Les Américains, dans les derniers jours d’octobre, attendaient, comme les Français, au mois d’avril, un événement extérieur susceptible de départager les deux concurrents, au coude à coude dans les sondages. Un événement extérieur, inattendu, qui survient et dénoue une situation jusque là bloquée, c’est la définition même du Deus ex machina.
Stratèges républicains, ou démocrates, et journalistes politiques pensaient évidemment à une attaque israélienne en Iran, à l’aggravation de la situation en Syrie ou à la fin de l’euro. La « surprise d’octobre » survint dans la nuit du 25 au 26 octobre sous la forme d’un monstrueux ouragan s’attaquant à la côte Ouest des Etats-Unis, à la ville de New York et même à Wall Street, c’est-à-dire au cœur de la puissance américaine et de son image.
La communication a été gigantesque, à la mesure de la zone touchée et de l’ouragan qui venait à point nommé illustrer les conséquences du changement climatique qui figure en bonne place dans le programme d’Obama et dans celui du maire républicain de New York qui ne tarda pas à annoncer qu’il voterait Obama en raison de sa sensibilité à la crise climatique.
L’ouragan Sandy et alors devenu Frankenstorm, un néologisme qui en dit long sur la symbolique qui accompagne l’événement. Accoler le nom d’une créature monstrueuse, fabriquée par l’homme, et le terme employé par les services météorologiques américains pour désigner un phénomène naturel, donne une idée de la récupération médiatique de l’événement qui, selon certains, ne peut être que l’œuvre de Dieu pour punir l’Amérique avec le caractère eschatologique que cela représente. Il s’agit donc bien du Deux es machina !
L’ouragan fut en effet épouvantable, faisant une centaine de morts aux Etats-Unis et au Canada et des destructions dont le coût pourrait s’élever à une cinquantaine de milliards. Sa représentation ne le fut pas moins en termes de messages tweetés, d’émissions de télévision, d’articles de presse ou dans les blogs. Ce fut énorme comme pouvait l’être l’idée que se faisait le monde entier de Frankenstorm. Enorme parce que, brusquement, l’ouragan était susceptible de rebattre les cartes, de départager Romney et Obama et de faire de cet événement un enjeu idéologique de la campagne.
Enorme parce que la ville de New York, le symbole du capitalisme, serait donc vulnérable. Cette fois, elle a résisté à Frankenstorm, mais la prochaine fois ? Faut-il sérieusement croire à l’effondrement du Gulf Stream et à d’épouvantables catastrophes liées au réchauffement climatique et à la dégradation de l’environnement ?
La crise climatique, niée par les républicains, et laissée au second plan par les démocrates, pourrait donc être une menace, un risque réel ? Ceux qui, dans l’entourage d’Obama, soutiennent cette thèse, sont convaincus que le Deux es machina profitera à leur champion. C’est lui, et lui seul, qui saura tirer les conclusions de Frankenstorm et protéger New York contre les prochains ouragans. Il ne faut pas s’y tromper, c’est la menace d’un changement climatique qui a amplifié un ouragan perçu, pour la première fois, comme un événement apocalyptique de nature eschatologique.
Pour l’heure, l’ouragan Sandy aurait favorisé Obama. Les sondages sont loin d’en rendre compte, mais c’est ce que pense le stratège républicain, Karl Rove, peut être pour conjurer le sort. La « surprise d’octobre », un grand classique des élections américaines, va-t-elle aider le président sortant ? Réponse dans quelques heures.
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