En triant de vieux papiers, je suis tombé sur le journal Le Monde du 2 janvier 2015. Dans ce premier numéro de l’année, le service international du journal avait imaginé ce que pourrait être en 2015, la nouvelle donne géopolitique. Ou en sommes-nous un an après ? Le rapprochement est instructif.
Le Monde du 2 janvier 2016 se livre à un exercice analogue, sur des thémathiques différentes, pour l’année qui commence. C’est un exercice difficile, mais toujours très intéressant.
L’OTAN et l’UE sauront-elles s’adapter à Poutine ?
Les deux institutions ont continué à alterner fermeté et embarras face aux provocations de Moscou. L’UE a semblé impuissante, ses membres étant incapables de se mettre d’accord sur la nature des relations avec la Russie.
Les dirigeants de neuf pays d’Europe centrale et orientale et de la Baltique, réunis à Bucarest, en 2015, ont demandé un renforcement de la coopération entre l’OTAN et l’Union européenne. Ils ont affirmé être prêts à augmenter leur budget de défense à 2 % du PIB, recommandé par l’OTAN, et à soutenir sa « politique de la porte ouverte.
Au début du mois de décembre, le Premier ministre du Monténégro Milo Djukanovic a déclaré qu’il souhaitait que son pays devienne membre de l’OTAN lors du prochain sommet de Varsovie en juillet 2016. « L’adhésion de notre pays à l’OTAN sera une forte contribution à la stabilité et à la sécurité régionales » a-t-il assuré. Poutine a apprécié !
Le prochain sommet de l’Alliance atlantique aura lieu à Varsovie, en 2016. Ce sommet des chefs d’État et de gouvernement des 28 pays membres de l’OTAN sera le premier du genre depuis celui tenu en septembre 2014 au Pays de Galles dans un contexte marqué par la crise ukrainienne.
Est-il imaginable que l’OTAN s’implique dans la lutte contre l’État islamique ? L’OTAN pourrait « coordonner les efforts » des Alliés face aux terroristes de l’EI et fournir, par exemple, un appui dans le domaine du transport aérien, mais ne peut intervenir directement.
L’Europe va-t-elle à nouveau se déchirer ?
La crise des migrants, la plus grave depuis 1945, a divisé l’Europe tout au long de 2015. Les conflits en Irak, en Syrie, en Libye ou encore en Erythrée, ont poussé des centaines de milliers de personnes sur la route de l’exil. Des familles entières ont tenté, en passant par la Méditerranée ou par les Balkans, de rejoindre l’Europe. Près d’un million de personnes sont arrivées en Europe.
Plusieurs mois se sont écoulés avant que l’Europe ne se décide à ouvrir les yeux. Les dirigeants européens peinent à se mettre d’accord et donc à agir pour résoudre cette crise. Angela Merkel a surpris en prônant l’ouverture des frontières début septembre. Certains le lui reprochent. Sa position aurait créé un appel d’air, La Hongrie a aussitôt décidé d’ériger des barrières pour empêcher le passage des migrants. Les attentats de Paris ont amplifié le mécontentement. Deux des kamikazes au moins avaient réussi à s’introduire en Grèce en se faisant passer pour des réfugiés, jetant la suspicion sur tous les migrants et alimentant les arguments anti-migration des extrême droite européennes.
L’Union européenne a adopté, dans la douleur, une série de mesures : « hotspots » (centres d’accueil et d’enregistrement des migrants) en Grèce et en Italie, plan d’action avec la Turquie, répartition des réfugiés entre les pays par quotas… Mais sur le terrain, ces mesures n’ont qu’un effet très limité.
Que restera-t-il en 2016, avec la crise des réfugiés et la menace terroriste, des valeurs de l’Europe et de l’un de ses principaux symboles, l’espace sans passeport de Schengen ?
Qui sera la première victime du contre-choc pétrolier ?
