Bahia ou Salvador, de son vrai nom : São Salvador da Bahia de Todos os Santos (« Saint Sauveur de la Baie de tous les Saints ») est située au bord de la baie du même nom. Comme les Bahianais, qui ont la réputation de ne penser qu’à faire la fête, les joueurs de l’équipe de France de football se souviendront toujours de la joie, du bonheur, qu’ils ont ressenti, hier soir, en quittant la ville aux 367 églises, une pour chaque jour de l’année, plus une pour le jour bissexte de février … Dans l’avion qui les ramenait à Ribeirao Preto, leur camp de base, les joueurs devaient se demander s’ils avaient rêvé. A Bahia, « on ne sait jamais ce qui est vérité ou légende », écrivait Jorge Amado, l’auteur de Jubiaba (Bahia de tous les saints), publié en 1935.
De cette ville, ils n’ont sans doute rien vu en dehors du stade, de leur hôtel de luxe et de la traditionnelle promenade après déjeuner, plus propice à la concentration qu’à l’émerveillement devant tant de beauté. Ancienne et première capitale du Brésil, de 1549 à 1763, la capitale Bahianaise ne ressemble à aucune autre ville du Brésil. L’influence de l’Afrique est présente en permanence. Classé par l’Unesco au Patrimoine Culturel de l’Humanité, le centre historique de Salvador offre aux visiteurs plus de 800 édifices qui datent de l’époque coloniale. Le Carnaval, mais aussi de nombreuses fêtes religieuses, attirent, chaque année, des foules considérables.
Dans « Bahia de tous les saints », Jorge Amado, né en 1912 dans une plantation de cacao, au sud de la province de Bahia, raconte la vie quotidienne des habitants, des indiens, des Européens, des noirs, (« nègre » dans le roman, pour rappeler que la condition d’esclave n’est pas si lointaine), des blancs, des métis qui peuplent cette ville dans la première moitié du XXème siècle. Ce chef-d’œuvre de la littérature est le récit de la vie d’un noir bahianais, Antonio Baluduino, à la recherche d’un sens à sa vie et qui, pour cela, pratiquera tous les métiers, tous les modes de vie : mendiant, travailleur dans les plantations de tabac, boxeur, employé dans un cirque, hors-la-loi. Le lecteur découvre les aventures d’Antonio Baluduino, incarnation de l’homme noir déraciné, à la recherche de la liberté, de la dignité humaine, en même temps qu’il découvre les rues de Bahia. C’est un très beau roman sur la condition des noirs, les chants, les danses, des hommes et des femmes aux races, aux sangs et aux cultures mélangés.
Le roman ne commence pas par une partie de football, mais par un match de boxe qui oppose Baldo à un Allemand qui prétend être champion d’Europe Centrale. La métaphore est réussie, elle n’a pas pris une ride. La foule acclame son champion, le « tombeur de blancs ». Quand il vacille, les spectateurs l’aident à se ressaisir et à vaincre.
Vendredi soir, dans l’Arena Fonte Nova, les joueurs français, grisés, euphoriques, après le phénoménal coup de tête d’Olivier Giroud qui amena le premier but à la17ème minute et la chevauchée de Matuidi qui se termina, une minute plus tard, par une frappe dans l’angle fermé qui donnait aux Français une balle de 2 à 0, se sont rués à l’assaut des buts suisses. Heureux de retrouver une place de titulaire, Olivier Giroud, avec ses grandes jambes, était partout et même très haut et limite quand il a mis K.-O. le Suisse, Steve von Bergen, et heurté le front de Stephan Lichtsteiner, au lieu du ballon !
Il est assez rare de voir les Français s’imposer physiquement sans commettre de faute. Il est indéniable qu’avec un avant-centre comme Olivier Giroud, les Bleus ont la possibilité de varier le jeu, de jouer long, à « l’allemande », ce que les Espagnols ne peuvent plus faire. Didier Deschamps a, avec Karim Benzema et Antoine Griezmann, notamment, plusieurs solutions tactiques qui vont commencer à inquiéter nos futurs adversaires.
Ainsi donc, les Bleus se rapprochent d’un huitième de finale à Brasilia contre une équipe a priori moins redoutable et redoutée que l’Argentine. L’équipe, et son sélectionneur, méritent d’être félicités pour leurs débuts dans la compétition. Plus personne, dans la presse, ne parle de Ribéry et de Nasri. Comme c’est curieux ! Avec Deschamps, les ego hypertrophiés sont priés de s’abstenir. Comme l’avait fait avant lui, Aimé Jacquet, Didier Deschamps a privilégié l’esprit d’équipe, le don de soi et les valeurs sans lesquelles il n’y a pas de réussite possible.
Le journal « L’Equipe » écrivait ce matin que tout cela a « un petit air de 1958 ». C’est très juste, avec la créativité de Kopa et le nombre de buts record marqués par Just Fontaine. Cette évocation ne pouvait que ressusciter, chez moi, des souvenirs. Amateur – et pratiquant – dans une honorable équipe de promotion d’honneur à Cahors, je m’étais évidemment passionné pour le beau parcours de l’équipe de France en Suède. A l’époque, ma bonne ville ne pouvait pas encore recevoir la télévision. Avec Dédé Melet et Roland Lavaud, les gloires locales du rugby à XV, nous nous étions rendus à Mercuès, chez le Père Nadal, pour regarder le match France-Brésil, en noir et blanc, sur l’unique récepteur de la commune. Mercuès, perché sur un haut escarpement rocheux qui borde le Lot, est situé à huit kilomètres de Cahors. La France s’était inclinée 5 à2 par la faute d’un jeune inconnu : Pelé, qui n’avait que 17 ans.
Nous étions rentrés à Cahors très déçus, mais quel beau souvenir !
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