Qui aurait imaginé, il y a un an, que le 25 mai 2017, le président des Etats-Unis, Donald Trump, échangerait une longue et virile poignée de main à l’ambassade des Etats-Unis en Belgique, à Bruxelles, avec le président de la République français, Emmanuel Macron, avec ces propos élogieux : ? » C’est un grand honneur pour moi d’être avec le nouveau président de la France, qui a mené une campagne incroyable et a remporté une formidable victoire. Tout le monde en parle à travers le monde. Félicitations, bien joué ! « You were my guy » (« vous étiez mon choix »).
En mai 2016, Donald Trump, l’homme qui voulait être « la voix des oubliés », la voix de « ceux qui travaillent dur alors que plus personne ne parle en leur nom », n’avait pas encore été investi par le Parti républicain qui était très réservé à son égard.
Emmanuel Macron, le ministre de l’économie, n’avait pas encore lancé son mouvement « En marche ! ». La probabilité que François Hollande aspire à un second mandat était grande. Nicolas Sarkozy avait pris – in petto – la décision d’y aller, de « réussir ce que personne n’a jamais réussi en politique : un retour ». Dans ce but, il mettait la dernière main à un nouveau livre, « Tout pour la France », destiné à préparer la population à sa candidature.
C’était il y a un an, une éternité !
L’image de l’arrivée d’Emmanuel Macron au « mini-sommet » de l’OTAN, jeudi, sur fond de Marseillaise et du regard admiratif des 27 chefs d’Etat et de gouvernement arrivés avant lui, restera dans les mémoires comme le symbole de son épopée victorieuse.
Emmanuel Macron a non seulement relevé des défis qui paraissaient impossibles, mais il a aussi – et surtout – bouleversé le paysage politique français. Pour achever ce parcours auquel personne, ou presque, ne croyait, élu président de la République le 7 mai dernier, il a nommé Edouard Philippe, un homme de droite, proche d’Alain Juppé, au poste de Premier ministre avec pour première mission de remporter les élections législatives de juin et de constituer un gouvernement aussi surprenant qu’intéressant par la personnalité de ceux – et celles- qui le composent. Selon un sondage Ifop-Fiducial pour Paris Match, CNews et Sud Radio, publié le 24 mai, les candidats investis par La République en marche (LREM), le mouvement d’Emmanuel Macron, s’apprêterait à avoir la majorité absolue à l’Assemblée contrairement à ce qu’affirmaient, il y a encore quelques jours, les dirigeants des Républicains, seuls, selon eux, capables d’avoir la majorité. Les Français, cohérents, semblent décidés à voter majoritairement pour les candidats soutenus par le mouvement présidentiel comme ils l’ont toujours fait précédemment.
Les Français voulaient ce renouvellement sans sectarisme. Ils ont placé à la tête de l’Etat un homme qui, malgré son jeune âge, a de l’autorité ; une autorité qui fait déjà de lui un chef des armées, un dirigeant qui a des idées et la volonté de sauver l’Europe et la relation franco-allemande ; un stratège capable de pulvériser et surtout de ringardiser les partis politiques qui se partageaient, jusque-là, un pouvoir impuissant ; un homme politique capable, en deux temps et trois mouvements, de donner l’impression que François Baroin, Valérie Pécresse et Marine Le Pen ont, en quelques mois, vieilli de vingt ans.
Qui, en dehors de Gérard Colomb et de quelques-uns, aurait pu l’imaginer il y a un an. Confier le ministère de l’Economie et des Finances à la droite, des fonctions régaliennes et internationales au centre et à la gauche et les ministères sociaux et sociétaux à la société civile, était aussi audacieux qu’inimaginable. Audacieux, c’est le mot qu’il avait employé le soir de son élection. Si, les 11 et 18 juin, le plus jeune président de la République de la Ve République obtient la majorité dont il a besoin pour entreprendre les réformes qui figurent dans son programme, le bouleversement sera total.