L’effondrement des cours du pétrole s’est amplifié. La Russie, le Brésil, le Venezuela sont en récession. L’Iran, le Nigéria, l’Algérie, ne cessent de revoir leur budget et puisent dans leurs réserves. L’Arabie saoudite et les monarchies du Golfe tiendront-elles longtemps ?
En Arabie saoudite, les dépenses liées aux emplois publics dont bénéficient une majorité de Saoudiens (5,5 millions d’actifs dont 3 millions de fonctionnaires) qui servent à acheter la paix sociale vont avoir de plus en plus de mal à être financées. Les jeunes subissent l’influence des fondamentalistes et de Daech. La dégradation du niveau de vie des habitants consécutive à la chute des cours du pétrole peut provoquer un séisme politique et géopolitique dans ce pays.
La Chine se tournera-t-elle vers Moscou ?
Le colosse chinois pourrait bien avoir des pieds d’argile. Sa politique de voisinage avec Moscou est au moins autant justifiée par des préoccupations économiques que pour accroître sa zone d’influence en Asie. En attendant, Xi Jinping, chef des armées, veut des troupes opérationnelles, prêtes au combat et » capables de gagner une guerre à l’âge des technologies de l’information « . Le 3 septembre 2015, les forces et l’arsenal chinois ont défilé place Tiananmen, à l’occasion du soixante-dixième anniversaire de la reddition japonaise de 1945, dans une démonstration de force autant à usage de politique intérieure que sur la scène internationale.
L’Iran signera-t-il un accord sur son programme nucléaire ?
L’Iran a signé. La levée des sanctions a commencé, mais le « Wall Street Journal » rapporte, ces jours derniers, que l’Iran a procédé à deux tirs de missiles balistiques depuis l’accord de juillet et que les États-Unis préparent de nouvelles sanctions contre des individus et des entreprises liés au développement du programme de missiles balistiques de l’Iran.
L’EI prendra-t-il le dessus sur Al Qaida ?
Le nombre et la nature des attentats revendiqués par l’EI donnent l’impression que la nébuleuse Al-Qaida perd de l’influence et ne dispose pas des moyens dont l’EI s’est doté en s’appropriant un territoire important en Syrie et en Irak.
La montée en puissance de la coalition conduite par les États-Unis devrait gagner en efficacité. Le » califat » devrait voir son territoire se réduire. Depuis le mois de juin, le territoire contrôlé par EI a fondu. Le » califat » aurait perdu 14 % de sa superficie par rapport au début de l’année. Ce recul devrait se poursuivre. Les frappes commencent à produire leurs effets, notamment sur les ressources pétrolières de l’EI. Les causes du conflit ne disparaissent pas pour autant. La frustration des sunnites d’Irak et de Syrie et la situation à Damas sont toujours présentes. La coalition antiterroriste annoncée par Riyad à la mi-décembre ne changera pas grand-chose.
En 2016, l’action de l’EI pourrait muter et ressembler au modèle d’Al-Qaida qui franchise des groupes terroristes et revendique des actions.
Y aura-t-il une intervention militaire en Libye pour mettre fin au chaos ?
Tout au long de l’année 2015 la menace islamiste s’est amplifiée. L’EI rêve de constituer en Libye une base de repli en bord de mer.
Le Conseil de sécurité des Nations unies a adopté à l’unanimité, mercredi 23 décembre, une résolution soutenant l’accord élaboré par l’ONU et signé par les belligérants libyens. L’accord prévoit « de s’employer dans un délai de trente jours » à la formation d’un gouvernement d’union nationale dans le pays.
Le texte, rédigé par la Grande – Bretagne, précise que le futur exécutif sera le seul représentant légitime de la Libye, divisée depuis plus d’un an entre un gouvernement et un Parlement élu réfugiés dans l’est du pays et une alliance majoritairement islamiste qui a pris le pouvoir à Tripoli. Les pays occidentaux espèrent que ce texte permettra de lutter plus efficacement contre l’influence croissante de l’État islamique.
