1994 – 1995
L’heure était grave au début de l’année 1994. Les en-cours immobiliers, entre 400 et 500 milliards de francs, pesaient extrêmement lourd sur la santé des banques françaises. Le mécanisme du ratio Cooke jouait à l’envers, c’est-à-dire que, par exemple, un milliard de créances perdu se traduisait pas 12 milliards de crédit en moins pour les entreprises et les ménages.
Pour COGEDIM, la crise se traduisait par des pertes qui rendirent nécessaire une recapitalisation de l’entreprise. L’actionnaire principal, Paribas, faisait son devoir, mais le coup était rude. De nouveaux immeubles furent cependant mis en vente : dans le XVIe, avenue Raymond Poincaré, rue Franklin, rue Mesnil, une résidence Hespérides boulevard Malesherbes ; à Levallois, rue Ernest Cognac et rue Marius Aufan ; à Neuilly, neuf hôtels particuliers dans l’Ile de la Jatte, à Antony et à Sceaux. Sur la Côte, à Cannes et à Mougins.
Le GAN avait confié à COGEDIM la maîtrise d’ouvrage déléguée de l’immeuble destiné à recevoir la Fondation Cartier, boulevard Raspail. L’immeuble, achevé, fut inauguré le 1er mars 1994. L’architecte, Jean Nouvel, reçut les félicitations méritées des très nombreuses personnalités qui furent conviées à cette manifestation.
COGEDIM profita du Festival de Cannes, le 27 mai 1994, pour mettre en vente le « 77 La Croisette ». Les immeubles neufs, sur la Croisette, ne sont pas fréquents. En dehors du « Noga Hilton » et du « Gonnet de la Reine », à caractère hôtelier, il fallait remonter à la construction de la Réserve Miramar dans les années cinquante, au « Grand Hôtel », construit en 1965, ou au « Palais Croisette », en 1975, pour trouver des immeubles neufs. La commercialisation, malgré la crise, fut un très grand succès.
Le marché immobilier parisien, quant à lui, n’était plus un marché, il ne restait que des fins de programmes dans lesquels il y avait souvent moins de 3 logements à vendre. C’était un marché d’antiquaires ou de timbres poste ! Emmanuel Edou, le nouveau directeur de la Construction, au ministère du Logement, eut, lors du Salon du Figaro, ce mot qui résumait bien la situation : « C’est le printemps de l’immobilier. Mais, comme toujours au printemps, il y a encore des averses et des giboulées ! »
Le président-fondateur, Michel Mauer, ayant fait valoir ses droits à la retraite, après avoir nommé deux directeurs généraux, Yves Jacquet et Michel Desmoulin, c’est à Henri Caro, ancien vice-président de la holding immobilière du groupe Bouygues, ancien président de Kaufman § Broad Développement, qui présidait le directoire de la SMCI, que Paribas confia la présidence de COGEDIM. C’était un très bon choix.
Il était 14h20, le dimanche 18 décembre 1994, quand la nouvelle tomba sur les dépêches d’agence. 126 personnes venaient d’occuper un immeuble appartenant à COGEDIM, entre la rue de Rennes et la rue du Dragon. L’abbé Pierre, de sa voix chevrotante, criait dans un porte-voix, au milieu de la foule qui se massait devant l’entrée de l’immeuble. « C’est ma dernière sortie parmi vous. Ce n’est pas par plaisir, mais par nécessité, que nous occupons des immeubles. Nous savons bien que cela ne peut être qu’une solution d’attente. Nous voulons juste le relogement Nous n’acceptons pas qu’on considère comme coupables des gens qui occupent des logements vacants. Nous avons la loi pour nous. »
Le cours Désir, du nom d’Adeline Désir qui le fonda, rue Jacob, en 1853, était un institut d’enseignement de jeunes filles très connu et très apprécié dans le quartier de Saint Germain des Prés. Simone de Beauvoir fréquenta l’établissement et en fit une description dans « Mémoires d’une jeune fille rangée ». Prié de déménager, lors de la construction de la nouvelle école de médecine, l’institut s’installa, en 1958, au dessus de l’ancien passage du Dragon, transformé en supermarché. Mais, avec le temps, la carte scolaire, l’évolution de la démographie, l’institut devint obsolète. Au début de l’année 1989, alors que les prix des terrains dans Paris flambaient, Rome demanda à l’archevêché de vendre les locaux et d’étudier le regroupement des activités d’enseignement à Noisy-le-Grand.
