Chers amis Britanniques, profitez bien de ces premières journées de liberté, ce sont les meilleures.


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Je ne sais pas si la fable du loup et du chien est connue dans le Royaume uni. Sa morale était contestée, notamment par Rousseau, dans l’Emile. Elle me vient naturellement à l’esprit aujourd’hui. Certes, l’Union européenne n’est pas un « dogue aussi puissant que beau, Gras, poli, qui s’était fourvoyé par mégarde ».  Pauvre, le Royaume-Uni l’était en 1972. Le Premier ministre, Edward Heath, devait faire face à une forte inflation, au chômage et à des troubles en Irlande. J’ai raconté à plusieurs reprises les circonstances dans lesquelles le Royaume-Uni décida d’adhérer à la Communauté économique européenne le 1er janvier 1973. J’ai notamment raconté, dans un article en date du 26 juin 2007, la conversation que le président Pompidou et le Premier ministre britannique Edward Heath, un européen sincère, avaient eue le 24 juin 1971. Georges Pompidou, pragmatique et pessimiste de nature, convaincu que « l’Europe avec l’Angleterre serait difficile mais que sans elle, elle était impossible », avait la conviction que « les idées qui avaient cours au lendemain du Traité de Rome, à savoir que la Commission pouvait être un embryon de gouvernement européen étaient périmées et que c’est le Conseil qui préfigurait l’Exécutif européen. » Le Président Pompidou ne se faisait pas d’illusions ; Jean Monnet n’en avait pas non plus quand il lui disait : « Vous devez comprendre que la Communauté est composée d’Etats très anciennement établis et qu’il sera toujours impossible à ses membres d’ignorer ce qu’un pays considérerait comme un intérêt national de première importance. Si l’on tentait de le faire, la Communauté serait soumise à des tensions insupportables et elle se romprait… »

Deux ans après leur adhésion à la Communauté économique européenne (CEE), le 5 juin 1975 les Britanniques confirmèrent par référendum leur volonté de demeurer dans la CEE. Olivier Todd, écrivait ceci trois jours avant, dans Le Nouvel Observateur : « En vérité, psychologiquement, quelques citoyens ne se rendaient pas vraiment compte que la Grande-Bretagne faisait partie du Marché commun. Si le menu peuple vote « oui » ce sera aussi parce qu’il déteste le changement. On y est, on y reste. Et aussi parce qu’il a maintenant pris conscience que, pour ces foutus étrangers, those bloody foreigners, le Royaume-Uni est une espèce d’Italie – en pis. Hosannah, les Britanniques se voient à travers les miroirs des journaux étrangers, régulièrement cités par la presse et la télévision nationales. La nouvelle image de la Grande-Bretagne ? Une nation pauvre, instable, paresseuse, ingouvernable, pourrie par les grèves : une méduse échouée sur une plage de l’histoire, alors qu’en pleine mer avancent la baleine allemande et le requin français. (…)

47 ans après, quelques heures avant le départ du Royaume-Uni de l’Union européenne, Emmanuel Macron s’est adressé aux Français. “Pour la première fois en 70 ans, un pays quitte l’Union européenne”. Face à la Chine et aux États-Unis, pour défendre nos intérêts nous avons besoin de plus d’Europe. Pour réussir la transition climatique, nous avons besoin de le faire au niveau européen. Pour réussir à nous nourrir, pour réussir à faire face aux grandes transformations migratoires, digitales, technologiques, nous avons besoin de plus d’Europe.” Le départ du Royaume-Uni de l’UE ce vendredi à minuit est « un choc ». C’est un signal d’alarme historique qui doit retentir dans chacun de nos pays, être entendu par l’Europe toute entière et nous faire réfléchir (...) « Nous avons fait de l’Europe trop souvent un bouc émissaire de nos propres difficultés, parce qu’aussi nous n’avons pas assez changé notre Europe (…) Plus que jamais nous avons besoin d’Europe, face à la Chine ou aux États-Unis pour défendre nos intérêts. Il faut rendre l’Europe plus souveraine, plus démocratique, plus proche de nos concitoyens et donc plus simple aussi dans son quotidien et que nous réussissions à rebâtir un projet européen plus clair (…) C’est un jour triste, ne nous le cachons pas. Mais c’est un jour qui doit aussi nous conduire à procéder différemment. A bâtir avec plus de détermination encore une Union européenne puissante, efficace et qui parvienne à vous convaincre davantage », a précisé le président français. La campagne pour le Brexit avait, selon lui, était « faite de mensonges, d’exagération, de simplifications, de chèques qu’on a promis et qui n’arriveront jamais », elle montre « qu’il faut à chaque instant nous souvenir de ce à quoi le mensonge peut conduire dans nos démocraties. »

Macron a été très clair. Le nouveau « partenariat, je le veux fort, exigeant, car je veux vous protéger, vous défendre, protéger l’unité de notre Europe qui est indispensable, nos intérêts, c’est-à-dire les intérêts de nos pêcheurs, de nos agriculteurs, de nos industriels, de nos chercheurs, de nos travailleurs, de nos étudiants seront maintenus. Mais ce ne sera pas la même chose que la relation que nous connaissons depuis quelques décennies. On ne peut pas être à la fois dedans et dehors. Le peuple britannique a choisi de quitter l’Union européenne. Il n’aura plus les mêmes devoirs, il n’aura donc plus les mêmes droits« , a-t-il averti.

Chers amis Britanniques, profitez bien de ces premières journées d’indépendance, ce sont les meilleures.

Pour le Premier ministre Boris Johnson, qui avait fait installer un compte à rebours sur la façade du 10 Downing Street, « c’est l’aube d’une nouvelle ère« . Ivre de liberté, Boris Johnson est convaincu que le Brexit, sera un « succès retentissant, quels que soient les obstacles » (…) « La chose la plus importante à dire ce soir, c’est que ce n’est pas la fin, mais le début, le moment où l’aube pointe et le rideau se lève sur un nouvel acte de notre grand drame national », a-t-il déclaré. Des milliers de Brexiters se sont rassemblés à Parliament Square vendredi soir, pour fêter la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne. « Nous sommes là pour fêter notre indépendance ».

Dans le même temps, les Remainers, particulièrement dans les régions qui ont voté majoritairement pour rester dans l’UE, en Ecosse et Irlande du Nord, sont tristes. L’archevêque de Canterbury, le chef de l’Eglise anglicane, a mis en garde : « A divided kingdom cannot stand » (« Un royaume divisé ne peut pas résister »).

Le lyrisme ne constitue pas une politique. Il ne suffit pas de lever l’ancre pour le grand large. Ce serait trop simple, trop facile.

Si Boris Johnson déçoit en politique intérieure, si les indicateurs sont mauvais, il sera très vite mis en difficulté. Il ne pourra plus dire « c’est la faute à l’Europe ». Si la croissance est faible, si le déficit se creuse, Boris Johnson sera le seul responsable.


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