L’Algérie entrera-t-elle dans l’après-Bouteflika ?
L’entourage du président Bouteflika continue de gagner du temps pour conserver les pouvoirs économiques et politiques. Pour combien de temps ? La question que posait le Monde, il y a un an, n’a pas encore trouvé de réponse tant est grand le mystère qui entoure les hospitalisations du président et son réel état de santé. Ses facultés mentales et cognitives sont-elles intactes ? Mystère !
Y aura-t-il un accord « historique » sur le climat à Paris ?
Après 13 jours de difficiles négociations, les 195 pays réunis pour la conférence de Paris pour le climat sont parvenus à un accord historique, samedi 12 décembre. Selon les mots de Laurent Fabius, président de la COP21, l’accord est « juste, durable, dynamique, équilibré et juridiquement contraignant ». Le monde entier s’est engagé sur une limitation de la hausse de la température « bien en deçà de 2°C », une révision « tous les 5 ans » de ces objectifs et une aide financière conséquente aux pays du Sud, samedi 12 décembre au Bourget.
Les États sont conscients du problème mais ne mettent que peu de moyens pour y répondre. Les écologistes redoutent une mise en application hypothétique et tardive. Il faut déjà attendre la signature de l’accord pour en savoir plus.
En ce début d’année 2016, El Niño, un phénomène climatique qui survient tous les quatre à sept ans en moyenne, s’aventure au Nord. Poussé par un changement de sens des alizés au-dessus du Pacifique équatorial, El Niño connaît un épisode probablement le plus puissant depuis les 100 dernières années. Conjugué au réchauffement climatique, il génère des épisodes météorologiques extrêmes : inondations, tornades, vagues de chaleur.
L’épidémie d’Ebola sera-t-elle endiguée ?
Le pire, c’est-à-dire un million et demi de personnes infectées par le virus, ne s’est heureusement pas réalisé. La Guinée, un des pays les plus touchés, a été officiellement déclarée hors épidémie Ebola le 29 décembre 2015, après deux années de combat contre un virus qui aura fait 2 536 morts dans le pays.
Quelle sera la prochaine guerre de l’Internet ?
Les hackers, puissants et difficiles à tracer, sont bien organisés. Les services de renseignement mènent une lutte acharnée pour réduire la capacité de nuisance de ceux qui cherchent à espionner les grandes puissances et les grandes entreprises. C’est une guerre de l’ombre qui se poursuivra en 2016 et bien au-delà.
Le Pape François parviendra-t-il à réformer l’Église catholique?
Malgré « Vatileaks 2 », surnom donné à la fuite de documents internes du Vatican qui a alimenté deux livres parus récemment, la réforme continue.. « Je veux vous assurer que ce triste événement ne me détourne certainement pas du travail de réforme que nous effectuons avec mes collaborateurs et avec le soutien de vous tous », a dit pape François. Dans ces livres, Chemin de croix (Flammarion, 20 euros) et Avarizzia (non traduit), Gianluigi Nuzzi et Emiliano Fittipaldi décrivent la mauvaise gestion et les dérives financières constatées par les équipes nommées par François et la résistance sourde d’une partie de l’administration du Vatican aux réformes qu’il promeut.
Ces jours derniers, lors de ses vœux à la Curie le pape François a utilisé la métaphore de la maladie affectant la Curie pour parler des faits de corruption. « Certaines maladies ont fait leur apparition cette année, provoquant des souffrances au corps de la curie et blessant beaucoup d‘âmes, également avec les scandales, a-t-il déclaré salle Clémentine, face aux cardinaux et évêques travaillant au Vatican. La réforme ira de l’avant avec détermination, avec clarté et fermeté parce que l‘église doit toujours se réformer » ; a poursuivi le souverain pontife. Il a également proposé des « antibiotiques » à ces maladies et un « catalogue de vertus nécessaires », à l’instar de l’amabilité, la déférence ou l’humilité. « Nous sommes des ouvriers, pas des contremaîtres, des serviteurs, non pas le Messie ! » a-t-il rappelé, citant un texte d’Oscar Arnulfo Romero, l’archevêque de San Salvador assassiné en 1980 par un commando d’extrême droite.
