Quatre jours après la cérémonie d’ouverture des JO de Paris 2024, la polémique ne faiblit pas. À tel point que le Comité Olympique aurait, paraît-il, retiré, sans explication, la vidéo de la cérémonie dans près de 210 pays. Donald Trump, qui n’a probablement pas regardé la cérémonie, a déclaré lundi à la chaîne conservatrice américaine Fox News, qui l’interrogeait à ce sujet : « Je suis très ouvert d’esprit, mais j’ai trouvé que ce qu’ils ont fait, c’était une honte » ! Elon Musk, également, y est allé de son tweet, en publiant sur son compte X, un message réprobateur  : « L’idéologie woke est une menace pour la civilisation. Dans le même esprit, Dmitry Medvedev, ancien président de la Fédération de Russie, a qualifié la cérémonie d’ouverture de « spectacle dégoûtant » et « monstrueux » et un haut responsable de l’Église orthodoxe russe, Vakhtang Kipshidze, d’« insulte à la religion mais aussi à l’humanité ». Enfin, pour être complet, le président turc Recep Tayyip Erdoğan n’a pas voulu être en reste. Il s’est empressé de condamner : « l’immoralité commise contre le monde chrétien et contre tous les chrétiens. Les Jeux olympiques ont été utilisés comme un outil de perversion qui corrompt la nature humaine ».

Invitée, hier soir, de l’émission « Quels jeux ! », en fin de soirée sur France 2, la maire de Paris assume. Les critiques des conservateurs nationalistes l’honorent. « Il n’y avait rien de trop dans cette cérémonie ! ». Anne Hidalgo se félicite qu’avec cette cérémonie, Paris ait envoyé un message de diversité au monde entier. Pour elle, il convenait de montrer ce qu’est la France aujourd’hui et ce que la France sera demain.

86 % des Français considèrent, paraît-il, que la cérémonie d’ouverture a été un succès et 96 % en sont satisfaits. À l’international 88 % qui ont suivi la cérémonie l’ont aimée et 76 % considèrent qu’il s’agit de la cérémonie d’ouverture des JO la plus mémorable et que la France a donné à voir au monde entier l’excellence de ses talents créatifs, imaginatifs, innovants.

Est-ce que, pour autant, les personnes interrogées, partagent pleinement le point de vue des concepteurs de la cérémonie ? Évidemment, non ! Ils ont simplement apprécié le spectacle, les images, les sons, les illuminations, les vues de Paris.

Les images de Marie-Antoinette décapitée, aux fenêtres de la Conciergerie, tenant sa tête entre ses mains, sur l’air révolutionnaire « Ah ça ira », ont-elles choqué la majorité des téléspectateurs ? Apparemment, non ! C’est la Révolution française, le tragique de l’Histoire. La symbolique du tableau a probablement échappé à la plupart. C’est la France ! Stéphane Rozès, sur sa page Facebook, cite Alexis de Tocqueville : « La France, la plus brillante et la plus dangereuse des nations de l’Europe, et la mieux faite pour y devenir tour à tour un objet d’admiration, de haine, de pitié, de terreur, mais jamais d’indifférence. »

L’historien Patrick Boucheron, coauteur du spectacle, explique sur le site du Grand Continent : Ne soyons pas naïfs  : cette polémique est tout sauf spontanée, l’image en question n’aurait choquée personne si certains ne l’avaient pas fait advenir en la montrant du doigt, elle n’aurait blessée personne si on ne s’était pas acharné à la prétendre blessante (…) La cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques est une cérémonie organisée par Paris 2024 et le CIO, donc ni la ville de Paris, ni l’État français. La commémoration du 17 octobre 1961 par les athlètes algériens depuis leur bateau voguant sur la Seine n’était évidemment pas prévue (…) Si vous n’êtes pas un bobo parisien inévitablement woke et naturellement hors-sol et que vous avez aimé la cérémonie d’ouverture des JO, c’est que vous avez mal compris, ou mal vu. Alors on va vous expliquer. C’est ce que font tous ceux qui se déchaînent sur cette cérémonie, sur telle ou telle interprétation, sur telle ou telle image. Ils n’avaient pas besoin de voir Aya Nakamura sur le Pont des Arts pour savoir qu’ils allaient devoir la haïr — même s’ils restèrent assommés quelques heures par l’enthousiasme collectif que la scène suscitait, y compris sans doute parmi nombre de leurs partisans. J’avoue avoir été accablé par la rapidité avec laquelle la presse, toute la presse, après avoir reconnu (et parfois même célébré) le très large succès populaire rencontré par la cérémonie, se faisait malgré tout l’écho des quelques piques désespérément prévisibles des essayistes et idéologues de plateau télévisé et de réseaux sociaux. Il est apparemment difficile de se sevrer de ces shoots quotidiens de fiel (…) La cérémonie a eu lieu. Elle existe désormais pour des millions de personnes, elle nous dépasse. Il faut désormais laisser faire les images, sans les encombrer de mots qui viendraient les escorter ou les canaliser. Elles vont trouver leur chemin pour nourrir les imaginaires de chacun, de manière solidaire et intime : un seul moment, un milliard de souvenirs différents. Nous ne sommes plus les gardiens de ces imaginaires, qu’ils aillent désormais à leur train, joyeusement indociles, et produisent leurs effets historiques. »

Fatigué, le peuple français ne veut pas que le succès populaire de cette cérémonie soit entaché par des polémiques, des controverses. Le spectacle était bluffant, c’est l’essentiel ! Le temps est maintenant aux épreuves sportives, aux performances des athlètes, aux médailles, à la fête !

« Bouchée avalée n’a plus de saveur » !