvent plus simplement par : « La victoire, la défaite, ces deux menteurs. »

Candidats for the Presidency of the European Commission

Les dirigeants des partis politiques et les commentateurs auraient été bien inspirés d’inscrire ce passage du poème à l’entrée des plateaux de télévision le 26 mai dernier à partir de vingt heures. Ils auraient évité ainsi de dire autant de bêtises et, surtout, auraient nuancé un peu leurs propos.

Que Marine Le Pen, grisée par sa victoire, exulte comme si elle venait d’accéder au pouvoir, peut paraitre compréhensible. Mais, que peut-elle faire de ce succès relatif au regard de son score de 2014 ? Rien, si ce n’est préparer les élections à venir. Les députés européens du Rassemblement national ne feront pas partie de l’alliance majoritaire qui désignera les différents dirigeants européens pendant les cinq années à venir. Le Rassemblement national ne sera pas en capacité de changer l’Union européenne et d’appliquer son programme. C’est donc une victoire de prestige qui n’aura aucun effet sur le fonctionnement de l’Europe. Marine Le Pen a tout au plus célébré la victoire dans un match amical. La victoire, cette menteuse !

La liste Renaissance du président Macron a été battue. Battue de moins d’un point, mais battue. Elle a un député de moins que la liste du Rassemblement national. La belle affaire ! La belle affaire, car ses représentants au Parlement européen vont, eux, faire partie de l’alliance majoritaire et être en capacité d’appliquer un certain nombre de promesses qui figuraient dans son programme. La défaite, cette menteuse.

Pour en terminer avec le tennis, il me revient en mémoire ce que Pierre Barthès, un excellent joueur français, vainqueur de l’US open 1970 en double, m’avait dit un jour : « Les joueurs de tennis battus ont toujours une excuse, généralement une blessure qui les a privés de la victoire ». Le 26 mai, à vingt heures, les Jean-Luc Mélenchon, Philippot, Dupont-Aignan, plus Gilet jaune que les Gilets jaunes, mais aussi Laurent Wauquiez, Glucksman, Hamon, Aubry et Brossat ont réagi comme des joueurs de tennis. Ils avaient tous une excuse ! Le mouvement des Gilets jaunes n’avait pas de débouché politique, il soutient simplement le Rassemblement national.

Angela Merkel et Emmanuel Macron le 28 mai à Bruxelles

Il faut reconnaitre que le chef de l’Etat a affronté avec un certain courage et un certain panache le risque d’un référendum antiMacron. Par certains côtés, il a gagné son pari. Majoritaires en voix, les Français ont répondu qu’ils sont pro-européens et qu’il n’y a pas d’alternative sérieuse à la politique réformatrice, libérale et européenne d’Emmanuel Macron. Ni en France, ni à Bruxelles, les populistes ne sont en situation de diriger les affaires nationales et européennes.

Avec ses 23 élus, les députés de la liste Renaissance vont constituer le groupe le plus important dans le nouveau Centre du Parlement européen et peuvent espérer  «trouver des majorités» sur leurs priorités (dérèglement climatique, justice fiscale, migration) et peser dans la désignation du candidat à la présidence de la Commission et des autres postes-clés.  Les socialistes européens, à l’exception des Français, ont déjà déclaré qu’ils envisageaient de participer à une alliance avec les libéraux-centristes. Il en est de même des Grünen allemands, majoritaires dans le futur groupe des verts européens.

De là à espérer que Michel Barnier ou Margrethe Vestager puisse succéder à Jean-Claude Juncker, il y a encore beaucoup de chemin à parcourir et surtout beaucoup de concessions à faire. En 2014, Jean-Claude Juncker était à la fois le candidat du Parti populaire européen et le candidat choisi par le Conseil européen. Il est probable que cette année, le principe des Spitzenkandidaten ne pourra s’appliquer. Aucun parti politique existant ne peut imposer son candidat.  Il faudra construire de nouvelles alliances. Une femme à la présidence de la Commission, serait dans l’air du temps. Elles ne sont pas nombreuses. La directrice générale du FMI Christine Lagarde, la directrice de la Banque mondiale Kristalina Georgieva, la présidente lituanienne Dalia Grybauskaite et la Commissaire Margrethe Vestager figurent dans la short liste.

Angela Merkel et Donald Tusk, président du Conseil européen, le 28 mai

Un membre du PPE, comme Michel Barnier, peut-il faire l’unanimité sur son nom, ce que Manfred Weber n’est plus en capacité de faire ? Peut-être, mais ce n’est pas simple et à quel prix ? Angela Merkel résistera jusqu’au dernier moment, mais elle ne pourra imposer le président de la Bundesbank, Jens Weidmann, à la tête de la Banque centrale européenne et son candidat à la présidence de la Commission.  Peut-être acceptera-t-elle de présider le Conseil européen ?

Le pari perdu de Emmanuel Macron en France sera vite oublié si sa capacité à construire une nouvelle alliance majoritaire en Europe se confirme et s’il se montre capable de faire reculer le national-populisme dans les cinq ans qui viennent. Il avait fait de la « refondation de l’Europe » une de ses priorités.  Emmanuel Macron rêve d’une alliance avec les socialistes, le PPE et les Verts. Peut-il être le faiseur de rois ?

Dimanche, à 20 h, il fallait donc être prudent, mesuré, pour résister aux analyses hâtives. Ce fut rarement le cas, alors qu’aucune liste, aucun parti politique n’avait vraiment gagné cette élection. A la surprise générale, la République en Marche a résisté à l’exercice usant du pouvoir, au harcèlement des Gilets jaunes, à la haine sans précédent que colportent les réseaux sociaux. Le vainqueur, c’est le vote utile. Il a fait deux vaincus : la droite et la gauche et a consolidé le mouvement de MLP. Contrairement à toutes les attentes, 2019 a confirmé 2017. La droite dite de gouvernement ne devrait pas être surprise. Les Gaullistes, après 58, affirmaient : « Entre les communistes et nous, il n’y a rien » ! L’Histoire bégaie !

Macron n’a plus en face de lui que l’extrême droite qui n’a pas de majorité et n’offre aucune alternative sérieuse à son projet réformateur, libéral et européen.

S’il faut absolument un vainqueur, c’est l’Europe, l’autre chantier de Emmanuel Macron. Mais tout reste à construire en ayant toujours présent à l’esprit le célèbre poème de Rudyard Kipling :

If you can meet with triumph and disaster and treat those two impostors just the same”-


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