Chaque rue, chaque pierre
Semblaient n’être qu’à nous
Nous étions seuls sur Terre
À Paris au mois d’août
À Paris, au mois d’août 1966, la capitale était déserte, l’effervescence habituelle avait disparu, les rues, silencieuses, étaient presque désertes. Charles Aznavour chantait Paris au mois d’août, le titre du film de Pierre Granier-Deferre, qui venait de sortir. Ceux qui, par nécessité ou par plaisir, étaient restés à Paris, s’en félicitaient. Insouciants, ils profitaient pleinement de la ville « la plus belle du monde ».
Ceux et celles qui ont passé le mois d’août 2024 à Paris, en conserveront probablement un souvenir inoubliable. Un peu comme leurs aînés se souvenaient du mois d’août 1944. Des jours heureux, des jours exceptionnels, des jours de fête, de liberté, de libération. La France n’avait pas accueilli les Jeux Olympiques depuis 1924, depuis cent ans. Tout d’un coup, dès la médaille d’or de l’équipe de France de rugby à 7, l’esprit de défaite, le pessimisme que les Français adorent cultiver, a laissé la place à une ferveur populaire inimaginable que les très nombreux étrangers présents ont été heureux de partager.
Seules, sans doute, la magie des jeux olympiques et la libération du territoire, peuvent provoquer des émotions, pour ne pas dire des « crises de folie collective » comparables, capables de tout emporter tout sur leur passage. Rien ne pouvait gâcher le plaisir de ces milliers de personnes, venues du monde entier, désireuses d’oublier, pendant quelques jours, les soucis de la vie quotidienne. Était-ce un rêve ou la réalité ? La ville était propre, sûre, des policiers dansaient dans les rues avec des touristes, des gendarmes de la Garde républicaine dansaient derrière Aya Nakamura le soir de la cérémonie d’ouverture, un grand cheval de fer galopait sur la Seine, un acrobate, qui portait la flamme olympique, grimpait jusqu’à la flèche de Notre-Dame, courrait sur les toits. Les plus beaux bâtiments et monuments de Paris étaient mis en valeur.
Et, en plus, les athlètes français ont remporté 64 médailles, un record ! Léon Marchand, Teddy Riner, Antoine Dupont, Félix Lebrun, sont devenus tout d’un coup beaucoup plus importants que le chef de l’État, le Premier ministre démissionnaire, ses ministres, inconnus, pour la plupart, sans parler des bruyants dirigeants des partis politiques d’opposition, qui ont très vite compris qu’il était impossible de rivaliser avec les nouveaux héros. La parenthèse était bel et bien enchantée, la trêve une réalité.
Tony Estanguet, le président du Comité d’organisation de Paris 2024, le soir de la cérémonie de clôture, résumait cet état d’esprit : « Du jour au lendemain, Paris est redevenu une fête, et la France s’est retrouvée. »
Pendant ce temps, la France est sans gouvernement. Pour cause de dissolution, celui de M. Gabriel Attal, expédie les « affaires courantes ». Il peut bien prendre des décrets, des arrêtés, prendre des décisions, personne ne semble s’en soucier. C’est sans doute pour le bien du pays !
Les finances publiques se dégradent, le ministre délégué aux comptes publics, Thomas Cazenave, peut bien annoncer qu’il a gelé, « près de 10 milliards d’euros » de crédits, personne ne semble y prêter attention. Il faudra bien préparer, en temps voulu, le budget 2025. On a le temps, pas au mois d’août, on verra ça plus tard ! Dans Le Point, Luc de Barochez démontre « que de longues vacances ministérielles et parlementaires sont bénéfiques pour l’économie ».
Jean-Daniel Lévy, président de Harris Interactive confirme que « Les Français ne se lèvent pas tous les matins en exigeant un Premier ministre ». « Il est bien le jeune Attal » 40 % des Français le garderaient bien !
La France a-t-elle donc besoin d’un gouvernement ?
Voilà 39 jours que le chef de l’État a accepté la démission du Premier ministre Gabriel Attal. Le record de la IVe République, réputée pour son instabilité ministérielle, est battu. Encore un record ! Quel été !
En 1953, le gouvernement de René Mayer était tombé le 21 mai. Pressentis, Paul Reynaud puis Pierre Mendès France n’avaient pas réussi à obtenir l’investiture à l’Assemblée. La nomination du gouvernement de M. Laniel n’était intervenue que le 28 juin, 38 jours plus tard. Au total, les gouvernements démissionnaires de la IVe République ont ainsi expédié les affaires courantes pendant 351 jours, une année ! Depuis le temps que j’écris que la Ve République finira comme la IVe République !
La France a-t-elle besoin d’un gouvernement ?
Les Français, pour l’instant, ne semblent pas souffrir d’une vacance de pouvoir. Oui, nous le pouvons (yes, we can), ironise Rémi Godeau dans L’Opinion
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