Est-ce qu’il fallait stopper la progression des éléments terroristes qui, à quelques heures près, étaient sur le point de prendre Bamako et de faire du Mali un Etat terroriste ? Oui, sans hésitation !
Est-ce que l’armée malienne était capable de s’opposer à cette progression ? Non, c’est une évidence !
Est-ce qu’il fallait attendre la constitution d’une coalition internationale avant d’intervenir ? Non !
Est-ce que des frappes aériennes auraient été suffisantes pour décourager l’avancée des groupes islamistes armés, bien décidés à faire du Mali une base internationale du terrorisme ? Evidemment non.
Une semaine après le début de l’opération » Serval « , des critiques commencent à être exprimées, en France, par un certain nombre de représentants de l’opposition. Qualifiée la décision du président de la République d’engager nos forces armées au Mali le vendredi 11 janvier, « d’amateurisme, d’impréparation et d’incapacité du gouvernement à constituer une coalition », comme vient de le faire, par exemple, un jeune ancien ministre qui, au demeurant, n’a aucune compétence en la matière, est absurde et irresponsable. Absurde, car le jugement s’adresse en premier chef aux hauts responsables militaires qui préparent l’opération depuis plusieurs mois et conseillent le chef de l’Etat ; absurde, car c’est ne pas prendre en compte l’urgence, l’appel au secours du président malien incapable de stopper la progression des terroristes qui, en quelques heures, auraient pris possession de Bamako et fait du Mali un nouvel Afghanistan.
Irresponsable, car c’est affaiblir la France dans une période délicate à gérer et ne pas se rendre compte que seule la France était capable d’intervenir dans les délais les plus brefs avec des capacités militaires, en hommes et en matériels, adaptées à la situation.
Sur la solitude de la France, il faut être précis et réaliste. Les déclarations des chefs d’Etat et de gouvernement européens, qui s’adressent avant tout à leurs opinions publiques, masquent en réalité l’incapacité de ces pays, en dehors, probablement, de la Grande-Bretagne, de mettre des unités compétentes à la disposition d’une éventuelle coalition. C’est la raison pour laquelle ils ne proposent que des avions de transport, quelques moyens logistiques et des infirmières. Le ministre des Affaires étrangères allemand, Guido Westerwelle, ne l’a d’ailleurs pas caché : « Nous n’avons pas les capacités militaires demandées ». Il est malvenu de reprocher à Angela Merkel d’avoir attendu trois jours avant de s’exprimer sur le sujet. Devant chaque décision à prendre, la Chancelière prend toujours le temps de la réflexion.
Est-ce qu’il est anormal et choquant que la France ait à payer « le prix du sang et de l’argent » et assure seule, une nouvelle fois, la sécurité de l’Europe ? La réponse est oui, mais il faut se faire à l’idée que l’Europe a abandonné, année après année, les attributs de la puissance militaire et privilégié la puissance économique. Au passage, le Service européen pour l’action extérieur, dirigé par Catherine Ashton, avec ses 3 500 agents et son budget de 646 millions d’euros (en 2011) n’est d’aucune utilité dans ce type de situation, ce qui laisse songeur sur les limites du Traité de Lisbonne et la volonté des Etats membres de doter l’Europe d’une véritable défense européenne.
Au niveau où sont aujourd’hui les budgets de défense européens, l’Europe est devenue un ensemble faible et pacifiste, qui ne compte que sur la protection des Etats-Unis. Dans ce contexte, est-il raisonnable, pour des dirigeants politiques dignes de ce nom, de jouer les Cassandre et de déclarer que « la France ne devrait pas y aller seule », « qu’il faut mettre en place une coalition » (avec qui ?), que « c’est extrêmement risqué », qu’une « intervention au sol est inappropriée », « qu’il faudrait se contenter de frappes aériennes et d’un soutien logistique » ?
Il est évident que c’est risqué, par nature, mais si le chef de l’Etat avait écouté les Cassandre et hésité, les terroristes, à l’heure qu’il est, seraient à Bamako et les mêmes reprocheraient au gouvernement de ne pas avoir été capable de prendre des décisions et d’intervenir dans l’urgence. Il s’agit donc bien de postures, de jeux de rôle, de calculs politiciens, qui ne trompent personne et n’ont pas leur place en temps de guerre. Au coté, en soutien, de forces terrestres africaines insuffisamment formées, entrainées et coordonnées, il faut des unités spécialisées dans ce type d’opération. Déloger des terroristes cachés au milieu de la population, dans des villages aux ruelles étroites, c’est, suivant l’expression employée, aller les chercher, un par un, « à la fourchette à escargot ». Qui est capable de le faire ? Qui dispose de ces unités spécialisées en quantité suffisante ? Très peu de pays. C’est la raison, la principale, pour ne pas dire la seule, pour laquelle la plupart des alliés potentiels s’abstiennent de proposer leurs services et se contentent de soutenir l’action de la France. L’opinion publique ne s’y trompe pas, les sondages récents font état d’une large approbation des décisions du chef de l’Etat, confirmée, si besoin était, depuis la dramatique prise d’otages sur le site algérien d’In Amenas en Algérie.
Les ministres britannique et américain de la Défense ont déclaré samedi que leurs pays étaient déterminés à lutter contre les actions d’Al-Qaïda au Maghreb. Au cours de leur conférence de presse, les deux ministres ont affirmé « leur soutien à l’opération française au Mali, où la France combat des groupes islamistes armés », et se sont engagés à travailler avec les pays de la région pour combattre Al-Qaïda au Maghreb islamique avec le plus d’efficacité. «Chaque pays a sa propre appréciation pour faire face au terrorisme. Ce qui m’importe, c’est qu’il fasse tout ce qui est en son pouvoir pour empêcher qu’Aqmi n’établisse une base d’opérations dans cette zone», a souligné le secrétaire américain à la Défense.
Chaque pays interviendra en fonction de ses capacités. C’est ainsi que l’Allemagne a non seulement réitéré son soutien à l’intervention de la France au Mali, confirmé l’envoi de deux avions de transport, une aide financière et l’envoi de formateurs, mais également déclaré que le « terrorisme au Mali est une menace pour l’Afrique, mais aussi pour l’Europe ».
La Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (Cédéao) avait besoin de temps après la première résolution des Nations Unies. L’urgence, la détermination des Nations Unies (à la veille de Noel) et de la France, ont précipité la mobilisation et accéléré la prise de décisions. Il semble que la Cédéao soit aujourd’hui capable de coordonner l’action des pays africains qui doivent encore démontrer leur capacité à résoudre, avec l’appui de la France, un problème qui les concerne. Ce problème, compte tenu de ses implications religieuses, ethniques, historiques, est complexe, très complexe, il ne faut pas se le cacher.
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