La photo sur laquelle Barak Obama, François Hollande, David Cameron et Mateo Renzy, semblent faire leurs adieux, alors qu’Angela Merkel poursuit sa route, les mains jointes, a fait le tour du monde sur les réseaux sociaux. Cette photo est en effet étonnante.
Quelle période ! Dominique Moïsi, politologue de grand talent, conseiller spécial de l’IFRI (Institut français de relations internationales), a coutume de dire : « Nous vivons des crises exceptionnelles avec des dirigeants qui ne le sont pas ». En peu de mots, tout est dit !
Barak Obama a trop souvent hésité, après l’interventionnisme de George W. Bush. Ces hésitations, en Syrie, notamment, ont créé un vide dans lequel un certain nombre d’États, qui tentent de restaurer leur puissance (Russie – Turquie) ou qui ont des ambitions de puissance régionale (Chine-Iran), sans parler des organisations terroristes érigées en pseudo-Etat (EI), s’engouffrent économiquement et militairement. Sa prudence excessive a créé les conditions d’un monde instable, dangereux. L’Union européenne, trop arrimée aux États-Unis, trop divisée, sans leadership, n’a pas su profiter de cette période pour asseoir sa puissance. Les zones de conflits se multiplient donc (Syrie, Irak, Gaza, Crimée, Ukraine) depuis que l’Amérique ne veut plus être une hyperpuissance, être le gendarme d’un monde qui a peur.
Peur de Poutine, avec qui il faut parler, comme si c’était facile. Formé par le KGB, le président russe ne connaît que le rapport de force. Il a un but : reconstituer un empire. Pour atteindre ce but, il étend sa zone d’influence. Il avancera jusqu’à ce qu’il rencontre une résistance que ses forces militaires ne pourraient dissuader. Dans la compétition à laquelle se livrent les États désireux de se constituer – ou reconstituer – un empire, la Chine dispose, sur le plan économique notamment, de moyens très supérieurs à ceux de la Russie.
Peur d’Erdogan, qui, avec des méthodes d’un autre siècle, n’a, lui aussi, qu’une idée en tête : Reconstituer une sorte d’Empire ottoman en cultivant le nationalisme. Grisé par le pouvoir, il ne cesse de détruire la Turquie moderne, s’éloigne de l’Europe démocratique et regarde vers le Moyen-Orient qui ne connaît que les régimes autocratiques.
Peur de l’Iran, qui veut à tout prix être une puissance régionale reconnue et, dans ce but, soutient et finance la lutte à mort à laquelle se livrent Chiites et Sunnites dans la région.
Les Nations unies n’ont, comme attributs de la puissance, que le droit, les règles acceptées par tous. Que pèsent les valeurs, nos valeurs, dans un monde en recomposition par la force, face à des valeurs inverses ? Le repli américain et les ambitions d’un certain nombre d’États, réduisent la puissance de l’ONU à bien peu de chose. La gouvernance mondiale est en crise au plus mauvais moment, au moment où le monde politique est à bout de souffle et où les peuples expriment leur colère.
Sur la photo, David Cameron semble prendre congé avec un petit sourire. Il ne devrait pourtant pas être fier de lui. Il avait pris un risque énorme avec ce référendum, alors qu’il venait d’obtenir du Conseil européen des concessions exorbitantes. En guise de remerciements, il avait entamé sa campagne en disant tout le mal qu’il pensait de l’Europe pendant que son rival, Boris Johnson, l’ancien maire de Londres, comparait les pratiques de la Commission au nazisme. David Cameron, sur la photo, semble avoir oublié que le 9 mai, il avait déclaré que « le Brexit augmenterait les risques de guerre en Europe, peut-être même de guerre mondiale ». Rien que ça !
Après le Brexit, tout le monde pensait qu’Angela Merkel et François Hollande profiteraient de la célébration du centenaire de Verdun pour prendre des initiatives et relancer le projet européen. Il n’en fut rien. Ils n’en avaient ni les idées, ni les intentions. Qu’attendaient-ils ? De nouveaux référendums, de nouveaux Brexit. Les Européens veulent plus de sécurité, des frontières plus sûres, des institutions européennes plus démocratiques. Restaurer, ou retrouver, l’esprit européen, ne devrait tout de même pas être une tâche insurmontable !
La Commission européenne a fait tout ce qu’elle a pu pour sauver M. Renzi au risque d’agacer l’Allemagne et les Pays-Bas, hypersensible dès qu’il s’agit de relâcher la politique d’austérité européenne. L’Italie est confrontée à un grave problème d’immigration en provenance majoritairement de Libye. L’échec de Matteo Renzi confirme, s’il en était besoin, que les référendums sont aujourd’hui le meilleur moyen de perdre le pouvoir. Les méthodes et les postures de Matteo Renzi ne pouvaient, à la longue, que braquer l’opinion et profiter à la Ligue du Nord de Matteo Salvini et au Mouvement 5 étoiles de Beppe Grillo. Adieu Matteo Renzi au sourire un peu ironique sur la photo prophétique.
Exit aussi François Hollande. Son intervention assez pathétique, à la télévision, le jeudi 1er décembre, pour dire qu’il ne se présenterait pas à la présidentielle de 2017, n’a dissipé aucun des mystères qui ont caractérisé son quinquennat. » J’ai décidé de ne pas être candidat à la présidentielle « , a-t-il déclaré devant 14,2 millions de téléspectateurs sur TF1, France 2 et M6, (selon Médiamétrie) qui s’attendaient à ce qu’il annonce sa candidature malgré le corner dans lequel il s’était enfermé depuis des mois. C’est la première fois qu’un chef de l’État, après un seul mandat, renonçait, de lui-même, à briguer un second mandat. L’annonce de cette déclaration, une heure seulement avant que le chef de l’État apparaisse sur les écrans de télévision, a pris de court tous les journalistes et leurs médias. Quel aveu d’échec !
François Hollande est pourtant convaincu que l’Histoire revalorisera son bilan. » Je porte un bilan et j’en assume toute la responsabilité. » dit-il, avant de se livrer à une critique sévère du volet social du programme de François Fillon.
» Un président ne devrait pas dire ça… « , le livre des journalistes du Monde Gérard Davet et Fabrice Lhomme (Stock, 672 p., 24,50 €), et la pression exercée par Manuel Valls, par certains de ses proches (Michel Sapin, Jean-Yves Le Drian) et, paraît-il, sa famille, ont finalement fait pencher la balance du côté du renoncement.
Les opinions publiques, aux États-Unis comme en Europe, sont exaspérées, ne comprennent pas l’impuissance de leurs dirigeants politiques et ne trouvent d’autre solution que de rejoindre les partis extrémistes et populistes qui promettent des mesures radicales pour faire face aux menaces. L’Europe, qui a dominé le monde pendant des siècles, donne l’impression d’être paralysée par son histoire, ses valeurs, son humanisme. Les conseils européens, celui qui aura lieu demain ne fera sans doute pas exception, n’apportent aucune réponse.
Dominique Moïsi, a sans doute raison quand il dit : « Nous vivons des crises exceptionnelles avec des dirigeants qui ne le sont pas »
Laisser un commentaire