Ce « Propos » d’Alain, n’a pas pris une ride. Les certitudes d’un des principaux candidats à l’élection présidentielle et l’étonnante légèreté de la favorite des sondages commencent à inquiéter les Français à moins de trois mois de ce grand rendez-vous avec le peuple français. La progression de François Bayrou, en contre point, paraît moins étonnante. Il n’est pas le favori, ce qui, en France, est un avantage et parle plus juste de l’Etat et des préoccupations des Français. Sa grande culture lui interdit de sacrifier à la mode, à la pression des médias, aux vérités d’un jour, aux entourages, aux experts de toutes sortes. Il ne lit pas les discours des autres qui ressemblent souvent à ces films américains mal doublés, tant les propos tenus ne collent pas avec le personnage. Sans avoir la sagesse d’Alain, il sait que les gens confondent tout, se fâchent à propos de tout et n’essaient même plus d’y voir clair. Il sent que tout ce qui gêne les Français est injuste, qu’ils s’en prennent pêle-mêle à l’Etat, aux parlementaires, aux fonctionnaires et que chacun d’eux se sent en permanence visé. Le civisme, la pureté des mœurs ? Que l’Etat commence ! C’est l’Etat fraudeur et tracassier qui fait les fraudeurs et les révoltés…Bien sûr, les gens exagèrent, leur manière de généraliser est simpliste, mais Bayrou sent, jusqu’ici mieux que les autres, que si l’Etat, sa Justice, son Education, ses Finances ne redeviennent pas exemplaires, les réformes nécessaires et indispensables ne seront pas possibles.
Le civisme devrait être la chose la mieux partagé dans un pays comme le nôtre. Il n’est possible dans le peuple que s’il n’est pas absent des institutions et s’il anime en permanence les gouvernants, les parlementaires, les hauts fonctionnaires, les principaux chefs d’entreprises. Certes, on ne peut attendre, pour être juste, courageux et désintéressé, que tout le monde, du haut en bas de l’échelle, soit juste, courageux et désintéressé, mais on comprend que certains, voyant des élites se moquer des autres, s’enrichir de manière insolente et être peu regardant sur les moyens employés, en arrivent à se dire : « Pourquoi pas moi ? »
Jadis, à l’Ecole Primaire, il y avait des heures « d’éducation civique ». Les enfants y apprenaient, tout jeunes, ce qu’étaient la République, la Constitution, l’Administration du pays, les formes politiques de la démocratie et la nature juridique et morale de la souveraineté du peuple et des lois de la République. A coté de cette description, il y avait des « leçons de morale civique » qui font sourire aujourd’hui. Ce qui fait moins sourire, c’est que tout le monde sent bien ce qui manque aujourd’hui aux enfants de France dans un monde devenu si complexe et que personne ne leur explique. Il ne faut donc pas s’étonner qu’au lieu de bons « petits citoyens », on voit se développer la débrouillardise, qui, paraît-il, prouve l’intelligence mais qui conduit à la fraude permanente et au mépris pour ceux qui, scrupuleux, sont traités de « poires ». Il faut donc un sérieux coup de barre dans ce pays pour que les réformes puissent être entreprises.
En 1988, 1995 et 2002, l’élection présidentielle n’a pas été l’occasion d’un débat de qualité dont la France a besoin. Les Français sont de plus en plus préoccupés. Les sondages le montrent. Ils ne croient plus aux promesses jamais tenues. Les Français sont sur leur faim. Ils n’accepteront des réformes que si l’Etat montre l’exemple en étant économe de l’argent public, en étant plus efficace, plus généreux pour les plus défavorisés, mais seulement pour ceux là. Les Français sont conscients des efforts à entreprendre pour remettre les finances publiques en ordre et au service de la croissance économique. Ils savent qu’il faut restaurer le système d’éducation, favoriser la recherche, promouvoir la connaissance, mais ils vont, le jour de l’élection, voter pour celui (ou celle) chez qui ils auront senti la plus grande sincérité et la plus grande probité. Réformer le pays, c’est d’accord, mais que l’Etat, avec son nouveau chef, commence par montrer l’exemple.
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