À Cuba, la démocratie s’imposera-t-elle avec le libre-échange ?
« Que la France puisse accompagner Cuba dans l’ouverture qui est la sienne, que la France soit la première, c’est sa vocation. » En se rendant à Cuba, François Hollande est devenu le premier chef d’État français en voyage officiel sur l’île. Le chef de l’État a fait coup double en rencontrant lundi le père de la révolution cubaine Fidel Castro, avec lequel il assure avoir vécu un « moment d’histoire »
Le déplacement de François Hollande, et surtout la rencontre avec Fidel Castro, a « choqué » une partie de la classe politique. Bruno Le Maire s’est dit « fasciné par la complaisance de la gauche française vis-à-vis du régime castriste qui est une dictature de la pire espèce qui a opprimé des dizaines de milliers de Cubains ».
Cuba est-il toujours une dictature ? C’est un simulacre de démocratie. Cuba possède les attributs d’une « démocratie participative », mais les élections n’ont aucun effet. « Les candidats sont tous membres du Parti communiste cubain et aucun opposant ne peut se présenter. »
Clinton contre Bush, acte II ?
Celui qui est en tête dans les sondages, un an avant la présidentielle, n’a jamais gagné. Hillary Clinton, en principe, devrait, cette fois-ci, sortir vainqueur de la primaire démocrate. En revanche, bien malin qui peut dire aujourd’hui si Donald Trump, en tête, à la surprise générale, le restera jusqu’au bout. D’après un sondage récent commandé par le Washington Post, le milliardaire américain recueille 38 % des intentions de vote des sympathisants républicains pour l’investiture à la présidentielle 2016. En première position depuis juillet, Trump semble être soutenu par l’électorat américain conservateur très inquiet après les attentats de Paris. Le candidat Trump avait appelé, le 7 décembre, à « l’arrêt de l’entrée des musulmans aux États-Unis », ce qui avait provoqué un tollé outre-Atlantique. Cette idée avait été approuvée par une majorité d’électeurs républicains : 59 % selon le sondage de ce mardi.
Dans l’éditorial du journal Le Monde daté du 2 janvier 2016, il est écrit fort intelligemment que lors de la COP 21, « les dirigeants de 195 États ont donné l’impression d’avoir retrouvé le sens du temps long et la volonté de construire un destin commun. Au cours d’une négociation, dirigée de main de maître par la diplomatie française, ils ont su renouer le fil de pratiques – le dialogue, le compromis – qui ont permis à l’humanité d’échapper aux âges barbares de la guerre de tous contre tous. Il faut espérer que 2016 saura s’inspirer de cette brève parenthèse de concorde dans l’année violente qui vient de s’achever. Il faut souhaiter que les hommes de bonne volonté sauront y trouver des moyens d’agir et plus seulement l’obligation de subir.
Deux chantiers majeurs s’y présentent devant eux. Celui d’une relance de la construction européenne, dont la crise des réfugiés vient de démontrer qu’elle n’était plus qu’une fiction. Et celui de la rénovation complète, et urgente, de la vie politique française. De ce point de vue, les dernières semaines ne manquent pas d’inquiéter, après la surenchère de bonnes intentions qui a suivi les élections régionales. Quelle que soit sa formation, le personnel politique semble très vite revenu à ses habitudes et à cet entre-soi qui empêche tout renouvellement en profondeur de ses effectifs. Il a été repris par la routine de la préparation de l’échéance qui écrase notre système démocratique : l’élection présidentielle. »
Je souhaite à tous mes lecteurs, et lectrices, une très bonne et heureuse année 2016
Laisser un commentaire