Assez


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Comment laisser passer le 29 mai sans jeter un œil triste sur l’évolution de l’Europe. Soyons clairs, la conception anglo-saxonne l’a emporté sur le modèle rhénan. Le grand marché européen, libéral, acteur de la mondialisation, s’oppose au capitalisme régulé, devant assuré le plein emploi, une forte protection sociale et une maîtrise de la création monétaire. Cette conception du capitalisme, comme l’explique fort bien Michel Rocard, a petit à petit était contournée par les fonds de pension et autres hedge funds qui ont imposé leur stratégie au monde entier. L’Europe, et son modèle rhénan, ne pouvait pas s’y opposer durablement avec une croissance insuffisante et une obstruction britannique continuelle. Cette opposition de doctrine et de vision trouve sans arrêt des cas d’application. Le projet d’OPA de Mittal sur Arcelor n’est pas autre chose que l’opposition de ces deux conceptions. L’Europe sociale est morte. L’actionnaire l’a emporté sur le salarié.
Michel Rocard accuse violemment, en connaissance de cause, le Conseil des ministres d’avoir « assassiné l’Europe » par ces décisions ou son absence de décision. C’est là, sous l’influence des Anglais et d’une manière générale des ultra-libéraux, que tout a été fait pour entraver l’Europe politique et l’Europe sociale. Il ne faut pas se faire d’illusion, les principaux pays comme la France, l’Allemagne, l’Italie, la Grande- Bretagne et maintenant l’Espagne et le Portugal sont, qu’ils le veuillent ou non, des « protectorats américains » depuis la fin de la guerre.
La Commission européenne actuelle, n’en déplaise à mon ami Jacques Barrot, européen sincère, est en majorité de conception libérale et ne peut, de ce fait, être le moteur du renouveau. Manuel Baroso, préconise, pour sortir de la situation actuelle, après le NON français et néerlandais, « une Europe des projets », c’est-à-dire la généralisation de la méthode des coopérations renforcées. Membre du conseil d’administration d’EURODEFENSE France, je ne peux que m’en réjouir mais il s’agit d’un ersatz qui amplifie l’Europe à deux vitesses, « le directoire des Grands » cher à Nicolas Sarkozy, le noyau dur périodiquement évoqué comme une martingale pour compenser l’insuffisance d’Europe. Jean Claude Juncker a raison de dire que » la paix en Europe ne suffit plus à sous-tendre le projet et qu’il faut d’urgence prouver la valeur ajoutée par des actions concrètes. » Le Conseil des ministres réfléchit. Il va réfléchir jusqu’à la fin de l’année 2008 comme si l’Europe avait l’éternité devant elle alors que les Etats-Unis, la Chine, l’Inde, mais aussi la Russie ou le Brésil sont engagés dans une compétition sans merci.
Non, assez, les Européens convaincus ne peuvent qu’être tristes. Leur espérance, leur projet sont en hibernation.


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