Sans remonter plus loin, je date le commencement de l’enchaînement des erreurs et des occasions manquées, au 26 février 2001, c’est-à-dire au regrettable Traité de Nice qui, sous cohabitation en France, avait pour but de réformer les institutions afin que l’UE continue à fonctionner efficacement après l’élargissement à 25 États membres. Les modifications apportées ce jour-là à la composition de la Commission européenne et au système de vote au Conseil n’auraient jamais dû être acceptées par la France. Élargir, oui, mais pas dans de telles conditions.
Conscient des difficultés rencontrées, le Conseil européen de Laeken adopta en décembre 2001 une déclaration lançant le processus de révision des traités. La Convention sur l’avenir de l’Europe, composée de représentants des États, de députés nationaux et européens et de représentants de la Commission, présidée par Valéry Giscard d’Estaing, devait présenter des solutions avant juillet 2003. Le 13 juin 2003, fut adopté un projet de traité instituant une Constitution pour l’Europe. C’était un traité qui devait se substituer à tous les traités antérieurs.
Le 29 mai 2005, les Français ont rejeté à près de 55 % le projet de traité établissant une Constitution européenne soumis à leur suffrage par le président de la République. Trois jours plus tard, les électeurs néerlandais ont fait de même en se prononçant contre à plus de 61 %. Le Royaume Uni, la République Tchèque et la Pologne refusèrent d’engager le processus de ratification : l’Europe se retrouva une nouvelle fois en crise. Prenant acte de ces refus, le Conseil européen du 16 juin appela à une période de réflexion dans le processus de ratification, les Britanniques ayant déjà annoncé leur intention de suspendre leur référendum. Entrée dans l’une de ces crises qui rythment son existence depuis sa création, l’Europe a suspendu le projet de traité constitutionnel européen pour une période indéterminée.
À l’initiative d’Angela Merkel et de Nicolas Sarkozy, une conférence décida que serait élaboré un traité modificatif qui viendrait amender les traités existants et non s’y substituer. Ce traité fut signé le 13 décembre 2007 à Lisbonne. Le Conseil recommanda une ratification parlementaire du traité.
Ce traité ne présente aucun caractère constitutionnel : le ministre des affaires étrangères est remplacé par le haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité. Les règlements se substituent aux « lois ». Quelques éléments nouveaux apparaissent : les pouvoirs des parlements nationaux en sortent renforcés, la majorité qualifiée est reportée à 2014, la référence à la « concurrence libre et non faussée » est supprimée. Surtout, le traité dote l’Union d’une personnalité juridique : en un sens, il marque la naissance d’un État européen d’un point de vue du droit. Il accroît les possibilités de contrôle démocratique sur les questions de coopération judiciaire et le pouvoir du Parlement européen (champ codécision élargi, élection président de la Commission). En revanche, il comporte certaines dispositions du traité refusé par les peuples français et néerlandais, ce qui ne fut pas sans conséquences sur l’évolution de l’opinion publique, qui s’est sentie méprisée.
Le Président de la Convention sur l’avenir de l’Europe, Valéry Giscard d’Estaing, qui considérait que son projet était « la dernière chance pour l’Europe », fut extrêmement déçu et inquiet, ce en quoi, il ne se trompait pas.
Le 7 février 2007, le candidat à la Présidence de la République, Nicolas Sarkozy avait prononcé à Toulon un discours qui avait marqué les esprits. Par-delà le lyrisme qu’inspirent la Méditerranée et le volontarisme d’un candidat en campagne, il y avait, dans ce discours, un des principaux projets du futur Président et tous les ingrédients d’une brouille probable avec les Allemands. Rappelons le contexte : La France, après le NON au projet de Constitution européenne, avait perdu une grande partie de son poids dans les Institutions européennes. L’immigration et le terrorisme inquiétaient de plus en plus la population. Constatant que le Processus de Barcelone, lancé en 1995, était en panne, le candidat, et ses conseillers, avaient senti que l’idée de créer une Union Méditerranéenne était susceptible d’apporter des solutions à un certain nombre de ces problèmes. Dans l’euphorie de la campagne, et avec le souci d’être crédible, Nicolas Sarkozy détailla son projet comme si sa réalisation ne dépendait que de lui. Il imaginait l’entrée de la Turquie dans cette nouvelle Institution, envisageait la réunion périodique des chefs d’État et de gouvernements des pays concernés, un Conseil de la Méditerranée comme l’Europe a le Conseil de l’Europe, la création d’une banque méditerranéenne d’investissement sur le modèle de la banque européenne d’investissement, évoquait, pour la première fois, passée inaperçue, une politique de civilisation et esquissait au passage la nouvelle politique arabe de la France. Enfin, il n’hésitait pas à dire, pour rassurer sans doute ses partenaires, que cette Union Méditerranéenne aurait vocation à travailler étroitement avec l’Union Européenne.
La chancelière Angela Merkel a marqué très vite son désaccord. Ses objections étaient de trois ordres. Elle craignait que l’Union méditerranéenne n’instaure une sorte de division entre l’Europe du Nord, tournée vers l’Est, et celle du Sud, chargée des relations avec le Maghreb et le Machrek, minant la cohésion de l’UE. Elle ne comprenait pas le rapport entre cette nouvelle organisation et le processus de Barcelone, lancé en 1995 précisément en direction des pays du sud de la Méditerranée. Elle refusait enfin que le budget communautaire, dont l’Allemagne est le principal contributeur, assure le financement du projet Sarkozy.
Élu, le président Sarkozy entrepris, sur ce thème, une tournée dans le Maghreb, mobilisa ses homologues espagnol, italien, reçu Kadhafi, le bikbachi, avec des honneurs qui lui seront reprochés.
A suivre…
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