« Tenez bon, nous arrivons ».


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À l’occasion du 80e anniversaire de la Libération de Paris, je publie à nouveau un article que j’ai déjà consacré à ces journées historiques.

L’objectif des généraux américains Eisenhower et Bradley était d’atteindre le plus vite possible le bassin de la Ruhr, où étaient concentrés l’industrie lourde allemande et les ports du nord de l’Europe. Les ports d’Arromanches et Cherbourg n’étaient pas suffisants pour alimenter les 36 divisions alliées engagées. La libération de Paris, jugée inutile du point de vue stratégique, aurait ralenti la progression déjà compliquée pour des raisons logistiques. Dans ses mémoires, le général Bradley a écrit, à propos de Paris : « La ville n’avait plus aucune signification tactique ». Sa libération pouvait donc attendre la fin du mois d’octobre. L’histoire ne dit pas si le grand quartier général ignorait – ou connaissait – l’ordre que Hitler avait donné de détruire Paris pour obliger les forces alliées à défendre la ville et, ce faisant, perdre du temps.

Pour le général de Gaulle, la libération de Paris, par une unité française, était indispensable. Elle avait une importance symbolique considérable et était de nature à renforcer son pouvoir et son poids face aux alliés et au puissant parti communiste. Le général Eisenhower, à Alger, en décembre 1943, l’avait compris. Il avait promis au général de Gaulle, que la libération de Paris serait, le moment venu, confiée à une unité française.

Depuis le 10 août, la résistance parisienne, sous la direction du colonel Rol-Tanguy, le responsable des FFI pour l’Île-de-France, avait entrepris de libérer la capitale. Pressé par les événements, le général de Gaulle a demandé au général Leclerc d’exiger des Américains que la 2e division blindée marche sur Paris. Le général américain Gerow, supérieur hiérarchique du général Leclerc, ne voulait pas en entendre parler. Il avait reçu des ordres qu’il entendait appliquer à la lettre. Les relations étaient tendues entre le général Leclerc et son supérieur hiérarchique. Excédé, invoquant « l’insubordination de Leclerc », le général Gerow finit par accepter de donner l’ordre à la 4e division d’infanterie américaine d’accompagner la 2e DB. Le 22 août, le général Leclerc, encore à 250 km de Paris, reçut le feu vert du général Bradley et lança les 15.000 hommes et 400 chars et blindés de sa 2e DB vers Paris.

Le général Leclerc voulait faire savoir à Jacques Chaban-Delmas qu’il ne fallait pas signer de trêve avec les Allemands. Les résistants auraient mis trois jours pour acheminer le message et les avions alliés n’étaient pas disponibles pour cette mission. Il ne restait que les « piper-cubs », mais ils n’étaient pas autorisés à survoler l’ennemi. Le Capitaine Jean Callet, qui commandait l’escadrille de la 2e DB, décida d’y aller lui-même avec le lieutenant Mantoux qui s’est porté volontaire comme observateur. Jean Callet a raconté, pour la revue « Défense », les conditions dans lesquelles il avait parachuté le message de Leclerc : « Tenez bon, nous arrivons ». « Par chance, l’aller s’est déroulé sans anicroche, au-dessus d’un beau paysage, sous un soleil jouant avec les nuages. Message lancé dans la cour de la préfecture de police, le retour a été bien plus animé sous le feu des mitrailleuses ennemies. L’appareil, criblé d’éclats, le train d’atterrissage arraché, il nous a fallu chance et savoir-faire pour regagner le PC de Leclerc. Le lendemain, Paris était libéré. »

Auditeur de la 20e session de l’Institut des hautes études de défense nationale, Jean Callet en devint le directeur de 1972 à 1974, en qualité de général de corps d’armée. À la fin d’une session de cet institut, il avait dit aux auditeurs : « Si chaque jour, vous savez trouver le temps de vous recueillir, de réfléchir, de méditer, si chaque jour vous savez dégager quelques minutes pour faire votre examen de conscience, en fermant vos oreilles aux bruits de la terre et vos yeux au mouvement qui l’agitent, alors, vous ferez de grands progrès, en distinguant dans le silence de votre âme, « l’essentiel de l’accessoire ». Cet « homme de Leclerc » avait appris à donner l’exemple. « Ne pas se contenter d’ordonner « en avant », mais « en avant, suivez-moi » et partir en tête.

Les premiers éléments de la 2e DB sont entrés dans Paris le 24 août par la porte d’Orléans et la 4e division d’infanterie américaine, le 25 août, par la porte d’Italie. Les Américains ont laissé l’armée française entrer la première dans la capitale. C’est ce que voulait le général de Gaulle afin d’acter la place de la France parmi les forces alliées et de figurer dans le camp des vainqueurs, le moment venu.

Yvon Morandat a pris possession de l’Hôtel de Matignon au nom du Gouvernement provisoire dans des conditions rocambolesques assez bien relatées dans le film « Paris, brûle-t-il ? ». Bien préparée par la résistance, la libération de Paris, le 25 août 1944, s’est faite en quelques heures, après une semaine de soulèvement et l’arrivée de la 2e DB. Le 25 août, peu avant 15 h 00, le général Von Choltitz fut fait prisonnier à l’hôtel Meurice, siège du commandement du Gross Paris, conduit à la préfecture de police et contraint de signer, devant le général Leclerc et le colonel Rol-Tanguy, l’acte de capitulation, à la gare Montparnasse.

Dans « La France dans la guerre. 1940-1945, jour après jour », publié chez Plon en 1990, mon ami le préfet Pierre Lefranc, ancien chef de cabinet du général de Gaulle a raconté la chronologie de la Libération de Paris


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