Ignorantus, ignoranta, ignorantum


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Je ne sais plus quel est le Professeur de médecine qui avait écrit, au début d’un de ses ouvrages, que « pour être franc, la plupart des médecins préféreraient être vétérinaires, car le patient ne se plaint jamais, ne pose pas de questions et maintenant, avec internet, ne prétend pas en savoir plus que le médecin ». C’était peut-être le Professeur Hamburger ou le Professeur Jean Bernard.
Au cours des deux heures que je viens de passer chaque jour, pendant huit mois, à l’hôpital Raymond Poincaré à Garches, j’ai pu observer les comportements. Ils ont en effet beaucoup changé depuis quarante ans, si l’on prend en compte la rupture de mai 68. Les professeurs, les « mandarins », et les médecins, en général, ne gardent plus leurs distances, ne se réfugient plus derrière quelques mots latins et de nombreux néologismes pour dialoguer avec leurs patients. Les Français, qui ne tolèrent plus la moindre douleur, ne supplient plus, ils exigent des médicaments dont ils ont entendu parler et semblent, malgré les progrès considérables, ne plus avoir la même confiance dans la science. C’est triste et grave.
Le professeur Maurice Tubiana, dont j’ai parlé dans mon dernier billet, raconte, à la page 251 de ses Mémoires, un souvenir édifiant : « Un de mes amis, mathématicien, avait un cancer de la prostate. Il me demanda de lui conseiller un urologue dans la ville où il habitait, ce que je fis volontiers. Dix jours plus tard, je rencontrai cet urologue ; je lui demandai comment la consultation s’était passée. « Votre malade, me répondit-il, est charmant et fort intelligent, mais jamais dans ma vie je n’ai été autant humilié. Il est arrivé à mon cabinet avec un dossier où il avait colligé tous les articles récents, avec commentaires, tous les protocoles thérapeutiques disponibles et était beaucoup plus au courant que moi des dernières nouveautés. C’est lui qui m’a fait passer un examen. Heureusement, il a compris qu’il ne suffisait pas d’avoir réuni une documentation, il fallait en tirer les conclusions adaptées au malade et, là, il s’égarait. »
La fréquentation quotidienne de l’hôpital permet de prendre la mesure de la charge de travail du personnel soignant, de son dévouement, de sa bonne humeur permanente. Médecins, infirmières, kinés, aide-soignants, aiment leurs malades. Ils ont choisi ce métier pour servir. Rares sont ceux qui ne montrent pas leur motivation. Ils ont pourtant leurs problèmes, eux aussi. Si les médecins ont longtemps été mystérieux, distants, fatalistes car les moyens dont ils disposaient étaient limités, ce n’est plus le cas aujourd’hui. On pourrait seulement regretter un hyper spécialisation qui limite leur champ d’action. L’information du malade a fait des progrès considérables. Il reste encore cependant à gérer les décisions collectives et le partage des responsabilités. Ce n’est pas une mince affaire.


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