Comment a-t-il pu réussir ce pari, ces défis, qui semblaient impossibles ? Pour répondre à cette question, il faut rembobiner le film et, en reconstituant le déroulement des événements qui ont abouti à ce succès, tenter de comprendre la personnalité et la stratégie appliquée par le nouveau chef de l’Etat. C’est ce que je vais faire dans les prochains jours.
Alors que la République gaullienne semblait à bout de souffle – j’avais écrit plusieurs articles sur ce thème – il semble qu’Emmanuel Macron ait eu depuis plusieurs mois la conviction que le moment était venu de revenir aux sources de la Ve République et d’en retrouver l’esprit. L’esprit, c’est-à-dire l’efficacité et le rassemblement. L’esprit de 1958 pour sortir à nouveau le pays de l’impasse dans laquelle il s’est enfermé. L’esprit aussi dans l’attitude du chef de l’Etat, dans le partage des tâches entre le président de la République, dépositaire de la vision et du temps long, et le Premier ministre en charge du quotidien et de l’événementiel. Etre un président « jupitérien », pour ne pas dire « césarien » était manifestement son ambition !
Il y a un an, les instituts de sondages observaient à la fois une aspiration de la population au renouvellement du personnel politique, un désir d’unité nationale et d’indéniables inquiétudes identitaires que l’immigration et le terrorisme nourrissent. La droitisation de la société française n’était pas nouvelle. C’est une tendance lourde et constante avec une demande d’autorité croissante. Le « rêve européen » serait devenu un cauchemar et la mondialisation la source de toutes les difficultés. Tenir un discours européen et libéral n’était pas à la mode. Soutenir qu’il fallait mettre en œuvre une politique qui libère les énergies et permette à la France de retrouver un niveau de croissance dans la moyenne européenne, paraissait utopique. Se présenter, dans ce contexte, comme un réformateur et un europhile, était encore plus osé.
Peu nombreux étaient alors ceux qui se souvenaient que, le 26 août 2014, sur le perron de l’Élysée Jean-Pierre Jouyet, le secrétaire général de la présidence de la République, avait annoncé, avec un sourire qui en disait long, la nomination au poste de ministre de l’Economie de son protégé Emmanuel Macron, que le grand public ne connaissait pas, mais que la haute administration, et notamment l’inspection des Finances, connaissaient bien.
Les déçus et revanchards sont convaincus que l’élection d’Emmanuel Macron est une sorte de « coup d’Etat démocratique » soigneusement préparé par la haute fonction publique, des médias puissants et un certain nombre de grands patrons. J’ai évoqué ce sujet dans mes précédents articles. La surprise, l’exploit réalisé, la prouesse inimaginable, alimentent évidemment cette thèse. Ce qu’il a réussi à faire est à la fois beaucoup plus simple et compliqué. C’est avant tout du talent, une volonté et de la chance. Il a un modèle : Barack Obama et un principe : le secret. Avec lui, il ne devrait pas y avoir de copinages avec les journalistes. Prenant modèle sur Obama, la communication sera totalement maitrisée. Il ne veut pas de connivence. Il veut que chacun soit à sa place. Ni de droite ni de gauche, mais de droite et de gauche, « en même temps », Emmanuel Macron a, dès le début de son épopée, voulu être le candidat du renouveau, de la rupture.
Il y a un an, dans un entretien au journal » Le Monde « , Nicolas Sarkozy avait déclaré que « la gauche n’avait pas pris la mesure du changement d’époque« . La droite non plus, à l’évidence. Le professeur Olivier Duhamel avait pourtant prévenu : » Pour comprendre le monde tel qu’il est, l’histoire est essentielle. Cela montre comment ce scrutin domine tous les autres, comment il cristallise les passions, les ambitions, les espoirs, les déceptions «, le passé apprend » qu’une élection n’est jamais jouée d’avance, que certains événements pèsent sur le résultat final. Et aussi que nous sommes un peuple qui, bien que mécontent des hommes politiques, adore la politique « ,
À suivre…
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