Après quelques jours passés à Cahors, je poursuis le bilan provisoire du quinquennat dans le domaine du logement.
« Passer d’urgence des paroles aux actes », comme le réclamait le président de la Fédération des Promoteurs à la fin de l’année 2014, n’est pas chose facile dans notre pays. La production parlementaire, même quand le gouvernement s’affranchit des longues journées de discussion, des milliers d’amendements déposés, de la navette entre les assemblées, en légiférant par ordonnances ou à coup de 49-3, il faut des mois, quand ce ne sont pas des années, pour que des mesures urgentes entrent pleinement en application. La technocratie et la bureaucratie, malgré toutes les promesses de simplification, atteignent aujourd’hui un niveau qui, jadis, caractérisait les régimes communistes.
Bref, à la fin de l’année 2014, le gouvernement ne parvenait toujours pas à recréer de la confiance, condition nécessaire sinon suffisante pour que la relance de la construction s’enclenche avec des offres de logement qui correspondent aux besoins et aux attentes de nos concitoyens. La situation était même jugée alarmante par les professionnels. Proportionnellement à la population française actuelle, la production de logement neuf (moins de 300.000 logements mis en chantier en 2014), était tombée au niveau de celle de la fin des années 1940.
L’économiste Jean-Hervé Lorenzi, déclarait à la presse qu’il « faudrait lancer un plan d’urgence ambitieux pour faire passer sur deux ou trois ans la construction annuelle de logements neufs de 300 à 400 000, accompagné de facilités de crédit. Cela permettrait de relancer l’emploi – un logement permet de créer 1,8 emploi – et la croissance. En huit à dix mois, on pourrait ainsi créer 100 000 emplois. » Les économistes sont unanimes. L’effondrement de la construction de logements a entraîné une perte de 0,6 point de PIB.
On est très loin des 500 000 chantiers promis par François Hollande pendant sa campagne. Il ne sert plus à rien de répéter que « Cécile Duflot n’a pas fait une politique du logement, mais qu’elle s’est servie du logement pour faire de la politique ». Le Premier ministre Manuel Valls parle d’or quand il déclare : » Il nous faut une loi sur le logement. Elle existe, mais si nous avons une loi sur le logement qui ne permet pas le redémarrage du logement, cela veut dire qu’il faut apporter un certain nombre de modifications « . Des mesures efficaces, vite, vite, pour relancer la croissance et diminuer le chômage.
Les idées ne manquent pas, chacun propose sa solution.
Benoist Apparu, ancien ministre (UMP) du Logement, préconise « un choc d’offre en réduisant pendant cinq ans les plus-values de cession sur le foncier. » La Fédération du Bâtiment réclame une relance de la construction par une relance de la primo-accession à la propriété. « Pour arriver aux 500.000 logements promis par François Hollande, il faut faire 130.000 primo-accédants par an ».
Des voix s’élèvent pour réclamer un choc d’offre en réduisant pendant cinq ans les plus-values de cession sur le foncier. » D’autres, proposent de » suspendre de nombreuses normes liées au handicap, aux normes sismiques et au nombre de parkings, » de » réduire les coûts de construction en baissant la taille moyenne des habitations et les règles gabaritaires fixées par le PLU (hauteur, prospect, emprise). Bref, il faut densifier avec moins de contraintes. Pas si simple, de nombreux maires s’y opposent et ont le pouvoir de mettre en place de nouvelles règles.
Au mois de février 2015, François Fillon a présenté une batterie de propositions visant à refonder la politique du logement en France. Il propose d’abroger la loi Alur afin d’en finir avec l’encadrement des loyers qui aurait, selon lui, pénalisé la construction de logements. Il propose également de « réformer en profondeur le logement social ». L’ancien Premier ministre propose également de baisser le plafond des ressources donnant accès à un logement social et d’intégrer les aides au logement dans un dispositif de prestation sociale unique. Il propose aussi d’alléger la fiscalité sur le logement, avec, notamment, des règles « établies pour cinq ans », « l’instauration d’une TVA à taux réduit pour l’acquisition de la résidence principale ou pour un investissement locatif long » ou encore la « réduction du coût des hypothèques pour alléger les charges sur les accédants à la propriété ». François Fillon préconise enfin de faciliter la vente de logements HLM aux locataires et « la création d’une prestation sociale unique » qui remplacerait toutes les aides sociales (RSA, prime pour l’emploi, APL…).
