La décision d’organiser une Exposition universelle en 1900 avait été prise en 1892. Les sceptiques, les rabat-joie, les éternels pessimistes, qui traversent toutes les époques, prédisaient que les travaux envisagés ne seraient jamais prêts à temps.
Ils n’avaient pas complètement tort, le 14 avril 1900, le jour de l’inauguration, un certain nombre de chantiers n’étaient pas terminés, des rues et places étaient encore aux mains des ouvriers. Construire une ville dans la ville, comme nous le verrons dans un prochain article, en feuilletant le Livre d’Or de l’Exposition, publié par Edouard Cornély-Editeur, 101 rue de Vaugirard, en 1900, ne fut pas une mince affaire. La préparation des Jeux Olympiques de 2024 à Paris, en donne, au quotidien, une petite idée !
Il faut dire que la France avait de l’ambition. L’ambition de recevoir au moins 50 millions de visiteurs, plus que la population de notre pays cette année-là. 216 hectares avaient été réquisitionnés pour accueillir les nombreux pavillons. Le Champ de Mars, l’Esplanade des Invalides, les quais de la Seine, mais aussi une centaine d’hectares sur la commune de Vincennes, avaient été affectés à ce projet.
Les exposants, particulièrement des étrangers, avaient immédiatement, dès que fut connu le projet, répondu, en grand nombre, qu’ils voulaient être présents pour cet événement mondial. Il fallut entreprendre de gros travaux pour recevoir autant de visiteurs. La gare d’Orsay, date de cette époque. La ligne Vincennes-Maillot du métropolitain fut inaugurée la 1er juillet 1900. La France devait être au rendez-vous de son histoire « quoi qu’il en coûte » ! L’Exposition sera bénéficiaire.
La Russie est notre alliée (contre l’Allemagne). Elle aura l’avenue qui sépare le Grand Palais et le Petit Palais, à son nom (Nicolas II) et le pont (Alexandre III) qui permettra d’accéder à l’Esplanade des Invalides. La perspective, ainsi créée, sera de toute beauté.
Le 15 juin 1900, le jour de l’ouverture au public, tout était prêt : La fête pouvait commencer.
Le président de la République, Emile Loubet, avait le souci de l’avenir et le sens de l’histoire. Il voulait que cette exposition, après celle de 1889, consacrée au travail et à l’industrie, soit une fête de l’Humanité ! Tiens, tiens !
Jacques Duquesne, journaliste, écrivain, un des fondateurs du Point, dans la préface qu’il a signée pour le très beau livre intitulé « En revenant de l’Expo », édité par Les Éditions 1900, en 1991 (ISBN 2-7144-4342.7), rapporte que le but de cette fête était d’être la fête de « tous les peuples, toutes les races, toutes les couleurs y sont groupés et cela avec leurs mœurs propres, leurs instincts, leurs croyances et cela dans le décor qui leur est particulier. »
En 1900, le monde n’était pas encore un village, mais il avait un maître : l’Occident, et une capitale, Paris, la ville Lumière !
L’Exposition se devait d’avoir une entrée à la hauteur de son ambition. Une entrée monumentale au coin de la Place de la Concorde et du Cours de la Reine. La Porte Binet fut une porte de compromis que Jacques Duquesne décrit assez cruellement : « Cet orientalisme de bazar est à la mode. » La Porte Binet avait 32 guichets, mais qui eurent peu de succès. Il y avait de nombreuses autres entrées.
Les visiteurs voulaient surtout découvrir le progrès technique sous toutes ses formes, être épatés, sidérés par l’accélération de l’histoire dans ce domaine et s’amuser, rire, être heureux.
Le trottoir roulant, le train électrique, la Grande Roue, le manèges, le Grand Guignol, les divers spectacles, les concerts, le cinéma théâtre, les animations sur la Seine, eurent beaucoup de succès.
L’Électricité, la fée Électricité, fascinait. Jacques Duquesne rapporte, dans sa préface, les propos de Paul Morand dans son livre « 1900 ». L’écrivain n’était pas loin de considérer que l’électricité est le nouvel opium du peuple.
L’Exposition était divisée en 18 sections qui couvraient tous les domaines. Aucune ne concernait les religions, sujet particulièrement sensible en 1900, qui ne faisait pas bon ménage avec la science. En revanche, la Nation, le nationalisme, était le trait d’union de tous les habitants de la planète. Il n’y avait, en 1900, que trois républiques démocratiques dans le monde : les États-Unis d’Amérique, la Confédération helvétique et la République française. C’est dire que la compétition entre les nations était vive dans tous les domaines et particulièrement dans celui du commerce. L’Allemagne, déjà, encore et toujours, était omniprésente. Elle affichait ses prétentions, contrairement aux Anglo-Saxons, plus modestes.
Quand l’Exposition ferma ses portes, les organisateurs étaient satisfaits. L’Exposition universelle de 1900 avait dépassé toutes les expositions précédentes. L’objectif de 50 millions de visiteurs n’avait pas été atteint, mais il était sans doute trop ambitieux. Avec quarante millions de visiteurs, la France pouvait être fière de son exposition.
Le 18 août, les récompenses furent distribuées. Ce fut l’occasion pour le président Loubet, de prononcé un discours sur le thème de la solidarité. « L’Exposition de 1900 aura fourni à la solidarité son expression la plus brillante. Elle lui donnera une puissance nouvelle d’expansion et de persuasion. La solidarité, à qui nous devons de grande chose, rendra, dans l’avenir, plus fragile le triomphe de la force, mieux reconnue la souveraineté du droit ; elle imposera le règlement amiable des conflits internationaux et l’affermissement de la paix, toujours plus glorieuse que la plus glorieuse des guerres. Elle ne supprimera pas sans doute tout ce que les mauvaises passions peuvent enfanter de maux et de ruines, mais elle nous permettra d’apercevoir d’un peu plus près le but suprême vers lequel tendent les intelligences libres et les cœurs généreux : la diminution des misères de toute sorte et la réalisation de la fraternité. »
En revenant de l’Expo, le visiteur français était fier d’être français. L’époque était belle. C’était la Belle Époque !
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