COGEDIM fut choisie par l’archevêché et une promesse de vente fut signée. Dès que les parents d’élèves en eurent connaissance, particulièrement ceux qui avaient des enfants à l’école primaire, ils manifestèrent leur profond mécontentement. Le permis de construire fut délivré le 27 novembre 1991, rapporté le 30 avril 1992 pour un problème de procédure, redélivré le 30 juillet 1992 et à nouveau délivré et modifié le 29 janvier 1993… Saisi, par l’association de protection du patrimoine architectural et de préservation des conditions de vie dans le quartier de Saint-Germain-des-Prés, le tribunal administratif annula le permis de construire et déclara que « la façade projetée ne s’accordait, ni par son aspect, ni par son rythme, ni par les proportions de ses ouvertures au caractère dominant du bâti environnant et portait atteinte au caractère des lieux environnants. » Un nouveau projet, déposé par Jean-Jacques Fernier, obtint le permis de construire le 21 juillet 1994, mais n’eut pas plus de chance. Attaqué à nouveau, il fut annulé le 7 mars 1996 par le tribunal administratif. Voilà où en était COGEDIM, sur le plan administratif, le 18 décembre 1994, au moment de l’occupation des locaux par le DAL.
Au début de l’année 1995, la décision fut prise de modifier le mode d’administration de la société en remplaçant le conseil d’administration par un conseil de surveillance, présidé par M. Arnaud de Ménibus, membre du comité de direction de la banque Paribas et responsable du Pôle immobilier du Groupe Paribas, et un directoire composé de M. Henri Caro, président, et deux directeurs généraux, Yves Jacquet et Michel Desmoulin. Ce faisant, Paribas renouvelait son soutien à COGEDIM et s’assurerait que celle-ci dispose des moyens nécessaires pour restaurer sa situation nette.
Le 23 avril, Jacques Chirac fut élu président de la République. Il nomma Alain Juppé, Premier ministre et ce fut Pierre- André Périssol qui s’installa au Ministère du Logement. Les deux idées maîtresse du ministre étaient, d’une part, de promouvoir un prêt à taux zéro distribué par toutes les banques et compréhensible par tout le monde, et d’autre part, de supprimer le PAP; le prêt à l’accession à la propriété, distribué par le Crédit Foncier de France.
Avec ces nouvelles mesures, le marché immobilier commençait à reprendre des couleurs. De nouveaux programmes étaient mis en vente avec de bons résultats : Passy-Trocadéro, « Coté Parc », à Levallois, « Grand Parc », en bordure du nouveau parc André Citroën dans le XVème, 346 Ranelagh », « Finlay-Grenelle », « Edimbourg-Madrid » et la ZAC Aristide Briand à Issy les Moulineaux,
Le 30 janvier 1996, à la surprise générale, une nouvelle mesure destinée à favoriser l’investissement locatif avec la possibilité d’amortir le bien destiné à la location dans certaines conditions, fut annoncée. En quoi consistait ce projet ? La mesure devrait permettre d’amortir 80% du prix d’acquisition d’un logement neuf destiné à la location, dès lors que cette acquisition serait intervenue entre le 1er janvier 1996 et le 31 décembre 1998. L’amortissement serait de 10% pendant les quatre premières années et de 2% pour les vingt années suivantes. Par ailleurs, les bailleurs bénéficieraient d’un relèvement de 70 000 à 100 000 francs du plafond d’imputation des déficits fonciers sur le revenu global. En cas de vente, avant la neuvième année, l’amortissement viendrait en diminution du prix de revient. Il s’agissait bien d’une mesure choc ! Au Salon du Figaro, Pierre-André Périssol fut chaleureusement accueilli par une profession qui avait retrouvé le sourire et des raisons d’espérer.
Cinq ans après le début de la crise, la capacité d’achat des clients avait augmenté de 32% par le jeu des baisses de prix et des baisses de taux, alors même que les revenus n’avaient pratiquement pas augmenté.
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