Au mois de février 2015 également, le think tank Terra Nova, proche du parti socialiste, préconisait trois mesures fortes plutôt que de continuer à mettre en place des « mesurettes » qui ne produisent pas les effets escomptés.
Dans une note publiée le 13 février, il était écrit que « Si toutes les mesures mises en place à travers les plans de relance successifs vont dans le bon sens, elles tardent pour certaines à porter leurs fruits. Elles sont sous calibrées. Le think tank estimait dans cette note « qu’il vaut mieux prendre peu de mesures, mais des mesures politiques et lourdes, plutôt que des séries d’ajustements qui arrivent au compte-goutte et qui créent une instabilité. La quarantaine de petites mesures prises depuis la loi Alur crée une incertitude ». Il suggérait « que le gouvernement prenne peu de mesures et qu’il n’en change pas jusqu’à la fin de la mandature pour sécuriser les acteurs de l’immobilier et de leur donner un cadre ». Bravo, mais c’est bien sûr !
Terra Nova considère qu’il y a des priorités dans les mesures à prendre. La principale porte sur le déblocage de l’offre et non pas sur la solvabilisation des ménages. Dans le contexte budgétaire contraint qui est le notre, la solvabilisation des ménages n’est pas une priorité. La baisse des taux d’intérêt est actuellement suffisante pour resolvabiliser. Il faut faire sauter les verrous, le think tank, dans cette note, recommandait trois orientations. La première est de donner un coup de pouce aux maires bâtisseurs en leur allouant une enveloppe de 500 millions d’euros sous forme de dotation de fonctionnement. Pour financer ces 500 millions, il préconisait de supprimer l’abattement de 30% sur la valeur de la résidence principale qui rentre dans l’impôt de solidarité sur la fortune. La deuxième orientation consisterait à libérer le foncier et à inciter les propriétaires de terrains constructibles à vendre. Ce n’est pas nouveau, mais pour y parvenir, il faudrait, selon Terra Nova, actualiser les valeurs de base (valeurs locatives cadastrales) qui servent à calculer la taxe foncière. Ces valeurs datent de 1960 pour le non bâti, ce qui a pour conséquence de rester très inférieures à la valeur locative du marché. « En réactualisant la taxe foncière sur une valeur économique, le propriétaire qui ne veut pas vendre en paierait chaque année le prix ». La France est le seul pays qui n’impose pas un délai de construction sur un terrain constructible.
Terra Nova n’ignore pas que pour obtenir des résultats, les capitaux privés, découragés, devaient être stimulés, pour relayer en partie les finances publiques qui ne peuvent plus financer le logement faute de marge de manœuvre budgétaire. C’est ce que le général de Gaulle, Antoine Pinay et Pierre Sudreau avaient compris et fait en 1958 avec la création des « sociétés immobilières conventionnées » garanties par l’Etat pendant vingt-cinq ans contre toute mesure législative ou règlementaire qui priverait ces sociétés du droit de percevoir l’intégralité des loyers de référence fixés par convention passée entre elles et l’administration. Elles bénéficiaient d’une exonération de l’impôt sur les sociétés pendant vingt-cinq ans pour le revenu, d’une exonération pendant la même durée de la taxe proportionnelle sur les revenus des actions émises par ces sociétés ainsi que sur le produit des emprunts contractés par elles. Sous certaines conditions, elles bénéficiaient également d’une exonération des plus-values réalisées lors de la cession ou du remboursement des actions ou obligations émises par ces sociétés.
Terra Nova, aujourd’hui, propose d’inciter, pour ne pas dire d’imposer, aux investisseurs institutionnels qui drainent 20 milliards d’euros chaque année pour l’assurance-vie, de participer significativement à l’effort de construction de logements intermédiaires nécessaire en contrepartie d’avantages fiscaux à définir.
Nul n’ignore, surtout à Bercy, que la relance de la demande, pas plus que la politique de l’offre, ne donne de résultats à court et moyen terme, que promouvoir des mesures de défiscalisation est coûteux pour le budget de l’Etat et qu’encourager l’accession à la propriété est inflationniste. Ce n’est pas une raison pour ne rien faire. La formule d’Edgar Faure : « L’immobilisme est en marche, rien ne l’arrêtera ! » fait toujours rire, mais il ne faut pas en abuser.
A suivre….
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